Plusieurs acteurs culturels n’hésitent plus à se réfugier derrière une pseudo-misère pour lancer des appels à l’aide en vue de faire face, soit à leurs besoins vitaux, soit à des soucis de santé. Bien qu’étant en droit de leur porter secours et assistance, il faut néanmoins y lire une vaste escroquerie et de la mendicité à peine voilée.
C’est souvent par le biais des médias sociaux ou même des médias conventionnels que certaines personnes se réclamant du milieu culturel, pour ne pas dire des ‘’acteurs culturels’’ lancent des appels à l’aide pour implorer clémence et pitié, en vue de faire face à des situations souvent difficiles et critiques. Le fait est devenu récurrent et frise même un effet de mode. «Un artiste aurait un souci de santé, a été abandonné dans le dénuement… SOS au profit de tel… Tel autre se meurt faute de médicament ou de soins…» Les formules ne manquent pas pour alerter l’opinion publique sur le sort de X ou Y. Il est ainsi souvent, demandé à la population et même aux autorités, notamment celles en charge de la Culture de se mobiliser pour prêter mains fortes à ces personnes. On pouvait se passer d’accorder une quelconque attention à ce fait qui, quoiqu’on dise, relève du vécu quotidien et peut se comprendre comme une manière de secourir son prochain. Mais on n’en est pas là. Bien plus qu’un simple appel à l’aide, certains esprits mal éclairés usent de ce canal pour escroquer (n’ayons pas peur des mots). Parfois pour un «rien», pour un accès palustre ou même une petite grippe, certains « artistes » n’hésitent pas à crier à l’aide et au secours et c’est bien là qu’au-delà de la mode, il faut y voir de l’escroquerie déguisée.
Conséquence d’une vie artistique mal organisée
Il est d’une évidence de cristal aujourd’hui que le secteur culturel au Bénin est grippé par une mal organisation profonde dont les solutions ne sont pas encore à portée de main. Les éternelles questions posées depuis des lustres à savoir : Qui est artiste? Comment devient-on artiste? Comment organiser une carrière artistique ? Et bien d’autres encore sont demeurées sans réponses. Les réformes apparemment sincères introduites dernièrement dans le secteur, lesquelles ont connu un début d’application, n’ont pas suffi à changer la situation. Conséquence, tout le monde est artiste, si non, qui veut est artiste.
A cette situation, il faut ajouter le fait des artistes eux-mêmes, du moins tous ceux qui se réclament comme tel et qui n’ont pas vraiment le souci de la réussite d’une quelconque carrière à même de leur procurer vie et survie. Cette maldonne s’est même accentuée ces derniers temps. Car, s’il y a peu, on ne déplorait que la vente des productions phonographiques sans homologation du Bureau béninois du droit d’auteur et des droits voisins (BUBEDRA). Ce qui ne garantissait pas la perception des droits, et pouvait être source de pertes énormes pour les artistes. Il faut également, et de plus en plus, s’insurger contre la vente à la sauvette par les artistes eux-mêmes de leurs œuvres, aux coins de rue, dans les bars et sur les places publiques et ceci à des prix sacrifiés. Certains parmi eux n’hésitent même pas à arguer de leurs difficiles conditions de vie, de la précarité qui sévirait chez eux, ou alors de leurs difficultés à se nourrir pour supplier des passants de leur acheter des œuvres, peu importe le prix, juste pour les aider à avoir quelques pécules. Si certains citoyens succombent à la chose en tendant souvent des billets aux auteurs de ces œuvres, d’autres par contre se livrent à un sévère réquisitoire contre eux, les renvoient à la limite et les exhortent à se chercher un travail décent.
Mode opératoire
Il y a quelques jours, une des artistes parmi les plus âgées du pays s’est laissée aller à ce jeu. Après avoir couru en vain et sondé sans succès plusieurs structures pour mobiliser des fonds dans l’expectative, disait-elle, d’organiser ses 40 ans de vie artistique (si vie artistique elle en a vraiment eu), grande a été la surprise des acteurs du milieu du showbiz, d’apprendre qu'elle avait de graves soucis de santé, depuis plus de vingt jours. Stupéfaction ! «Comment la dame qui était venue dans mon bureau, il y a seulement cinq jours, peut-elle être alitée depuis trois semaines?, s’est interrogée l’une des sources avec qui elle a été en contact. Pendant ce temps, retranchée dans son coin, l’artiste devrait, pour sa part, rire des réseaux sociaux et certains médias qui amplifiaient la nouvelle de son supposé état très critique de santé et qui demandaient d’aller à son secours, afin qu’elle ne sombre.
Avant elle, bien d’autres artistes ont emprunté le même sentier, jouant presqu’au faux malade, histoire d’obtenir la clémence de la population et la générosité du ministère en charge de la Culture, soit pour subvenir à leurs besoins, soit pour régler d’autres situations compromettantes liées à leurs personnes. Mais la dernière mayonnaise n’a pas pris. Beaucoup se sont rendus à l’évidence de ce qu’il ne s’agissait que d’une supercherie.
Quand les vices suppléent l’absence de talent
Le dimanche 23 août dernier au palais des sports du stade de l’Amitié de Kouhounou, pour le compte de la quatrième édition du festival «Hanlissa», plusieurs anciennes gloires et grands noms de la musique béninoise ont presté sous les ovations du public.
On notait entre autres, la présence de Blucky d’Alméida qui, malgré le poids de l’âge et sa canne, a su se départir de sa vieillesse apparente pour offrir un spectacle digne du nom. Idem pour Assa Sica dont la prestation aura épaté plus d’un. Mais la palme d’or de l’attraction de cette soirée restera sans aucun doute, la prestation de Hoonon Hounlovo. A peine audible, du haut de ses 94 ans, le vieil homme dont les débuts artistiques remontent à 50 ans en arrière, a su exécuter majestueusement des pas de danse. On ne peut pas dire de ces artistes avec leur âge avancé, qu’ils vivent de la pitié des autres et de la quête. Pourtant, au regard du talent immense dont ils ont fait montre aux heures chaudes de leurs carrières, un SOS en leur direction aurait été très bien vu et favorablement accueilli. Mais ils se sont soustraits à cette forme de vie, préférant se contenter d’une retraite paisible, arrosée par le fruit du labeur abattu précédemment. On peut alors aisément comprendre, que c’est en l’absence de talent à même de faire d’eux des artistes de renom que certains acteurs culturels usent de supercherie et de tricherie, se reconvertissent en mendiants pour négocier la pitance quotidienne, ce qui n’est pas sans conséquences pour la réputation du milieu du showbiz.
par Josué F. MEHOUENOU