«Le Sida à l’ère post 2015: Lier le Leadership, la science et les droits humains». Tel est le thème de la 18è Conférence internationale sur le Sida et les infections sexuellement transmissibles (IST) en Afrique (ICASA) qui se tiendra dans la capitale du Zimbabwé, Hararé, du 29 novembre au 4 décembre prochain. Le président du Comité scientifique sur les sciences sociales, les droits humains et les sciences politiques et rapporteur général de cette conférence, chef service pédiatrie de l’Hôpital d’instruction des armées (HIA), le médecin-colonel Alain Azondékon, présente ici les objectifs de ladite rencontre africaine.
La Nation : Que vise cette conférence internationale et combien de participants y sont attendus ?
Alain Azondékon : L’Afrique dispose d’une société dénommée société anti-Sida qui s’occupe de toutes les questions liées au Vih/Sida et étendue à toutes les maladies connexes. Cette société a une plate-forme qui s’appelle ICASA. Elle permet de se retrouver pour partager les expériences acquises de part et d’autre sur le continent. Il s’agit donc d’un espace où les participants venus du monde entier échangent. Ainsi, à l’ICASA, les participants auront à apprendre et à recevoir des uns et des autres. Au départ, le Vih/Sida était banalisé, puis après il a pris de l’ampleur. Ce qui a nécessité beaucoup de moyens pour la prévention et le traitement parce qu’il faut bien dépister, mettre sous traitement les personnes vivant avec le Vih/Sida. Donc des traitements qui ne doivent pas avoir des effets secondaires et qui sécurisent et garantissent une vie saine aux patients. Il faut se réjouir, aujourd’hui, que les médicaments sont disponibles. Mais malheureusement, il y a encore de nombreuses personnes qui ne connaissent pas leur statut sérologique. Alors, la question qui mérite d’être posée est de savoir pourquoi des gens ne sont pas testés ou bien pourquoi lorsque certains sont mis sous traitement ils ne sont pas satisfaits ?
Aujourd’hui, il y a la science et beaucoup d’évidences ont été révélées. Mais il va falloir qu’il y ait des gens pour mettre des programmes en place dans un souci de transparence et de légitimité. Au même moment, il est aussi question de mettre les droits humains au centre des préoccupations lorsqu’on sait qu’il existe de nos jours des homosexuels, des professionnels de sexe et des zones de conflits.
La 18è édition de l’ICASA est une occasion pour attirer l’attention de l’opinion publique sur la menace de l’héritage découlant de la récession de l’économie mondiale. Elle est pour la communauté internationale et tous les Africains, une occasion pour conjuguer leurs efforts dans l’aboutissement d’un continent sans Sida. Près de 10 000 éminents scientifiques, décideurs politiques, militants, personnes vivant avec le Vih, leaders de gouvernement ainsi qu’un nombre important de chefs d’Etat et de représentants de la Société civile sont attendus à cette conférence. Elle sera aussi une excellente opportunité pour promouvoir les réalisations intersectorielles liées à la réponse au Sida et pour renforcer les partenariats.
Les conférences nationales et internationales sont légion depuis la découverte du Vih/ Sida. De façon spécifique, quels sont les objectifs de cette rencontre ?
Comme je le disais tantôt, l’ICASA est une plate-forme. Et la rencontre de 2015 se subdivise en trois composantes. D’abord, il y aura le programme scientifique qui abordera les avancées biomédicales sur l’épidémie du Sida. Ensuite, les participants aborderont le point de la situation du Sida en Afrique. Il s’agira de faire en sorte pour que les 90% des populations qui ne connaissent pas encore leur statut sérologique, le sachent pour s’assurer une vie decente. Il sera aussi question de discuter des ravages de l’hépatite. Cela permettra également de voir où nous en sommes pour le couple maudit Vih-tuberculose. Il existe des essais vaccinaux qui sont faits en Afrique. Etant donné que nous avons mis beaucoup de gens sous traitements anti- rétroviraux, on observe un développement d’autres maladies non transmissibles comme les maladies cardio-vasculaires, les maux de reins. Tout cela ne peut être discuté sans le programme de leadership. Car, l’Union Africaine veut avoir une très grande session sur la vision de 2030 pour une génération sans Sida. Dans ce cadre, le rôle des premières dames sera identifié de même que le financement des actions à mener. Donc on ne peut plus gérer n’importe comment les ressources dégagées pour la lutte contre le Sida. Au niveau du volet communautaire, il sera question de voir comment repenser les communautés africaines sous la pression du Vih/Sida. Il y aura aussi une conférence spéciale où les jeunes viendront parler des droits à la santé sexuelle. Ils ne manqueront pas de diagnostiquer la responsabilité de la médecine traditionnelle dans cette lutte implacable.
