Pour rappel, l’Université d’Abomey-Calavi sort d’une malheureuse crise due aux effectifs pléthoriques et à la massification des apprenants (45.000) dans la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines qui compte à peine 130 enseignants sans oublier le manque criard d’infrastructures de formation.
Dans le même temps, la carte universitaire de notre pays a connu une modification avec la création de trois nouvelles Universités, portant désormais à sept (07) le nombre total d’universités publiques. Ainsi, pour cette rentrée académique 2015-2016, les nouveaux bacheliers ont la possibilité de s’inscrire dans l’une des sept universités alors qu’autrefois, ce choix était réduit à un sur deux et au mieux à un sur quatre.
Les autorités rectorales, toujours soucieuses des meilleures conditions de formation des étudiants ont, après avoir informé l’autorité de tutelle, rendu publique cette mesure qui consiste, uniquement pour les nouveaux bacheliers, à déposer leurs dossiers d’inscription dans l’une ou l’autre des Facultés classiques que sont la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH), la Faculté de Droit et de Sciences Politiques (FADESP), la Faculté des Sciences et Techniques (FAST) et la Faculté des Sciences Economique et de Gestion (FASEG) de leur choix. Les décanats desdites facultés étudient ensuite les dossiers en fonction de critères pertinents et objectifs de capacités intellectuelles attestées à pouvoir tenir dans le choix de la filière retenue par chaque candidat à une première inscription à l’UAC. Dès lors, il sera retenu au niveau de chacune des facultés classiques le nombre d’étudiants jugés aptes à s’inscrire au regard de leurs capacités d’accueil et d’encadrement. Et, c’est cette liste qui sera transmise à la scolarité centrale du rectorat en vue de l’inscription effective du candidat. Du fait de la forte perturbation des activités à la FLASH due à la longue grève déclenchée par les associations d’étudiants, cette dernière ne pourra recruter de nouveaux étudiants au cours de l’année académique 2015-2016, tous les étudiants inscrits en 2015 poursuivent les cours et examens sur la période d’octobre à avril voire mai 2016.
Contrairement aux allégations et aux commentaires d’une certaine presse, cette mesure n’a rien de discriminatoire et, encore moins, n’est en rien pour empêcher les enfants des pauvres de s’inscrire à l’UAC. Pour cause, il est question simplement d’une meilleure orientation des nouveaux bacheliers dans leurs choix d’études universitaires. Les conditions sociales et économiques des uns et des autres n’entrent pas en considération. On peut être un enfant de pauvre et présenter de bonnes capacités intellectuelles à réussir telle ou telle formation. Et, c’est bien souvent le cas en général. L’essentiel ici est de limiter les échecs et les redoublements massifs dans nos facultés classiques dont le rendement interne ne dépasse guère les 20% de taux de réussite, notamment, au premier cycle. Il est inutile de rappeler que la décision gouvernementale de prise en charge des frais d’inscription dans les facultés classiques des Universités nationales du Bénin au profit des étudiants non boursiers, non secourus et non salariés demeure en vigueur.
Par ailleurs, la mesure est en phase avec la nouvelle carte universitaire de notre pays. En effet, il nous semble un impératif que les nouvelles universités puissent disposer d’effectifs raisonnables d’apprenants. A quoi bon d’avoir des universités sans apprenants ? Si c’était possible, tout le monde voudrait étudier à l’Université d’Abomey-Calavi. Quand l’UAC était la seule Université publique, elle a assuré cette charge au prix de lourds sacrifices pour son personnel d’encadrement et pour ses personnels administratifs. Aujourd’hui, il existe également deux facultés de Droit et de Sciences politiques à l’Université de Parakou (Tchaourou et Parakou), une faculté des Sciences et Techniques (FAST) à l’Université Polytechnique d’Abomey (Dassa-Zoumé) et à l’Université de Natitingou, et une Faculté des Sciences Economiques et de Gestion à Savè toujours à l’Université de Parakou. Des Facultés de Lettres et Sciences Humaines existent aussi à l’Université de Parakou et de Porto-Novo (Adjarra), à l’Université de Parakou et à l’Université de Lokossa (Aplahoué). Le fait qu’un nouveau bachelier ne trouve de place à l’UAC ne veut nullement signifier qu’il ne pourra pas s’inscrire dans une autre université publique qui offre les mêmes formations.
C’est une réalité avec laquelle nous devons apprendre à composer désormais. Et c’est ce qui se fait partout ailleurs où l’Etat dispose de plusieurs universités publiques. De même, chaque université est libre, de par sa mission, de former des cadres compétents pour le développement, de fixer des critères à l’entrée. L’on cite, aux Etats-Unis d’Amérique, l’Université Harvard, l’Université Stanford (certes, des universités privées) et le Massachusetts Institute of Technology ou MIT, au Canada, l’Université Laval et en Grande-Bretagne, l’Université de Cambridge comme des références mondiales en matière d’excellence. Ne va pas dans ces universités qui veut ou qui a de l’argent mais, surtout et seulement, celui qui en démontre les capacités intellectuelles. C’est bien une erreur, sous nos cieux, de croire et de penser que dès lors que l’on a le Baccalauréat, l’on a d’office une place qui nous attend à l’Université d’Abomey-Calavi. Si la chose se fait avec le Certificat d’Etudes Primaires (CEP) pour l’entrée en sixième (tous les admis au CEP n’entrent pas automatiquement en classe de sixième mais, seuls ceux qui ont, en plus, rempli des conditions d’un minimum de niveau ou de background y sont admis), pourquoi serait-il si difficile de l’admettre à l’université ?
Devrions-nous continuer à mal former des chômeurs sans compétence aucune? Devrions-nous continuer à saupoudrer la qualité de la formation dans nos universités publiques ? Devrions-nous continuer à ignorer qu’une université vise d’abord et avant tout la formation des élites ? N’est-il pas temps de donner le signal à nos enfants qu’une place à l’université se mérite ? N’est-il pas temps de faire comprendre aux élèves, aux parents d’élèves et aux maîtres que l’excellence est la clé pour de brillantes études universitaires ? N’est-il pas enfin raisonnable de tourner dos à la médiocrité et de lancer nos élèves des collèges et lycées dans une culture d’excellence ? L’aménagement du territoire ne commande t-il pas que les étudiants soient équitablement répartis dans toutes les universités publiques quel que soit le lieu où elles se trouvent ?
A la vérité, il ne s’agit donc pas seulement d’une décision. Il faut y voir une vision. Et, l’Université d’Abomey-Calavi a, de par ses dirigeants actuels, la responsabilité historique et morale d’assumer le leadership pour le renouveau de l’excellence au Bénin.
Par Dr Serge A. ATTENOUKON