30 novembre 2015. C’est la date butoir annoncée par le Président Boni Yayi pour la fin des travaux actuellement en cours sur le chantier du nouveau siège de l’Assemblée Nationale à Porto-Novo. A part lui et ses valets, l’annonce ne fait vibrer personne.
En visite il y a quelques jours sur le chantier de construction du nouveau siège de l’Assemblée Nationale ouvert depuis 2009, le Président de la République a donné des instructions formelles pour que ce qui n’a pas été fait en sept ans le soit en moins de 45 jours. « Nous voulons que vous finissiez à la fin du mois de novembre. Nous verrons quelles sont les mesures d’accompagnement à mettre en place. Il vous faut une feuille de route qui tienne compte de vos besoins… » a déclaré le Président Boni Yayi après les explications qui lui ont été fournies sur le terrain. Mais par quel miracle tous ceux qui ont pris des engagements devant le Chef de l’Etat pourront-ils finir en moins de 45 jours un chantier ouvert depuis 2009 ? C’est là l’épineuse question que se posent aujourd’hui beaucoup de Béninois. Pour ceux qui ont construit une fois une cabane, il sera en tout cas difficile au Chef de l’Etat de gagner en 45 jours le pari d’un travail bien fait sur ce chantier qui a le plus souffert de la gloutonnerie des cadres béninois.
Située à l’entrée de la ville de Porto-Novo, le chantier de construction de l’Assemblée Nationale du Bénin fait partie du lot des éléphants blancs que le Président Boni Yayi va laisser à celui qui va le remplacer au Palais de la Marina en avril 2016. Véritable siège de la corruption, ce chantier pour lequel plus 14 milliards de F Cfa des contribuables béninois ont été engloutis représente tout simplement une honte nationale. Lorsqu’en février 2009 le Président Boni Yayi lançait ce chantier, il ne savait pas que sept ans après, les travaux prévus pour s’achever en 24 mois seraient encore à ce stade. Depuis décembre 2012, les travaux avaient en effet été arrêtés après la révélation d’un gros scandale portant sur près de 14 milliards de F Cfa. Outre le Marocain chargé de réaliser les gros œuvres, ce scandale a conduit en prison des cadres du ministère en charge de l’urbanisme. Le ministre Blaise Ahanhanzo Glèlè n’a pas été épargné. Il a été gardé pendant des jours à la Brigade économique et financière et présenté au Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Cotonou avant d’être libéré. Prévu pour coûter 14 milliards de F Cfa (déjà passés en pertes et profits), l’achèvement du siège de l’Assemblée Nationale nécessitera 10 autres milliards de F Cfa. Où trouver ce pactole en ce moment où le gouvernement est engagé sur divers fronts, notamment l’organisation de l’élection présidentielle du 28 février 2016 ? C’est là la grosse interrogation. Et c’est justement ce qui amène beaucoup de gens à douter une fois encore de la parole du Chef de l’Etat par rapport à ce chantier.
Personne ne croit au bluff
A part Boni Yayi lui-même et son ministre de l’urbanisme, personne y compris ceux qui sont aujourd’hui en charge de l’exécution des travaux ne croient en cette date du 30 novembre 2015 annoncée, certainement pour amuser la galerie. Pour gagner le pari de l’achèvement à cette date des travaux, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies. Le Directeur technique de la Serhau Sa l’a d’ailleurs dit assez clairement. Il a promis de respecter le délai du 30 novembre 2015 à condition que les ressources conséquentes soient disponibles. « Nous avons fini les grosses œuvres, il reste les pilastres. Nous sommes en train d’envisager une nouvelle organisation. Il est encore possible de terminer le 30 novembre prochain si tout ce que nous envisageons se met effectivement en place » a déclaré Victor Gbaguidi, président du comité ordonnancement-pilotage-coordination du projet. Le Colonel Bonaventure Mèdji-Vigan, Directeur général du génie militaire n’a pas tremblé devant le Président Boni Yayi, Chef suprême des armées. Il a été moins optimiste par rapport à la date du 30 novembre 2015. Pour lui, il faudra une forte mobilisation des forces en vue de l’achèvement de l’hémicycle et des deux bâtiments annexes avant qu’on envisage un délai jusqu’en fin décembre, autrement dit un mois supplémentaire.
L’annonce du Président Boni Yayi n’emballe pas non plus certains sages et notables de la ville de Porto-Novo. Ces sages et notables qui ne font pas partie du lot de ceux qui ont une «représentation diplomatique» au Palais de la Marina ne se font aucune illusion. « Au-delà de ce qu’il constituera un éléphant blanc, le nouveau siège de l’Assemblée Nationale restera l’un des rendez-vous manqués de Boni Yayi avec la ville de Porto-Novo », pensent-ils très déçus.
Affissou Anonrin