Pour me résumer, je dirais que cette conférence permettra, d’une part, de renforcer l’inter- action entre la santé publique, la science et les droits humains pour le contrôle et l’élimination de la pandémie du Vih/Sida et les maladies associées, et d’améliorer la sensibilisation, l’apprentissage des connaissances, les compétences, les meilleures pratiques de la riposte au Sida et d’autres épidémies émergentes comme Ebola, l’hépatite, et les maladies non transmissibles, d’autre part.
Elle permettra également de promouvoir pour l’ère post 2015, le développement et le passage à l’échelle des interventions fondées sur des preuves tangibles pour répondre au Vih/Sida, et aux maladies associées et de renforcer le leadership africain, l’appropriation de la réponse et accroître l’investissement financier pour soutenir la réponse continentale en matière de santé.
Alors que vient chercher le Bénin dans l’organisation d’une conférence internationale de cette envergure ?
Le Bénin fait partie des nations africaines et la société anti-Sida doit être considérée comme un pan qui permet aussi de régler les problèmes liés au Vih/Sida. On ne peut pas perdre de vue qu’il s’agit aussi d’un enjeu politique. A cet effet, le ministre béninois de la Santé a été invité et sera le modérateur des travaux de cette rencontre. Il animera également beaucoup de sessions sur le leadership. Un autre Béninois animera une session sur le Vih et la tuberculose. Robert Mugabé qui est aujourd’hui le président en exercice de l’Union Africaine et l’épouse du président Jacob Zuma ainsi que huit autres premières dames invitées comme celle du Ghana. Il est donc une nécessité de mettre tout le leadership possible pour que la conférence connaisse un succès. En dehors de cette participation, il n’est pas à perdre de vue que le Bénin est l’un des pays phares de la lutte contre le Sida. Un autre jeune scientifique doit faire une communication sur l’importance des sciences sociales et humaines dans l’accès aux soins et aux traitements. Douze autres Béninois ont des communications à présenter. En dehors de tous ceux-là, moi-même, je suis le président du Comité scientifique sur les sciences sociales, les droits humains et les sciences politiques et rapporteur général de l’ICASA 2015 et rapporteur de cette conférence. En cela, il me revient de former tous les autres rapporteurs dont des Zimbabwéens.
Par rapport au thème de cette conférence, dites-nous quels sont les liens entre le leadership, la science, les droits humains et le Vih/Sida ?
La science a pour rôle de découvrir et de nous dicter ce qu’il faut faire. Dans les comportements que dicte la science, on peut retenir le port de préservatif, les médicaments à administrer ou les traitements à faire. Mais après la science, il y a ce qu’on peut appeler la science de la mise en œuvre qu’est le leadership. Ce dernier est tenu de mettre chaque chose à sa place en pensant aux droits humains. Car, il n’est pas question qu’en menant une lutte contre le Sida, que les droits humains soient bafoués. Il s’agira d’aller aux fondamentaux de la vie. Car la science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Quels sont les résultats attendus de cette conférence ?
Ce que nous attendons de cette conférence est que tous les leaders, qu’ils soient responsables d’ONG, de centres, des dirigeants politiques au niveau de nos Etats, qu’ils mènent vraiment la lutte contre le Vih étant donné que c’est un défi, un fléau qui a vraiment fait retarder l’Afrique. Il suffira de reconsidérer le leadership pour que les droits humains soient au centre des préoccupations. Car les droits humains sont très importants dans les différents programmes de lutte contre le Vih. Voilà concrètement, ce que nous attendons.
Vous parlez de leadership parce que nos gouvernants ont un rôle à jouer. Avez-vous un appel à lancer à leur endroit ?
Le leadership n’est pas forcément la seule affaire des gouvernants, parce que chacun de nous doit être responsable à son poste. Si j’attends que le leadership vienne forcément du ministre de la Santé et que moi-même à mon niveau, je n’exprime pas une forme de leadership, ça pose un problème. C’est-à-dire qu’il est le seul à reconnaître que tout va très bien. C’est à nous maintenant de faire le travail. Au fur et à mesure que nous allons vers la hiérarchie, qu’il y ait vraiment une diffusion de ces pratiques.
A l’endroit des dirigeants, je veux qu’ils émettent toujours le leadership comme mode de gestion transparente. Ceux qui feront mal auront la sanction négative qu’on appelle la punition.
Désiré GBODOUGBE