Très averti des questions liées à l’islam au Bénin, en Afrique et dans le monde, le premier haut dignitaire de l’Union Islamique du Bénin, Karim da Silva, regrette le drame survenu à la Mecque. Il expose ici les vraies et profondes raisons à l’origine de ce drame qu’il qualifie de sabotage. A le suivre, ce drame se révèle comme étant la revanche des yéménites sur l’Arabie Saoudite au regard de l’opération désastreuse des saoudiens sur leur pays d’origine. La seule probabilité pour prévenir à l’avenir la répétition de tout drame du genre à la Mecque proposera Karim da Silva, c’est de revoir de fond en comble l’organisation du pèlerinage par la création d’un Conseil Islamique tel que le Roi d’Arabie Saoudite lui-même l’a déjà proposé, mais sous la Haute autorité du Roi, qu’il faudra que les membres issus du monde islamique ou certains d’entre eux assistent. Lisez plutôt sa réflexion.
Réflexions sur les causes probables de la terrible tragédie du pèlerinage 2015 à la Mecque… et leurs conséquences.
On a vu, entendu et lu les diverses interprétations auxquelles a donné lieu la survenance du drame qui a endeuillé le dernier pèlerinage à la Mecque. Les accidents survenus s’expriment par une double catastrophe, la première qui occasionna 109 morts à la suite de la chute d’une grue, la deuxième qui enregistre maintenant 769 morts résultant d’une bousculade. A cette occasion plusieurs et diverses raisons ont pu être évoquées comme étant les causes immédiates.
Là où il y a plus de cent personnes en dessous, donc au niveau inférieur, le bon sens de toute évidence exclut qu’au niveau supérieur on entreprenne quelques travaux que ce soit. En avoir tenu compte aurait permis d’éviter les 109 premiers morts.
Quant aux morts de la bousculade dont le nombre au départ était de 717 puis 769. Il a été avancé ci et là, que la fermeture d’une porte serait la cause de l’accident, ou que son origine se trouve dans le non-respect des prescriptions par les pèlerins, quand la faute n’a pas été attribuée à la défaillance de la sécurité voire à la nature gigantesque des travaux effectués pour accroître et améliorer la viabilité de cette place de la lapidation des trois stèles représentant Satan.
Tout ceci me laisse sceptique et m’oblige à chercher ailleurs, afin de voir si d’autres causes ne seraient pas susceptibles d’expliquer véritablement ce malheur mondial.
Les nombreuses divisions qui fleurissent au jour le jour dans le monde arabe ont achevé de rendre d’une grande précarité la paix en tout point de cette région du monde. Et, elles sont nombreuses et indéchiffrables. L’ouroboros !
Les causes de ces divisions sont souvent vaporeuses et incroyablement aléatoires. Alors, devrait-on s’entretuer, se haïr, sans relâche, et au quotidien, pour ce qui est inimaginable parce qu’il n’en vaut pas la peine ?
Ces divisions seules suffisent à expliquer la catastrophe de la Mecque, mais le dire ainsi reviendrait tout simplement à escamoter le débat et à le clore précipitamment, d’autant plus que d’autres explications s’offrent à l’analyse.
Dit-on, il n’y a pas de fumée sans feu. En observant et en lisant bien le tissu économique et social du royaume Wahhabite, il est loisible de déduire ce qui suit :
L’Etat Wahhabite est composé d’une minorité de riches et d’une classe moyenne assez aisée. De par son sous-sol, il dispose de pétrole en quantité industrielle.
C’est donc un pays béni par la nature, ce qui fait que ses ressortissants sont enclins à une certaine paresse.
Mais nous devons reconnaître que les saoudiens ont transformé tout le site du pèlerinage et investit d’énormes sommes d’argent en construisant des voies d’accès innombrables, développé le transport et accru le nombre et la qualité des locaux d’hébergement. Le même lieu de ce terrible accident dispose de plusieurs voies d’accès à l’aller comme dans le sens du retour.
Pour pallier à cette indisposition au travail, depuis et pendant longtemps ils ont recouru à une main d’œuvre servile qu’ils ont très exploitée mais bien rémunérée au point où celle-ci s’est émancipée.
