Cotonou - L'ancien président béninois Mathieu Kérékou, décédé mercredi à l'âge de 82 ans, a régné pendant 30 ans sur le pays qu'il a d'abord dirigé d'une main de fer comme dictateur militaro-marxiste, avant d'être démocratiquement élu.
Surnommé "le caméléon" depuis son coup d'Etat des années 1970, il avait quitté le pouvoir en 2006, à l'âge de 72 ans, atteint par la limite d'âge constitutionnelle.
Né le 2 septembre 1933 à Kouarfa (nord), le général Kérékou est l'un des hommes politiques les plus marquants du Dahomey, ancienne colonie française devenue Bénin.
Son parcours le conduit des écoles d'enfants de troupes de Kati (Mali) et Saint-Louis (Sénégal), à l'armée française avec des formations à Fréjus, Montpellier, puis à l'école d'état-major à Paris.
Ancien aide de camp du premier président du Dahomey, Hubert Maga, Mathieu Kérékou est commandant lorsqu'il prend les rênes du pouvoir en 1972 à la faveur d'un putsch, après une période d'instabilité politique marquée par une succession de coups d'Etat depuis l'indépendance en 1960.
Fasciné par la lutte "révolutionnaire des peuples opprimés du Tiers-Monde", il installe un régime marxiste-léniniste, proclame la République populaire du Bénin en 1975, et impose la chemise à "col Mao".
Son régime survit à l'invasion avortée de Cotonou par les mercenaires du Français Bob Denard en 1977.
En décembre 1989, alors que son pouvoir est confronté depuis plus d'un an à une grave crise économique et à une forte contestation sociale, il renonce à l'idéologie marxiste.
Avant même le discours du président français François Mitterrand annonçant en juillet 1990, au sommet franco-africain de La Baule (France), le conditionnement de l'aide à l'ouverture démocratique en Afrique, Kérékou convoque en février 1990 une "conférence nationale", rassemblant opposants et représentants de la société civile, la toute première du genre en Afrique.
Il y reconnaît publiquement ses erreurs, demande pardon au peuple, se soumet à toutes les décisions de l'assemblée et accepte l'installation d'un gouvernement de transition avec pour Premier ministre Nicéphore Soglo, ancien haut fonctionnaire à la Banque mondiale.
Soglo remporte la présidentielle organisée en 1991. Kérékou se retire alors de la vie politique et reste pendant cinq ans dans sa maison aux volets clos, au centre de Cotonou.
En 1996, le "retraité" revient finalement au pouvoir avec le soutien de la quasi-totalité des opposants au président Soglo, qui se rallient à sa candidature à la présidentielle. Le général est élu à 52,7% des voix.
Il repart une dernière fois à l'assaut du pouvoir en 2001, réélu à l'issue d'une présidentielle sans véritable enjeu, après la défection en série entre les deux tours de ses principaux opposants.
Ce dernier mandat, achevé en 2006, fait de lui l'un des chefs d'Etat à la plus grande longévité du continent fort de sa trentaine d'années au pouvoir.
Ayant troqué ses cols "Mao" pour des cols "pasteur", les cheveux blanchis par l'âge, il avait acquis l'image d'un "sage" parmi ses pairs africains, en participant notamment à plusieurs médiations dans des conflits, notamment en Côte d'Ivoire.
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