S’engagera, s’engagera pas dans la course au fauteuil présidentiel ? L’annonce de la sortie médiatique du professeur de droit constitutionnel, Joël Aïvo a suscité intérêt et interrogations. Hier nuit, face aux confrères Annick Balley et Joël Ahofodji, l’intéressé a livré son appréciation de l’action du président Boni Yayi et suggéré des pistes de réflexion et d’actions pour améliorer le sort du Bénin, promis à un grand dessein…
Premier temps de l’entretien, l’appréciation du bilan des dix ans de pouvoir du président Boni Yayi. A propos desquels l’universitaire qui se considère comme citoyen engagé pour son pays, refusant de rester en réserve de la République, dit considérer que sur le plan des infrastructures, le président Boni Yayi a intensifié les grands travaux dans le pays. De même que dans le domaine de la santé, le Régime d’Assurance Maladie universelle (RAMU) doit être perçu comme une avancée en termes de justice sociale au profit des Béninois les plus démunis, même s’il reste à parfaire. Dans le même ordre d’idée, les efforts de réalisation d’infrastructures sanitaires. En outre, Joël Aïvo dit apprécier les efforts de mobilisation de ressources financières, se traduisant par l’accroissement manifeste du budget national ; autant que le volontarisme indéniable affiché par le chef de l’Etat.
Cependant, au passif de la gouvernance du pouvoir, le professeur agrégé de droit retient les nombreux scandales enregistrés, la corruption galopante, la crise de l’énergie, l’inflation institutionnelle, le mauvais casting qui conduit à un positionnement et, par suite, à un mauvais rendement des cadres positionnés sans considération de leur profil ou des spécificités des postes auxquels ils sont appelés.
C’est fort de ces constats que Joël Aïvo s’inscrit dans la logique de l’action qui réconciliera les Béninois avec les valeurs du pays, à commencer par le respect voire la dévotion aux couleurs nationales, à la devise du pays. Bref, un retour sinon un appel au patriotisme, au civisme, les responsables publics devant, en la matière, être des exemples alors que, bien souvent, ils font preuve d’indiscipline.
Une déduction logique du bilan mi-figue mi-raisin qu’il dresse de la situation du pays, c’est qu’il faudra s’engager dans des réformes. Tant, estime-t-il, les valeurs ont déserté le forum, le modèle mis en place 25 ans plus tôt est vidé de sa substance, n’a plus d’âme, tant la machine fonctionne dans le vide.
En clair, il faut changer de cap, une sorte de révolutionner car, à continuer ainsi, la machine ne peut plus produire de résultat. Aussi, faudra-t-il remobiliser les Béninois autour de l’idéal qu’est le dessein du pays, leur redonner confiance en l’avenir, changer radicalement tout. Afin que notre pays ne soit pas seulement un modèle de démocratie mais un exemple de pays propre, bien gouverné, réhabilité dans sa grandeur. Dans cette perspective, Joël Aïvo se verrait bien en semeur de confiance, sinon d’espérance ; toutes choses nécessaires à impulser le développement économique.
Perspective 2016
Pour une nouvelle dynamique dès le prochain pouvoir, il faut des réformes hardies prenant en compte la compétitivité du port de Cotonou, les nouveaux pôles de croissance, et sortant du tout coton comme cela a été le cas des dernières années, au détriment de filières porteuses (ananas, anacarde…) qui mériteraient plus d’attention de l’Etat. «Nous avons fait plus de l’agriculture politique en lieu et place d’une politique de l’agriculture», déplore l’enseignant de droit constitutionnel. Il ne désespère tout de même pas, convaincu que si l’Etat œuvre à mettre en confiance les opérateurs économiques privés, donne leur chance aux jeunes méritants, prend mieux soin de ses fonctionnaires, les choses iraient autrement bien. A ce propos, l’enseignant magnifie la qualité des ressources humaines béninoises même si, à son avis, il ne sera pas inutile de repenser l’adéquation formation-emploi. Autant que le secteur de l’énergie devra faire l’objet de priorité absolue pour le prochain pouvoir, qui devra planifier la fin des déficits dans un délai précis. Ou encore les secteurs du tourisme, de la culture, de la sécurité, de la décentralisation…
En somme, un diagnostic-programme qui appelle une cure d’envergure, les gouvernants devant montrer de l’envie, de la volonté d’épater les populations. Une cure que le professeur ne se verrait pas forcément appliquer en personne, tant un chef d’Etat, relève-t-il, c’est Dieu qui choisit et les hommes valident. C’est celui que les circonstances désignent et imposent. N’étant pas sûr d’être cet homme, mais n’excluant finalement rien, tant une part d’improbable peut tout orienter à tout moment, il attend à minima du prochain président de la République, qu’il aime profondément le pays, soit capable d’en détecter les battements du cœur, de le sauver.
Ensuite, Joël Aïvo se convainc que le peuple béninois saura faire le choix qui convient. A titre personnel, il entend ne pas rester en dehors de l’action, mais œuvrer à lever une armée de patriotes prêts à se battre pour le Bénin.
Wilfried Léandre HOUNGBEDJI