Les prochaines heures s’annoncent très chaudes dans les prisons du Bénin. Et depuis le fond de leurs cellules, les détenus risquent d’essuyer des sueurs froides. Et pour cause, la faim qui frappait avec insistance à leur porte finira par y entrer dès demain si le gouvernement ne fait rien pour apaiser les prestataires en alimentation qui menacent d’aller en grève dès le 1er octobre. Ainsi, en plus d’être privés de leur liberté, les détenus des prisons civiles du Bénin seront dès demain privé de nourriture, de quoi alourdir leurs peines avec la grève des magistrats qui ne fait que multiplier leur effectif au fond des cellules. Réuni en Assemblée générale le 22 septembre dernier, le collectif des prestataires en alimentation des prisons civiles du Bénin, a malgré lui, décidé d’aller en grève pour non respect des engagements pris par le ministère de la justice. Plus précisément, ce collectif est arrivé à cette extrémité pour non paiement des arriérés de janvier 2012 à 2014, non paiement de certains prestataires au titre de l’année 2014, non établissement à certains prestataires des avenants relatifs à la surpopulation carcérale intervenue dans certaines prisons et non signature des contrats relatifs à l’alimentation des détenus des prisons civiles du Bénin pour l’année 2015 en cours. A en croire le collectif, les arriérés de janvier 2012 à janvier 2014 s’élèvent à deux milliards cinquante millions (2.050.000000) F Cfa. Certaines dettes de 2014 sont estimées à un milliard trois cent millions (1.300.000.000) F Cfa. Au dire du collectif des prestataires, cette situation a été portée à la connaissance du garde des sceaux, ministre de la justice à travers une lettre qui lui a été adressée le 25 septembre dernier. Ils ont été par la suite reçus en audience par l’autorité, mais rien de concret n’a été retenu. Raison pour laquelle le mot d’ordre de grève est maintenu. « Nul n’ignore aujourd’hui les nombreux préjudices que nous avons subis en acceptant de travailler de janvier 2012 à janvier 2014 sur la base des lettres de poursuite signées de différents ministres de la justice et tenant lieu de bons de commande. Mais lorsqu’il s’est agi de nous payer, ces lettres avaient été rejetées par le même ministre qui les a éditées. Et pour cause, elles n’avaient aucun fondement juridique. Dans ces conditions, comment nous pouvons fournir des prestations en alimentation aux détenus des prisons civiles du Bénin sans un contrat valable, en continuant à nous exposer à de graves conséquences comme par le passé ? Nous refusons les traitements que l’Etat béninois ne cesse de nous infliger depuis 2006 jusqu’à la date d’aujourd’hui en ce qui concerne le paiement de nos dettes. Il est important de souligner qu’avant 2006, nous vivons paisiblement dans ce métier car, nos factures, une fois déposées après services effectués, nous étaient payées aussitôt », a précisé l’Assemblée générale.
L’heure est grave
L’alerte est au maximum et les prestataires sont prêts à mettre en exécution leur menace sans état d’âme car, leurs entreprises sont menacées de disparition. A cause de ces dettes, les entreprises n’arrivent plus à honorer leurs engagements vis-à-vis de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) et du fisc. Cela les empêche du coup de ne plus participer à des appels d’offres nationaux car, il leur est impossible de se faire délivrer des attestations fiscales et des attestations de la Cnss obligatoires pour participer à n’importe quel appel d’offres en République du Bénin. « Tout porte à croire que tout est fait pour nous empêcher de participer à l’appel d’offres ouvert relatif à l’alimentation des détenus des prisons civiles du Bénin pour l’année 2016 et qui doit se faire avant le 1er janvier 2016, date à laquelle de nouveaux prestataires en alimentation doivent être désignés. Ce qui est criminel, le gouvernement va jusqu’à proposer aux prestataires, l’apurement desdites dettes de janvier 2012 à décembre 2012, de janvier 2013 à avril 2013, les infructueux de mai 2013 à janvier 2014 et les omissions de dettes d’avant 2012 par des titres. Ce mode de paiement par des titres est une menace sur lesdites entreprises compte tenu des conséquences négatives que comporte la titrisation pour les petites et moyennes entreprises comme les nôtres », a martelé le collectif.
Selon les prestataires, un sérieux problème se pose sur les lignes de crédits allouées à l’alimentation des détenus car, la ligne de crédit de 2015 sert à payer les dettes de 2014 alors que les prestations en alimentation de 2015 demeurent sans budget. Ils se demandent alors où sont passés les fonds des prestations de 2014 ? En attendant que les autorités compétentes apportent une réponse conséquente à cette interrogation, les prisons seront sans aliments au grand dam des détenus. Pourvu qu’ils ne crèvent pas de faim…
Et si les prisonniers s’évadaient ?
Souffrir le martyr sans une lueur d’espoir d’un lendemain meilleur. C’est le sort réservé aux hommes et femmes détenus dans les maisons d’arrêts. Pourtant, le Bénin a ratifié tous les textes relatifs au respect des droits humains. Privés de liberté et du droit à la justice, du fait de la fermeture des cours et tribunaux fermés par les magistrats, les prisonniers sont désormais condamnés à observer un jeûne cruel et sans limite. Ils n’ont pas de juge pour traiter leurs dossiers et décider de leur sort. Et il est un secret de polichinelle que les conditions de vie carcérales sont des plus misérables sous nos cieux. Dans un tel contexte il sonne faux de subir la menace de la faim. Si rien n’est fait pour régler les prestataires en alimentation des prisons civiles du Bénin, la révolte serait légitime. Les prisonniers peuvent s’évader. Ils auront en leur faveur l’excuse de la provocation. Etre privé de liberté n’est pas une condamnation une mort misérable.
Isac A. YAÏ