Douze ans déjà que la décentralisation est en cours au Bénin. Depuis, quel est l’état du chemin parcouru ? Quelles insuffisances relevées et quels motifs d’espoir ? Ces questions seront au cœur du Forum bilan de la décennie de la décentralisation au Bénin, qui ambitionne de faire le point de la mise en œuvre de la réforme de l’Administration territoriale mise en branle par les lois sur la décentralisation. Les assises y consacrées se sont ouvertes hier à Cotonou, et prennent fin ce jour. Acteurs de la décentralisation, autorités politico-administratives à divers niveaux et partenaires techniques et financiers ont assisté à l’ouverture des travaux placés sous le haut patronage du président de la République, Boni Yayi ; représenté à l’occasion par le Premier ministre, Lionel Zinsou.
Après douze ans de mise en oeuvre de la décentralisation au Bénin, le forum ouvert hier à Cotonou, ne pouvait mieux tomber. L’Association nationale des Communes du Bénin (ANCB), en de pareille circonstance, est attendue pour livrer son appréciation du chemin parcouru. Son président, Soulé Alagbé, au nom des élus locaux, remercie l’Etat central et le chef de l’Etat en particulier, pour le soutien et le volume des réformes engagées au profit des communes. Puis, se réjouissant de la tenue de ce forum bilan, il indique que le bilan devra être fait de façon sérieuse afin que les résolutions qui en sortiront impactent réellement la vie des populations. Dans tous les cas, engage-t-il, la décentralisation doit être le socle du développement du Bénin. Dynamique qui exige que les efforts soient conjugués. Au total, si des avancées réelles ont été notées depuis 2003, avec par exemple la mise en œuvre du Fonds FADeC, la Politique nationale de Décentralisation…, il reste à renforcer les ressources des communes en vue de leur permettre de faire face aux défis qui se posent encore à elles. De même, il faudra procéder à la désignation des chefs-lieux des nouveaux départements, faire participer l’ANCB à la conférence budgétaire de l’Etat, procéder à la généralisation du transfert des ressources…, plaide Soulé Alagbé. Qui promet au nom de l’Association, que les élus se battront pour la création de la richesse et pour un développement inclusif du Bénin.
Au nombre des partenaires techniques et financiers, Séverine Donnet Descartes, de la Coopération suisse fait office de chef de file. A ce titre, elle félicite le gouvernement pour la tenue du forum et note qu’il représente un événement pour les PTF. Si le Bénin a fait le choix politique de mettre en œuvre la décentralisation dès 2003, dans le but d’assurer des services de base de qualité ainsi que le bien-être des populations, les avancées sont notables douze ans après, observe-t-elle, ravie que la démocratie locale suive son cours. Autant qu’elle salue la mise en œuvre de politiques destinées à rendre effective la décentralisation, la plus grande implication de l’Etat dans la mobilisation des ressources financières au profit des communes, l’adoption de la loi sur la fonction publique territoriale ; la qualité des infrastructures réalisées par les communes et leur très faible taux d’abandon… Toutes choses qui font que le processus doit se poursuivre, même si des insuffisances et défis sont encore manifestes. Il s’agit de poursuivre la décentralisation et la déconcentration des compétences des ministères sectoriels, respecter la décentralisation sectorielle pour rendre plus performant le FADeC affecté, la mobilisation de ressources propres des communes en vue d’émergence de réels pôles de développement au niveau décentralisé. Il s’agit aussi de redéfinir le rôle d’appui-conseil de la tutelle tant les préfectures manquent de moyens ; et de renforcer la démocratie à la base par la promotion de l’approche participative dans la perspective de l’amélioration de la gouvernance locale ; non sans œuvrer à l’accroissement de la participation des femmes au processus de décentralisation. Au regard de toutes ces observations, Séverine Donnet Descartes indique que les attentes des PTF sont grandes, dont la garantie de la fourniture de services de qualité aux populations, qui va avec à un transfert renforcé des ressources aux communes.
Pour une décentralisation porteuse de développement
Pour Véronique Brun Hachémè, ancien préfet et aujourd’hui ministre de la Décentralisation, de la Gouvernance locale, de l’Administration et de l’Aménagement du Territoire, et donc personne avisée de la décentralisation, la tenue de ce forum bilan est une d’importance. Rappelant que c’est dès 1993, que les premiers états généraux de la réforme de l’administration territoriale ont eu lieu, l’élaboration du cadre juridique et la création des communes, consacrée par la tenue des premières élections en 2002-2003, le détachement de l’administration territoriale du ministère de l’Intérieur en 2007 pour en faire un département ministériel de plein exercice, elle justifie les présentes assises par la nécessité d’inventorier le chemin parcouru depuis lors, en vue tracer de nouveaux sillons pour dynamiser la pratique de la décentralisation et lui garantir des jours meilleurs. En attendant, elle invoque les diverses actions entreprises par l’Etat central pour renforcer la décentralisation, donner une impulsion nouvelle à la gouvernance locale et au développement à la base ; et argue que cela ne doit pas faire perdre de vue les efforts à engager pour favoriser la pérennisation de la décentralisation et lui assurer son nouvel essor ; tant les enquêtes révèlent que les attentes des populations restent très fortes. Aussi les échanges, au cours des assises, prendront-elles pour socle les réalités des communes afin de poser des diagnostics pertinents à même de déboucher sur des recommandations tout aussi pertinentes. Lesquelles aideront à promouvoir une décentralisation plus efficace et porteuse de développement réel.
Prendre conscience des défis à venir
Des diagnostics sans concession, dans une approche critique, le Premier ministre y engage vivement. Qui croit que la décentralisation est au cœur du processus de développement national, et de la démocratie. Et qui, pour leur implémentation, veut bien compter sur la nouvelle génération d’élus locaux qu’il appelle au dévouement. Lionel Zinsou, toutefois, invite à ne pas perdre de vue que le processus n’a que douze ans, alors que chez nos PTF, il aura bien fallu des siècles et des siècles pour réussir à bâtir des démocraties solides, et des processus de décentralisation efficaces. Ceci pour comprendre que s’il y a encore des faiblesses évidentes, on n’a tout de même pas encore fait mille ans de pratiques. Mais il est important, souligne-t-il, que les acteurs divers conjuguent leurs réflexions, partagent leurs expériences pour engager le processus sur la route du progrès. Pour que la réduction de la pauvreté en découle, tant ce pari ne sera gagné que de la base. Aussi exige-t-il que des soldats soient mobilisés pour livrer bataille, lesquels prennent progressivement place avec les compétences locales qui se constituent de plus en plus dans les communes, se félicite Lionel Zinsou. Pour qui, dans l’avenir, la prescription de l’UEMOA voulant que 15% des ressources nationales aillent aux communes, sera certainement d’application. De même que la définition de politiques nouvelles, comme celle d’un bon aménagement territorial, sera poursuivie. Le tout, parce qu’à l’avenir, des défis pratiques se poseront. Comme la gestion de la masse d’étudiants, de la densité de la population avec de nombreuses communes qui compteront plus du million d’habitants, la réalisation d’infrastructures adéquates…
Wilfried Léandre HOUNGBEDJI