Dans une entrevue diffusée hier sur Canal 3, le professeur agrégé de droit public, Joël Aïvo, après avoir présenté l’état des lieux de la gouvernance politique et économique du Bénin, a exposé les priorités du prochain président de la République afin de conduire le pays vers le développement durable tant souhaité.
Le professeur Joël Aïvo se montre sous un nouveau jour. Plutôt dans la peau d’objecteur de conscience que d’universitaire, il s’est évertué hier à faire le point de la situation sociale, économique et politique du Bénin.
Au cours de l’entretien conduit par Annick Balley et Joël Ahofodji, il a d’abord reconnu au régime en place ses acquis. En effet, Joël Aïvo a soutenu qu’à la suite de Kérékou et Soglo, on note sous Boni Yayi « une continuité, une intensification des grands chantiers », notamment dans le domaine des travaux publics. Il a ensuite salué la mise en place du Régime d’assurance maladie universel (RAMU), exemple d’une solidarité agissante. Précisant toutefois que cette initiative est perfectible, il a aussi apprécié la création du Guichet unique. Toutes ces actions sont à l’actif du chef de l’Etat qui a toujours incarné un certain volontarisme, a-t-il affirmé.
Diagnostic : il faut tout changer
Nonobstant cette volonté, le chef de l’Etat a laissé nombre de Béninois sur leur faim. Abordant ainsi les insatisfactions et les échecs du gouvernement, Joël Aïvo note un « Etat rongé par la corruption, sans morale et sans valeurs », un Etat « désarticulé » et « une banalisation de la fonction présidentielle ».
Face à un tel diagnostic, il plaide pour une remise à l’endroit de l’Etat. Car, après analyse, il est arrivé à la conclusion que l’Etat est devenu « une mécanique qui fonctionne dans le vide, qui ne produit plus de résultats ». Pour lui, le système béninois ne tourne plus dans le bon ordre parce que les Béninois n’ont pas été à la hauteur du respect du bien public.
C’est pour cette raison fondamentale que Joël Aïvo fait de la restauration des valeurs de la République, son engagement public. Déplorant l’indiscipline des gouvernants et des acteurs politiques censés donner le bon exemple, il a invité ses compatriotes à se réapproprier les problèmes du pays.
Au demeurant, des réformes s’imposent à partir de 2016, au regard de ce tableau peu reluisant. Selon Joël Aïvo, « notre modèle donne des signes de fatigue évidents. Il n’a plus d’âme ni d’esprit ». En conséquence, il estime qu’il faille « réintroduire une âme dans le fonctionnement des institutions ». Mieux, il a la profonde conviction qu’il faut « tout changer ».
Semer dans les cœurs la confiance
Et pour engager ce revirement de fond, Joël Aïvo propose une action morale déterminante : « remobiliser les Béninois sur l’amour et le dessein du Bénin ». De façon spécifique, il a insisté sur la nécessité de redonner confiance à tous les acteurs de la société. « Avec ça, nous pouvons aller plus vite et plus loin », a-t-il soutenu.
Au plan économique, il reste également convaincu qu’il faut accroître l’énergie du pays sur les performances du port de Cotonou et expérimenter l’économie numérique, l’économie verte… Aussi, faudra-t-il penser à diversifier l’agriculture, c’est-à-dire passer de « l’agriculture politique » actuelle à « une politique de l’agriculture ».
Joël Aïvo n’a pas occulté les questions de l’emploi des jeunes, de l’énergie, du tourisme, de la sécurité et de la décentralisation qui doivent faire partie des priorités de 2016. En outre, il a avoué ne pas être tenté par la fonction présidentielle, même s’il remplit les conditions prévues par la constitution. « Pour le moment, je suis porteur d’idées », a-t-il déclaré. L’urgent pour Joël Aïvo, c’est de travailler à peser sur la gouvernance du pays pour qu’elle soit meilleure que celle des années antérieures.
Pour lui, « le prochain président de la République doit aimer le pays, être le premier ambassadeur des valeurs du pays et capable de mettre en intelligence les valeurs du pays ».
Prince AKOGOU