Le 1er tour du scrutin présidentiel de 2016 aura lieu le 28 février prochain. A un peu plus de quatre mois de cette échéance qui verra le Bénin vivre une nouvelle alternance politique au sommet de l’Etat, l’autre certitude est qu’au-delà des atouts des différents présidentiables que rien n’est encore acquis pour aucun d’entre eux notamment pour la conquête du palais de la Marina.
En février 2016 aura lieu au Bénin, la 6ème élection présidentielle depuis l’avènement en février 90 du renouveau démocratique. La perspective de cette échéance électorale aiguise les appétits des uns et des autres notamment parce que le jeu reste très ouvert. En effet, le Chef de l’Etat actuel n’est pas candidat. Dans son camp, aucune personnalité ne se démarque vraiment pour être sans aucune contestation son dauphin. Parmi ceux qui étaient ses adversaires en 2006 mais aussi en 2011, c’est le même constat.
Adrien Houngbédji est disqualifié par l’âge, comme Bruno Amoussou l’était également bien avant le scrutin présidentiel de 2011. Or tous les deux sont après Mathieu Kérékou et Nicéphore Soglo, les deux hommes politiques qui ont émergé dans la foulée de la conférence nationale des forces vives de la nation de février 90, qui ont gravité dans le premier cercle du pouvoir et qui ont toujours considéré qu’ils pouvaient accéder à la présidence de la république. Les parcours politiques d’Adrien Houngbédji et de Bruno Amoussou se ressemblent. Tous les deux ont eu à présider l’Assemblée nationale. Adrien Houngbédji a été nommé Premier ministre par Mathieu Kérékou. Bruno Amoussou en tant que Ministre d’Etat chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, était de fait un Premier ministre, même si ce titre ne figurait pas dans ses prérogatives ministérielles. Aujourd’hui le Parti du renouveau démocratique (Prd) n’aura vraisemblablement pas un candidat pour 2016, ou s’il en a un, qu’il soit issu ou pas de ses rangs, il faudra qu’il ne fasse pas de l’ombre à Adrien Houngbédji. Quant à Bruno Amoussou, le Parti social-démocrate (Psd) qu’il a créé et dont le destin politique est au moins lié jusqu’en 2016 à celui de l’Union fait la nation (Un) peine à imposer Emmanuel Golou, l’héritier politique d’Amoussou comme celui qui sera le candidat de l’Un pour 2016. En 2011, il y avait deux grands blocs : celui des Forces cauris pour un Bénin émergeant (Fcbe) et celui de l’Un avec des poids lourds tels que le Prd, le Psd et la Renaissance du Bénin (Rb). 05 ans plus tard, le sillon de la dispersion des forces est bien présent dans les Fcbe. Boni Yayi le sait, et il compte bien l’éviter même s’il n’est sûr de rien. Avec la fin de son mandat qui approche, son influence politique baisse. Beaucoup de ses anciens soutiens veulent s’émanciper de lui. L’Un a été affaiblie par les départs successifs après le scrutin présidentiel de 2011 du Prd et de la Rb après 2011. Quant à cette dernière formation politique, elle reste encore portée par l’aura de Nicéphore Soglo son leader charismatique qui a fait de Léhady Soglo son héritier politique. Mais ce dernier malgré qu’il ait pu garder la mairie de Cotonou et faire gagner celle d’Abomey-Calavi à son parti, ne déclenche pas le même enthousiasme que son père. Candidat à l’élection présidentielle de 2006, il avait obtenu moins de 10% des suffrages alors que son père 05 ans plus tôt avait fait un score de plus de 30%. Compte tenu de l’emprise de la famille Soglo sur la Rb, Léhady Soglo est donc le candidat naturel de cette formation politique pour 2016. Or, il court le risque de faire encore moins bien qu’en 2006. S’il n’était pas candidat, il ne lui restera qu’à accrocher le bon wagon pour 2016, et être avec le candidat qui au regard des résultats du premier tour de l’élection présidentielle et des tractations aura de bonnes chances de remporter le second tour.
