Le Bénin bénéficie pour sa visibilité au plan international, en matière de Culture, de l’appui d’un grand homme connu aux quatre coins du monde. Jean Roche, encore appelé « Citoyen du monde » ou « Monsieur festival » est un virtuose des rencontres culturelles, l’initiateur du festival de Gannat en France et par ailleurs délégué général de l’Association nationale Culture et Traditions de France. Du 1er au 7 septembre dernier, il était présent à Santarem dans le cadre du festival de cette ville, surtout pour apprécier une fois encore, la présence de ces poulains, les acteurs du ballet national du Bénin. Il livre ici ses impressions à ce sujet, ses rapports avec la culture du Bénin, les perspectives….
La Nation : Monsieur Jean Roche, vous êtes connu comme un «citoyen du monde». Comment en êtes-vous arrivé là ?
Jean Roche : (Rire). Je crois qu’il faut remonter à mon histoire pour comprendre un peu comment je suis devenu citoyen du monde. Je suis originaire du centre de la France. Une région où on a un caractère assez dur (je dis dur, parce que la vie n’est pas facile), mais aussi parce qu’on a une identité et nous sommes fiers de notre identité. Oui, on est Français, on est Européen, mais pour moi, nous sommes avant tout Citoyen du monde. Mon histoire, je suis issu d’une famille paysanne, donc d’agriculteurs avec un petit commerce de bois. Mon père est un pêcheur et j’ai été élevé dans ce contexte. Cela m’a permis de prendre conscience de cette identité qui n’était pas reconnue en France, parce que c’était la grande culture et les intellectuels. Pour moi, c’était important d’être le porte-parole des sans-noms, ceux qu’on ignorait. C’est comme ça que j’ai commencé à créer un groupe folklorique, il y a 50 années. Et puis après, le Festival des cultures du monde, j’ai commencé justement par m’intéresser de plus en plus aux autres cultures. Bien sûr, les cultures en France, mais aussi à l’étranger. J’ai pris des responsabilités petit à petit au sein des groupes folkloriques français, du Comité international des organisations de festival de folklore.
Notre association a grandi par la suite et a été reconnue sur le plan national, international, reconnu par l’UNESCO. Et moi-même, je fais de ma passion, ma profession, parce que j’étais conseiller au ministère de la Jeunesse et de l’Education populaire, mais toujours avec une liberté pour rencontrer et promouvoir les cultures au niveau international.
On dit aussi de vous que vous êtes un «parrain» pour la culture béninoise !
En fait, depuis quelques années, quand Marcel Zounon a pris la direction du Ballet national du Bénin, il m’a fait part de ses intentions, de ses projets. Et puis, avec l’aide du ministère de la Culture, il y a eu des accords dont j’étais très au courant. Je suis yovo (Ndr: race blanche)mais quand même je suis fofo (frère ainé) chez vous, au Bénin. C’est pour moi un grand honneur. Donc, j’ai essayé de favoriser justement la promotion de votre culture. Ce qui fait qu’à la demande de vos instances, depuis quelques années, le ballet national voyage à travers le monde. Et puis cette année, nous avons suggéré à nos amis du Portugal de les accueillir pour le festival de Santarem qui, comme tout festival, a sa particularité. C’est un festival que je connais. Le fondateur de ce festival à qui on dédie toute la ville, est un monsieur que j’ai connu il y a 45 ans, qui m’a appris à aimer le folklore du Portugal. Donc, ayant beaucoup de relations sur Santarem, il n’y a eu aucun problème pour que la direction du festival, mes amis, accepte d’accueillir le Ballet national du Bénin. C’était une grande découverte. C’est un événement très important pour moi, qui permet de resserrer les liens avec le continent africain, parce qu’il y a eu des moments douloureux dans l’histoire du Portugal (Mozambique, Angola). Et là, le Bénin a su aider à réconcilier, a permis d’avoir une dimension culturelle très importante. Je suis content d’avoir pu participer à cela.
Vous avez suivi de bout en bout les prestations du Ballet national, quel est votre sentiment ?