Il s’agit des voisins de l’Arabie saoudite, les yéménites. Ils ont la même religion que les saoudiens, et sont présents à tous les échelons de la vie économique du royaume saoudien.
La plupart d’entre eux étaient chauffeurs, maçons, peintres, clercs, garçons de courses, comptables… En bref, ils occupaient tous les emplois de l’administration, de l’hôtellerie et exerçaient tous les métiers qui étaient inacceptables pour un saoudien de souche.
Ils en sont arrivés à s’enrichir au point de construire au Yémen où ils ont bâti un second foyer. Certains sont restés en Arabie Saoudite où ils se sont parfaitement intégrés de sorte qu’ils sont confondus aux mecquois.
Feu Ben LADEN, le même qui, il n’y a pas si longtemps, donna du fil à retordre à l’administration américaine et à son président George BUSH, était le fils d’un riche homme d’affaires et entrepreneur de souche yéménite installé en Arabie saoudite, comme d’autres.
C’est dans ce climat d’intégration réussie ou parfaite, que naquit au Yémen, depuis quelques temps, un conflit interreligieux d’origine douteuse.
Gardienne des Lieux Saints de l’Islam, il revenait à l’Arabie Saoudite d’observer une stricte et totale neutralité.
Mais son implication alla au-delà de la simple condamnation et se traduisit dans les faits par une intervention militaire dans le conflit.
Les avions saoudiens ont attaqué et détruit le Yémen par leurs bombardements intensifs, répandant la désolation et la mort de femmes et d‘enfants éventrés, mutilés, en un mot, d’innocents dans un pays où la plupart des citoyens ont leurs parents en Arabie Saoudite.
Que pourrait être la réaction de ces yéménites vivant en Arabie Saoudite ?
Ils sont infiltrés dans tous les secteurs de la vie économique et sociale de l’Arabie Saoudite. En outre, ils sont de fait devenus saoudiens et détiennent tous les papiers qui permettent de les reconnaitre en tant que fils du royaume Wahhabite.
Ces yéménites voudraient-ils se venger de l’opération désastreuse des saoudiens sur leur pays d’origine que la chose leur serait des plus aisées, disposant comme nous l’avons vu, de plusieurs leviers qu’ils peuvent actionner.
Telle me semble être l’une des véritables pistes ou l’une des plus sérieuses sur la recherche des causes des accidents catastrophiques survenus au cours du dernier pèlerinage à la Mecque. D’autant plus que de nombreux groupuscules de l’Afrique à l’Orient en passant par l’Europe sont capables d’une telle infamie.
La seule probabilité que cette piste puisse représente une possibilité doit maintenant nous amener à penser pour prévenir à l’avenir la répétition de tout drame et particulièrement un accident de cette envergure à la Mecque.
Au nombre des plus judicieuses dispositions à prendre, l’organisation du pèlerinage devra être revue de fond en comble, d’où la création d’un Conseil Islamique à cette fin tel que le Roi d’Arabie Saoudite lui-même l’a déjà proposé.
Mais, sous la Haute autorité du Roi, il faudrait que les membres issus du monde islamique ou certains d’entre eux assistent le Roi.
A ce sujet, il est évident, tel que je le disais il y a au moins 25 ans au Caire, que la Ligue Arabe ne peut pas traiter les problèmes des africains musulmans et qu’il faudrait une Ligue Islamique regroupant les musulmans du monde entier.
En réponse à ma demande il avait été créé un conseil islamique dirigé par un africain nigérien. L’erreur d’un tel conseil islamique de circonstance n’est plus à reprendre, puisque ledit conseil a depuis disparu.
Par-ailleurs, Il n’y a pas à désorganiser ce que notre Prophète a institué nous n’avons qu’à l’améliorer. C’est dans ce sens qu’il faudra asseoir un Conseil Islamique qui assistera le Roi pour les affaires religieuses et qu’il pourra consulter à tout moment.
Ensuite, pour empêcher de graves accidents du genre de celui qui, à Mina, a occasionné le plus grand nombre de pertes en vies humaines, il m’est apparu évident et salutaire qu’un rôle était de loin une solution efficace.