Koupaki et Tchané
Avec l’affaiblissement des deux blocs de 2011, malgré qu’ils peuvent tous se targuer de récents succès électoraux notamment durant les deux élections de cette année, d’autres candidats ont pu émerger. Parmi eux, il y a Pascal Irénée Koupaki qui a construit sa réputation d’homme de dossiers et surtout de rigueur par le biais de Boni Yayi qui lui aura donné de 2006 à 2013 de la visibilité en le maintenant dans ses équipes gouvernementales successives. Le contexte politique plaide donc en sa faveur. Et ce n’est pas un hasard, s’il est le seul parmi les potentiels candidats au scrutin présidentiel de 2016 qui ont déjà une visibilité politique conséquente à ne pas s’être positionné pour les élections législatives du 26 avril dernier et pour celles des municipales, communales et locales du 28 juin dernier. Aucune liste apparentée officiellement à lui ne s’est positionnée pour ses deux scrutins. D’autres analyses le lient à Octave Houdégbé, élu député cette année et qui est originaire de la même région que lui. Pascal Irénée Koupaki n’a donc pas pu jauger sa force politique, contrairement à Abdoulaye Bio Tchané. Ce dernier par le biais de l’Alliance pour un Bénin triomphant (Abt) a pu glaner deux sièges au Parlement tout en remportant des communes. Mais 05 ans après sa première tentative de 2011 qui s’est soldée par un cuisant échec, l’ancien ministre des Finances de Mathieu Kérékou n’est plus un novice. Il a eu vraiment du mal à se relever après sa défaite politique de 2011. C’est d’ailleurs pourquoi, il s’est jeté à nouveau après elle dans le bain de la finance et de l’économie en mettant en avant ses compétences avérées dans ces deux domaines, en prenant du coup un peu de distance avec la politique. Mais comme Koupaki, il conserve toutes ses chances pour 2016. Dans la partie septentrionale du Bénin, il peut lorgner sur une partie de l’électorat des Fcbe, comme Koupaki peut le faire quant à lui dans la partie méridionale. Les deux miseront aussi sur le jeu des alliances.
…Ajavon et Talon
La nouveauté de l’élection présidentielle qui attend le Bénin, est qu’elle sera marquée par l’entrée en lice de Patrice Talon et de Sébastien Ajavon, deux hommes d’affaires qui se sont gardés jusqu’à une date récente de parler et de faire ouvertement de la politique. Une donne qui a changé, parce qu’ils ont avant tout profité de la grosse incertitude autour du successeur de Boni Yayi. Tous les deux disposent des moyens financiers pour battre campagne. Mais ils n’ont pas une machine politique. Et c’est pourquoi, ils mènent des tractations pour obtenir le soutien des formations politiques majeures. Y arriveront-ils ? Toujours est-il que comme les 05 précédents scrutins présidentiels, celui de 2016 aura aussi sa particularité. En 91, Nicéphore Soglo succédait à celui dont il a été le Premier ministre. 05 ans plus tard, c’est son prédécesseur qui le remplaçait. En 2001, Mathieu Kérékou avait joué avec Bruno Amoussou le fameux « match amical » qui a été rendu nécessaire à cause des désistements successifs de Nicéphore Soglo et d’Adrien Houngbédji. En 2006, Boni Yayi considéré par beaucoup au début comme un objet politique non identifié, avait pris le pouvoir au nez et à la barbe de Houngbédji et d’Amoussou qui se disaient que l’heure avait sonné pour eux. Ce même Boni Yayi qui fera en 2011, le retentissant « KO » qui enterrera définitivement les ambitions présidentielles d’un certain Adrien Houngbédji, qui ironie du sort sera jusqu’en 2019 au centre du jeu politique alors que lui Boni Yayi en sortira officiellement le 06 avril prochain.
Bernado Mariano Houenoussi