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​Financement des partis politiques au Bénin, casse-tête
Publié le lundi 26 octobre 2015  |  Afrika7.com
Siege
© aCotonou.com par CODIAS
Siege de l`Assemblée nationale du Benin




Depuis quelque temps, face à l'affadissement sans précédent et à la marchandisation galopante de l'engagement politique, une préoccupation qui semble faire l'unanimité, a soudain pris du relief, s'invitant d'office à tous les débats de la République où il est question d'oser une explication rationnelle aux turpitudes, incongruités, contreperformances et autres reniements d'une classe politique béninoise visiblement en panne d'inspiration, au bout du rouleau, désemparée. ​

La question du financement public des partis politiques apparaît comme l'arbre qui cache la forêt. Elle pourrait même devenir, en fin de compte et toutes choses égales par ailleurs, l'une des meilleures portes d'entrée pour mieux appréhender, dans toute sa complexité, la problématique de la réforme du système partisan.

Roch Nepo

Il s'agit bien de la question de la réforme désormais rendue impérieuse du système partisan, avec comme principaux corollaires celles non moins cruciales de la transhumance politique et du financement des partis politiques qui, selon toute vraisemblance, constituent l'épine dorsale de cette problématique émergente, en même temps que le cancer par excellence de la démocratie béninoise.

Entre autres contributions d'envergure dont celle de la sémillante et emblématique présidente du mouvement Dynamique du changement pour un Bénin débout (DCBD), Célestine Zanou, à travers son remarquable plaidoyer en faveur d'un débat national ad hoc, le point d'orgue de la cristallisation notée autour de ce sujet d'intérêt national aura été, incontestablement et sans doute en raison de l'exposition médiatique exceptionnelle inhérente ce genre d'événement, le discours prononcé urbi et orbi par Maître Adrien Houngbédji, à l'occasion de son investiture à la tête du Parlement béninois de la septième législature.

En effet, à la faveur de cette allocution qui a assurément valeur d'un véritable discours-programme de la nouvelle mandature, le premier des députés, usant de la fameuse « allégorie des deux télécommandes » ayant malheureusement présidé aux dernières joutes électorales à l'Assemblée nationale, n'a point fait mystère des priorités formellement inscrites à son agenda; priorités au nombre desquelles figure, en bonne place, une réforme du système partisan, en général, et du financement des partis politiques, en particulier.

S'inscrivant dans la même logique mais sur un autre registre, la récente Université de vacances du PRD (Parti du renouveau démocratique) édition 2015 a, quant à elle, mis un point d'honneur à débattre, de fond en comble, de cette thématique majeure et d'une brûlante actualité, notamment en y consacrant deux (2) communications intitulées respectivement : « Organisation et fonctionnement des partis politiques » et « Financement des partis politiques ».

Il ressort essentiellement de ces différents foras et prises de position officielles sur une question aussi sensible, que la réflexion à engager instamment, devra s'articuler autour des lignes directrices ci-après :

1. relecture critique des textes qui régissent le système partisan béninois, fondé sur l'option faite par le constituant, au sortir de la Conférence nationale, pour un multipartisme intégral (devrait-on oser un plus judicieux « sauvage » ?), occasionnant, à l'épreuve des faits et au nom d'un juridisme somme toute de mauvais aloi, des déviances aux conséquences désastreuses ;

2. redéfinition des règles de constitution et de fonctionnement des partis politiques, dans le sens :

• d'un recentrage sur leurs finalités premières ;

• d'une clarification de leurs positionnements idéologiques respectifs (ou de ce qui en tient lieu, éventuellement);

• d'une amélioration de leur gouvernance ;

• et surtout d'une optimisation de leur mode de financement, de façon à mettre un terme à la clochardisation généralisée de ces regroupements auxquels incombe, au premier chef, la noble prérogative d'être le fer de lance d'une gestion orthodoxe de la cité, mais qui hélas ont de plus en plus tendance à s'assimiler à de vrais « clubs d'investissement électoraux », susceptibles, à l'instar de toute société cotée à la bourse, de faire l'objet, sans autre forme de procès, d'OPA (offres publiques d'achat), sur un marché politique dérégulé et ne s'embarrassant guère de considérations d'ordre éthique ou sociétal.

