Dans la peau du laboureur, Boni Yayi a parlé à ses enfants cauris. En fin de mandat et sentant venir l’échéance, le chef de l’Etat arbore ses habits partisans. Le président ouvre son ultime chantier politique avec la résolution de l’équation de sa succession. A moins de cinq mois du scrutin du 28 février 2016, Yayi tente de tonifier la troupe. Devant le risque de l’explosion, le leader passe à l’acte en reprenant l’initiative sans quitter les souterrains de la politique. Au soleil couchant, la planète cauri revit pour être debout au lever d’un autre jour marquant le début d’un nouveau règne. Au conclave Fcbe, Yayi a paru serein, mais au tréfonds du roi, le dilemme grossit. Pressé par le temps, Yayi a finalement dévoilé les axes de sa stratégie de conservation du pouvoir par Fcbe.
Du mea culpa…
Son départ du pouvoir est acté, mais pour passer le relais aux cauris, Yayi surfe sur son talent de stratège politique. Il s’adapte à son handicap, l’absence de dauphin, et joue en solo au pupitre décisionnel. Pour rassurer ses partisans, y compris ceux qui ont quitté la barque, le leader tente de faire peau neuve. La recette de la conversion est trouvée : le pardon. Yayi fait son mea culpa à Fcbe et pardonne aussi, loin des flammes de la rancune. Le geste quoique moralement correct n’est pas anodin. Utilisant les fibres émotionnelles, il apaise les attentes des militants. Avec l’étoffe de rassembleur, il veut rester seul maître à bord jusqu’à la dernière seconde de règne.
Le discours est jalonné d’annonces politiques fortes. Yayi évoque des primaires à Fcbe. A quatre mois du dépôt des candidatures, le pari est hallucinant mais colle à la stratégie. Fcbe étant une coalition, une double question surgit : Quel sera le mode de scrutin et quel sera le visage du corps électoral ? Et puis, concrètement, la campagne des primaires n’est pas à l’ordre du jour. Combiné au mea culpa, l’effet d’annonce assure la politique de séduction envers les militants.
Vient enfin l’ouverture et la logique politique de l’argumentation. « Ouvrez les Fcbe à d’autres alliances. Certaines sont déjà prêtes et n’attendent que notre appel. N’hésitons pas à les accueillir afin de constituer un ensemble de grandes forces républicaines ». La politique d’ouverture martelée est une nouveauté. Que mijote Yayi ? En fin de mandat, les mots du président sortant ont leur sens.
Entre primaires et ouverture, Yayi navigue sur deux pôles pas forcément compatibles. L’option du candidat à l’interne est subtilement épaulée par le choix d’un poulain à l’extérieur. Le chef de l’Etat a son plan secret pour s’offrir un gilet de sauvetage politique. Le novice élu en 2006 était déjà devenu un redoutable animal politique. Fcbe aspiré par les annonces de son leader ne verra rien venir. Jusqu’au bout, Yayi se battra pour parrainer le futur vainqueur de la présidentielle. Un cheval de l’écurie ou un joker non Fcbe ? Sans doute que le chef de l’Etat ne se pose plus cette question. Yayi est en avance mais feint de balbutier et de courir pour rattraper le temps fuyant.