En effet, chacune des différentes nationalités qui participent au pèlerinage devra se voir attribuer un tourpour effectuer le jet de pierres au cours d’une période de temps de la journée, à déterminer pour chaque pays, selon des critères à définir, de sorte que l’affluence soit maîtrisée et la cohue évitée.
Ainsi, même si par erreur, un cas extraordinaire de bousculade, parce que les uns et les autres se seraient trompés de portes, devait se produire, le pire serait écarté.
On doit éviter de confondre le royaume saoudien et le territoire où sont situés les Lieux Saints de l’Islam.
Pour cela, il faudra en arriver à dissocier le royaume wahhabite de l’Etat du territoire des Lieux Saints de l’Islam.
On pourra instituer également un autre Roi pourla région des Lieux Saints et pour tout ce qui concerne l’Islam dans le monde.
Concrètement, il nous faudra questionner nos théologiens sur l’attitude à adopter entre :
Faire prolonger la durée requise pour l’accomplissement de certains rituels,
Etaler le rituel d’Arafat sur trois jours à sept jours éventuellement.
Pour comprendre cette proposition, il faut prendre en compte certaines données incontournables sauf à vouloir perpétuer le pire que nous vivons avec la possibilité d’une répétition de ce type d’accident déplorable.
En effet, la population de la Mecque au temps du Prophète n’est pas celle d’aujourd’hui.
De même, celle de la terre entière à cette époque, n’était pas la même que de nos jours, eu égard à l’expansion de l’Islam et au nombre croissant des fidèles d’années en années.
Le pèlerinage tel qu’il était à l’origine avait des réalités qui ont changé de nos jours ne serait-ce qu’en termes de population.
Quelques exemples sur seulement une époque récente permettent aisément de réaliser l’ampleur de la situation nouvelle.
Ici au Bénin il n’y a pas si longtemps notre population n’était qu’à peine de cinq à six millions habitants. Aujourd’hui elle est de dix millions, le Nigéria est passé en un demi-siècle de cinquante millions à près de deux cents millions, l’Inde etla Chine, se comptent en terme de population par centaines de millions et milliard d’habitants.
Le monde musulman n’a pas été en reste. Le nombre des fidèles à travers toute la terre a également crû. Et à cette vitesse exponentielle, l’Arabie Saoudite ne pourra plus accueillir des pèlerins dont le nombre explosera d’ici quelques décennies.
En effet, les lieux des rituels d’Arafat et de Mina pourront-ils avec toutes les précautions, contenir d’ici quelques décennies, dix millions de pèlerins qui effectueraient tous le pèlerinage le même jour ? Le pire n’est-il déjà pas à craindre ?
La politique à laquelle ne peut échapper le royaume d’Arabie Saoudite fait de celui-ci un protagoniste dont les actes ne peuvent susciter que des antagonismes qui ne manqueront pas d’entraîner l’Islam dans ses inimitiés, en raison du fait que les Lieux Saints de l’Islam se trouvent sur son territoire.
C’est la raison pour laquelle il faut dès à présent prendre les devants compte tenu de la réalité concrète à laquelle nous avons désormais à faire face en tenant compte des recommandations de la théologie islamique.
D’où la séparation, la dissociation, tel que je l’ai préconisé plus haut, des Lieux Saints de l’Islam et du royaume saoudien qu’il faut dès à présent envisager de la façon suivante qui n’est qu’une proposition de solution, d’autres pouvant venir la compléter ou l’étayer.
Un territoire donc pour les Lieux Saints de l’Islam dans l’espace qu’ils occupent actuellement et qui pourrait être agrandi en cas de nécessité, et un territoire distinct pour le royaume saoudien avec deux administrations différentes et conséquemment deux autorités différentes c’est-à-dire deux Rois.
Le Roi des Lieux Saints de l’Islam les gèrera et les dirigera en dehors de toute activité politique ou immixtion politique. Il ne prendra aucune décision politique mais se limitera uniquement à être le gardien des Lieux Saints.
