Avant même qu’il ne soit adopté, le décret portant statut particulier des corps des personnels des enseignements maternel et Primaire suscite des remous. Noël Gbogbohoundada, conseiller pédagogique à Avrankou, trouve dans la possibilité donnée aux instituteurs titulaires d’une maîtrise de passer directement au grade d’inspecteur, une manière de mettre sous le boisseau le mérite et l’expérience. Dans une lettre ouverte à son ministre de tutelle, Eléonore Yayi, il attire l’attention de l’autorité sur le fait.
(Lire ci-dessous publiée, la lettre ouverte)
Lettre ouverte à la Ministre des enseignements Maternel et Primaire
GBOGBOHOUNDADA Noël Luc Mahutin Conseiller Pédagogique à la
Circonscription Scolaire d’Avrankou
Tel : 96567571
Cotonou, le 05 Octobre 2015
A
Madame la Ministre des Enseignements Maternel et Primaire
Porto-Novo
Objet : Au sujet du projet de décret portant statut particulier des corps des personnels des Enseignements Maternel et Primaire
Madame la Ministre,
Avec tout le respect dû à votre rang, je vous prie de recevoir mes excuses pour l’outrecuidance qui porte un jeune cadre de votre ministère à vous saisir par une lettre ouverte. Mais avant, je veux vous témoigner ma reconnaissance et saluer l’intelligence que vous déployez en vue de la prise du décret portant statut particulier des corps des personnels des Enseignements Maternel et Primaire. Vos efforts dans ce sens suscitent admiration et c’est justement pour que ce qui est perçu comme tunnel d’espoir ne se transforme en couloir de la mort pour de nombreux cadres méritants de notre ministère en générant des tensions inutiles et des inconvénients irréversibles pour nos enfants que je me permets de vous écrire.
J’ai pris connaissance du projet de décret et j’observe avec stupéfaction la ruse subrepticement introduite au sujet des conditions d’accès au corps des inspecteurs des Enseignements Maternel et Primaire, ainsi j’ai pu lire à l’article 36 alinéa 2 qu’entre autres, pourrait être admis au grade d’inspecteur : « les Instituteurs des enseignements Maternel et Primaire de la catégorie B, échelle 1,Titulaires d’une maîtrise ou d’un diplôme équivalent, après leur reclassement à ladite échelle, ayant réuni au moins dix (10) années révolues de services effectifs dont six(06) à la même échelle et qui sont au moins à cinq (05) ans de leur date d’admission à la retraite. » Il découle de cette disposition qu’en sus de la condition initiale d’ailleurs maintenue pour accéder à ce rang, une condition dérogatoire vient d’être envisagée à l’endroit même des instituteurs qui n’auraient pas pu réussir au concours du Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Conseiller Pédagogique (CAFCP). En conséquence, l’on pourrait sauter à deux pieds joints du grade d’instituteur à celui d’inspecteur sans l’étape cruciale de Conseiller Pédagogique.
Madame la Ministre, vous avez la charge d’un ministère sensible : la formation à la base des citoyens béninois de demain. En tant que Conseiller Pédagogique et pour avoir été instituteur pendant une bonne douzaine d’années, j’ai une conscience aiguë de la nécessité et de la sensibilité de ce cap dans l’enjeu de la formation et j’ose espérer que vous appréciez vous-même autant que moi qu’un tel bon est un saut dans l’inconnu.
Madame la Ministre, à l’appui de cette option que je dénonce, il est exhibé la détention de la maîtrise par les personnes bénéficiaires de « mesure de saut d’étape ». J’ai beaucoup de respect pour les diplômes et il n’aurait pu en être autrement d’autant que moi-même je justifie comme d’ailleurs beaucoup d’autres Conseillers Pédagogiques d’un grade de maîtrise. Mais pour autant je ne puis convenir d’une mesure qui range le mérite sous boisseau et offre même aux candidats malheureux au concours du Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Conseiller Pédagogique(CAFCP) la possibilité de supplanter leurs collègues qui ont eu le malheur de réussir là où eux avaient échoué en devenant directement inspecteurs. Mieux, ce faisant, ce n’est pas seulement leurs collègues qu’ils supplantent ; c’est aussi leurs supérieurs hiérarchiques par le profil, le mérite et l’expérience d’autant que les conseillers Pédagogiques prennent une part active dans la formation initiale et continue des instituteurs qu’ils sont.
J’ai ouï dire que cette mesure vise à suppléer au déficit de formateurs dans les Ecoles Normales d’Instituteurs(ENI).Sauf respect à votre endroit, je me serais permis de rigoler d’autant qu’il tombe sous le coup de l’évidence que pour subvenir au besoin en enseignants dans les Ecoles Normales d’Instituteurs(ENI) il suffirait juste de lancer un concours ouvert à un plus grand effectif selon le besoin au profit des enseignants qui remplissent les conditions selon les principes règlementaires de recrutement des cadres d’encadrement à l’enseignement maternel et primaire.
Mais alors Madame la Ministre, qui a l’intention de vous induire en erreur ? Dans quel esprit œuvrent- ils ? En prenant l’initiative de vous adresser cette lettre ouverte, j’ai voulu prendre le risque de croire en votre bonne foi pour espérer au nom des millions de béninois condamnés à passer par le circuit de la formation, que leur sort ne sera pas scellé par un système qui brûle les étapes et les projette dans l’inconnu.
Avec l’espoir que mes appréhensions trouveront en votre personne une interlocutrice attentive, je vous prie de recevoir Madame la Ministre l’expression de ma profonde considération.
GBOGBOHOUNDADA Noël Luc Mahutin
Isac A. YAÏ