Mon propos ici n'est nullement d'enfoncer une porte ouverte, en dissertant à profusion sur des choses qui ont été dites et redites par des voix infiniment plus autorisées que la mienne. Il me plaît cependant de m'appesantir quelque peu sur certains aspects particuliers de la lancinante question du financement des partis politiques que l'opinion générale prévalant en ce moment rend principalement responsable de l'irruption soudaine, massive, inédite et singulièrement agressive de la crème de l'oligarchie capitaliste nationale dans l'arène politique.

En effet, la plupart des analyses ayant cours en ce moment accréditent, et ce, à juste titre dans une large mesure, l'idée selon laquelle l'institution d'un financement public et rendu transparent des partis politiques serait la panacée aux maux multiples qui les rongent et qui ont noms :

• transhumance (ou nomadisme, comme diraient les puristes) ;

• extrême modicité sinon manque cruel de ressources financières pour faire face convenablement et dignement à leurs obligations constitutionnelles d'animation de la vie politique ;

• patrimonialisation excessive du pouvoir se traduisant par une confiscation du processus décisionnel, du fait de la concentration des moyens financiers dans les mains d'un fondateur fortuné ou d'un tout petit noyau de bailleurs de fonds dictant impitoyablement leur loi aux autres membres ;

• opacité en matière de gouvernance, absence du débat contradictoire et autres dérives quasi-monarchiques, préjudiciables à la démocratie interne et j'en passe.

Pour pertinente qu'elle soit, une telle lecture du phénomène mériterait tout de même, à mon humble avis, d'être un tant soit peu nuancée, voire enrichie par la prise en compte d'au moins deux autres éléments qui me paraissent incontournables.

Le premier a trait à la nécessité, en sus du financement public au sens strict à inscrire impérativement au budget général de l'Etat et à octroyer, sur des bases éminemment équitables, aux organisations bénéficiaires, de légiférer en faveur de la possibilité, pour les partis politiques, de recevoir, sous forme de dons, legs et subventions – selon des modalités dûment codifiées et tout à fait traçables, à définir – des ressources en provenance des secteurs parapublic et privé.

Tout ceci, bien entendu, sous la stricte réserve que soient adéquatement contenues, à défaut d'être éradiquées (réalisme oblige !), les velléités de prédation ou d'instrumentalisation dont ce type d'intervention n'est jamais totalement exempt.

La seconde exigence consiste à instituer un financement endogène aux partis et donc pérenne par définition, devant être exclusivement alimenté par les cotisations des membres systématiquement astreints, sans distinction de catégorie ou de statut, à une telle obligation qui apparaît, en définitive, comme le gage certain de leur engagement vis-à-vis des idéaux du parti, l'expression on ne peut plus authentique de leur affectio societatis pour ainsi dire et partant, qui plus est, de l'effectivité d'un socle idéologique fondateur.

Il va sans dire qu'aucune démarche sérieuse de résolution de l'épineux casse-tête du financement des partis politiques au Bénin, ne saurait faire durablement l'économie de ces deux paramètres structurants majeurs et sans doute d'autres encore, à découvrir.

Et c'est en cela, me semble-t-il, que la question du financement public des partis politiques apparaît davantage comme l'arbre qui cache la forêt.

Elle pourrait même devenir, en fin de compte et toutes choses égales par ailleurs, l'une des meilleures portes d'entrée pour mieux appréhender, dans toute sa complexité, la problématique de la réforme du système partisan.

En effet, de fil en aiguille et telle que brièvement déclinée en filigrane à travers les développements qui précèdent, la recherche de modes de financement optimaux permet de déboucher inéluctablement sur des questions connexes plus basiques, à savoir :

• opportunité de revisiter le concept de multipartisme intégral, notamment à la lumière du critère idéologique ou, à défaut, de celui du projet de société, pour autant que celui-ci réponde aux standards universellement admis en la matière et aux aspirations profondes de la communauté nationale ;

• rationalisation et assainissement drastique de l'échiquier politique national aux fins de lui restaurer un minimum de lisibilité et de cohérence ;

• avènement d'une meilleure gouvernance démocratique au sein des partis, etc. En conséquence, la réflexion devra non seulement se poursuivre résolument, mais aussi et surtout s'élargir, autant que faire se peut, à l'exploration d'un champ des possibles qui s'annonce infiniment prometteur.
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