Ses ressources auraient pour origine les dons de tous les musulmans et de tout autre Etat, voire organisation de bienfaisance qui voudrait soutenir l’Islam. Le royaume saoudien pourra lui venir en aide comme tout autre état de la planète.
Le Roi des Lieux Saints sera intronisé en présence des représentants de toutes les communautés musulmanes de tous les pays du monde et il représentera l’Islam partout où besoin sera.
Le Roi d’Arabie Saoudite, comme tout Chef d’Etat, sera libre de gérer son territoire et ses sujets.
Il pourra, comme il le fait actuellement, s’impliquer dans toute affaire pour le seul compte de son pays, évitant ainsi de faire subir à l’Islam les conséquences de ses positions politiques qui ne concernent pas les musulmans, mais uniquement les ressortissants de son royaume.
Le Roi d’Arabie Saoudite n’est pas le Roi du monde islamique, mais celui des saoudiens.
Il faudra donc à l’avenir sortir de l’amalgame pour préserver l’Islam.
Hier Israël, aujourd’hui l’Iran, la Syrie, le Liban du Hezbollah, la Palestine, les Frères musulmans, le Yémen pour ne citer que ceux là, sont des sujets qui occupent à profusion le Roi d’Arabie Saoudite dont les positions sur ces questions ne doivent pas déteindre sur l’Islam, le Prophète ne l’a pas enseigné, et ce royaume n’existait pas au temps du Prophète.
Ainsi, on évitera que les conséquences de la politique du royaume saoudien rejaillissent sur les Lieux Saints de l’Islam.
Ce sont là, quelques éléments de réflexions que je voulais partager avec les uns et les autres. J’ai pensé que c’est là ce qu’on peut faire pour protéger l’Islam.
Nous ne devons rien à un pays arabe dont l’Islam n’est pas la propriété et aucun pays arabe ne nous doit quoi que ce soit. Personnellement je n’ai jamais rien demandé, ni rien reçu de quelque pays arabe, pour quoi que ce soit.
J’ai œuvré pour la création des relations diplomatiques entre mon pays le Bénin, l’Egypte et la Libye en 1974.
J’ai acheté les droits de publication du chef d’œuvre de Maurice Bucaille, la bible le Coran et la Science, j’ai payé et obtenu la traduction en Anglais et procédé à la distribution gratuite de cet ouvrage, j’ai offert des quantités de cet ouvrage en langue anglaise à Al-AZHAR au Caire par les soins de l’ambassadeur d’Egypte qui agréablement surpris, a livré ses impressions au Ministre Egyptien des Affaires Etrangères de son pays, à travers deux communications ; lisez plutôt :
Communication n° 158 le 27 / 5/ 1992
‘’Nul doute que cette initiative de M. Karim de SILVA d’envoyer par notre entremise un certain nombre d’exemplaires de la version anglaise de l’ouvrage de Maurice Bucaille est positive et pionnière. Je ne connais pas personnellement de cas d’expédition d’une référence de cette valeur de notoriété mondiale, de la part de musulmans d’un pays africain à l’honorable El AZHAR, le mouvement des publications se faisant à sens unique, du Caire vers l’Afrique. Initiative qui doit recevoir la réaction favorable qu’elle mérite.’’
Communication n° 368 du 28 / 10 / 1992
“Je ne manquerais pas, à nouveau de signaler le caractère positif de l’initiative de M. Karim da SILVA et de la louer. M. da SILVA en prenant à sa charge l’impression, la traduction et l’édition de cet ouvrage de valeur, et en remettant un grand nombre d’exemplaires pour l’expédier à El Azhar, dans le seul but de rehausser l’image de l’Islam en Afrique subsaharienne, nous donne aujourd’hui l’exemple unique d’une coopération culturelle à double sens“.
J’ai également offert une partie de mes droits sur ce livre à la Libye pour en faciliter la diffusion sous forme de livre de poche à titre gratuit.
Nous pouvons donc en toute liberté proposer le mieux que nous pensons pour la prospérité de notre religion.
Karim da SILVA, Octogénaire
Premier haut Dignitaire de l’Union Islamique du Bénin
Grand-Croix de l’Ordre National du Bénin
La redaction