Alors que le pays entier est profondément divisé sur la révision de la Constitution, le même sujet a servi de terreau à la naissance d’une nouvelle organisation syndicale des magistrats sur fond de conflit.
Depuis le vendredi 13 septembre 2013, l’Association nationale des magistrats (Amab) a été ressuscitée de sa tombe par certains hommes en toge noire. Conduits par le juge Benoît Tchibozo, ils se disent révoltés par ce qui se passe au sein de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab), très puissant syndicat qui donne du fil à retordre au pouvoir en place sur l’autel des revendications corporatistes. En fait, l’Amab n’est que l’ancêtre de l’Unamab. Elle est alors une organisation qui a changé de nom avec l’évolution du temps pour devenir Unamab.
Aujourd’hui, il va falloir tenir compte de l’existence des deux organisations. Cela pose un véritable problème, puisque le secteur de la justice, plus spécifiquement la corporation des magistrats est perçue comme une seule église qui a des démembrements avec à la tête une direction qui veille sur les intérêts des membres et la vie de l’organisation. Avec un tel fonctionnement, il sera difficile de voir apparaître des fissures dans la lutte que mènent les magistrats pour la satisfaction de leurs revendications. Les différents présidents de l’Union des magistrats qui se sont succédé ont veillé à ce que la maison soit solide avec une fondation qui devrait résister à toutes les intempéries.
Désormais, on peut craindre qu’une certaine dichotomie s’installe avec l’arrivée d’une seconde organisation. Si l’Amab commence à dénoncer la gestion du président Michel Adjaka et que ce dernier n’a pas été non plus tendre dans sa contre-offensive, cela montre bien que les magistrats sont divisés. Au-delà des magistrats, c’est la justice tout entière qui sera marquée par cette crise entre l’Amab et l’Unamab, avec au centre le débat sur la révision de la Constitution.
D’après l’appel d’avant le Congrès lancé par l’Amab, c’est ce sujet qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. La position publique prise par l’Unamab en demandant au chef de l’Etat de retirer le projet de révision de la Constitution lors de la cérémonie de passation de charges entre les ministres de la Justice sortant et entrant aurait suscité des critiques à tel point qu’elle a révolté les membres fondateurs de la nouvelle organisation. Mais alors pour le président Michel Adjaka, il s’agit d’affabulations.
Il montre que le projet de révision du chef de l’Etat vise à affaiblir la justice et face à une telle menace, la réponse était de dire un non catégorique au projet. Ce qu’il déplore dans la démarche de ses collègues contestataires, c’est qu’ils n’ont pas attendu l’Assemblée générale, cadre indiqué pour exprimer leurs revendications et demander des comptes au bureau. Au lendemain de la création de l’Amab, on constate que très peu de magistrats jubilent, car beaucoup estiment que c’est une erreur de choisir comme ligne de défense, la prise de position de l’Unamab contre le projet de révision de la Constitution.
FN
Le pouvoir de Yayi est-il dans le coup ?
Pourquoi il y a tant de division dans bon nombre de milieux socioprofessionnels ? La plupart des observateurs avancent que c’est le Pouvoir en place qui orchestre une telle situation. La mise en relief de la question de la révision de la Constitution par l’Amab renforce les soupçons selon lesquels, c’est le gouvernement qui entretient le conflit entre les magistrats. Quoi qu’il en soit, l’actualité de la révision de la Constitution alimente les querelles dans les rangs des magistrats.
L’Amab n’a pas été d’accord que l’Unamab suggère au chef de l’Etat de renoncer au projet et de le soumettre à une étude dont se chargera une équipe au sein de laquelle l’Unamab se porte volontiers à en faire partie. En somme, le débat sur la révision de la Constitution ne fait qu’aggraver la fracture au sein de la société béninoise. Et, le gouvernement se retrouvant de plus en plus seul et sans allié de taille face au projet, préfère utiliser l’arme de la division pour casser l’élan collectif contre son machin.