Moi, je trouve que ce qui se dégage du ballet national est une force, un enthousiasme de la part des danseurs, en communiant avec la musique. C’est très important. On ne sait pas si c’est les danseurs qui portent la musique ou si c’est la musique qui porte les danseurs. Mais il y a une unité. C’est important qu’on se trouve avec une grande qualité artistique, avec une portée sur le costume, sur la diversité aussi, sur la présentation des éléments cultuels du Vodoun… C’est une découverte pour les Portugais et je crois que c’est un immense succès. A chaque représentation, le public se levait et applaudissait pour la qualité artistique, pour la gentillesse des membres qui sont des artistes, mais qui sont avant tout des hommes et des femmes heureux de partager la joie avec les autres.
Comment peut-on justifier l’intérêt que vous portez à la culture béninoise ?
Je pense que si j’ai cette possibilité de servir de lien, de relai entre différents pays, je suis heureux. J’essaie de consacrer ma vie pour que les peuples se rencontrent, se découvrent, s’acceptent. Et c’est comme ça que je l’étais avec le Bénin. Je l’étais d’autant plus qu’il y a quelques années, j’ai découvert votre pays, que j’ai l’occasion de fréquenter les autorités de votre pays, qui non seulement m’acceptent, mais échangent également avec moi, je me sens très libre avec les autorités pour pouvoir échanger, faire des propositions. Donc, même avec ma peau de Yovo, je me sens des vôtres.
(Il sourit). J’espère que ça va continuer. Avec le sourire, je dis que les artistes et le ballet du Bénin, ce sont mes enfants, mais ce sont des enfants qui méritent d’être connus. Donc, effectivement, si le système d’appui au ballet national est poursuivi voire intensifié à partir du Bénin, évidemment nous allons tout faire pour présenter votre troupe dans les pays où elle n’est pas encore allée.
Santarem, était-ce un succès à vos yeux ?
Je pense que sur ce festival, il n’y a pas besoin d’avoir un très grand succès international avec des moyens importants. Le festival de Santarem est un festival qu’on pourrait classer dans les petits Festival, parce qu’il y a tant de pays qui ne sont pas là. Mais moi, je pense qu’il n’y a pas de petits, ni de grands festival. Il y a un esprit. Moi, je suis content de cela. C’est ma manière de dire à mes amis, peut-être que pour vous, je suis le patron d’un grand festival, mais il n’y a pas de grand festival. Santarem est un bon Festival, vous l’avez vécu. Il y a le respect des artistes, un accueil dans l’hébergement, dans la nourriture. C’est surtout convivial, les gens étaient heureux, les petits venaient vous voir. C’est une éducation, c’est magnifique. Le grand festival avec les moyens colossaux, n’a pas forcément l’esprit du cœur.
Quelle sera la suite de cette première aventure portugaise pour le Bénin?
Je pense que la suite va être maintenant aux autorités de Santarem. Votre ministre de la Culture qui était également présent sur ce festival a fait des propositions. J’espère que ces projets vont pouvoir se réaliser. Des noms ont été cités, des possibilités d’échanges ont été également évoquées. Et maintenant, c’est aux autorités effectivement des deux pays ou des deux villes de voir comment renforcer ces relations, peut-être aller au-delà des artistes avec des universitaires ou certaines professions en direction de la Culture.
Le Bénin organise également quelques festivals, avez-vous eu la chance d’assister à quelques-uns ?
Non. J’ai eu des contacts pour quelques manifestations. Mais je ne suis pas allé. Honnêtement, je n’ai pas eu cette occasion-là. Mais ça viendra. Pour l’instant, ça s’est cantonné à soutenir les troupes, pour que le Bénin prenne une place, en matière de valorisation de la culture traditionnelle. A Santarem, j'ai eu l’occasion d’échanger avec le ministre béninois de la Culture. On a très rapidement appris à se connaître. Je crois, comme on dit chez nous, que le courant a passé. Je l’ai laissé profiter pleinement de son séjour à Santarem et on s’est dit qu’on se rencontrera prochainement.