Actualité internationale
28 Octobre 2015
Démantèlement d’un gang de fraudeurs à la Faculté de droit et de science politique de l’U.A.C. « Je vais faire venir une armée d’avocats pour défendre la Faculté », dixit Pro
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Plus de deux semaines déjà, que la Faculté de droit et de Science politique (FADESP) de l’Université d’Abomey-Calavi a démantelé un gang de faussaires. Approché, le professeur Ibrahim Salami, Vice-doyen de cette faculté, s’en explique ici en exclusivité
Nouvelle expression : Monsieur le Vice-doyen de la Faculté de droit et de Sciences politiques, avez-vous le sentiment que votre Faculté forme encore aujourd’hui de véritables juristes, de véritables cadres ?
Je pense qu’il est incontestable de dire aujourd’hui que le lieu où on enseigne le mieux le droit et les sciences politiques au Bénin, c’est encore et toujours la Faculté de droit et de Sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi. Nous sommes très heureux de constater que la FADESP soit devenue aujourd’hui plus fréquentable. Bien des magistrats, des avocats, des cadres de notre pays viennent ici, ce plus haut lieu du savoir du droit et de la science politique, qu’est la FADESP, pour parfaire leurs connaissances et obtenir de diplômes, cela fait plaisir à l’enseignant que je suis. Nous avons reconquis, me semble-t-il, une crédibilité. Mais cela ne veut pas dire non plus que tous va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Vous venez de dire que la FADESP est devenue plus fréquentable. Pourtant dans l’opinion, cette faculté est perçue comme le réceptacle de grands tricheurs, des fraudeurs de tout acabit, etc.
Depuis de nombreuses années, la FADESP a fait un grand effort d’assainissement. Un effort d’assainissement sur lequel nous n’avons pas communiqué, parce que nous estimons que le bien ne fait pas du bruit, et le bruit ne fait pas du bien. Nous avons estimé que nous devons faire notre travail comme des universitaires, des techniciens, des académiciens et que l’histoire nous donnera raison.
Cette réputation, hélas, ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Nous avons fait un gros effort d’assainissement. Vous devez savoir une chose : il n’y a pas de société sans fraude. Il n’y a pas de recherche sans fraude. Que cela soit aux Etats-Unis, en France et dans le monde entier, les étudiants essaient toujours de frauder. Mais ce qui est intéressant, c’est que chez nous, on arrête les fraudeurs. Il y a des cercles où on n’arrête personne, on est au courant de rien. Il ne faut pas croire que ceux qui arrêtent, sont ceux qui ont tort. J’irai même jusqu’a vous dire que nous nous félicitons, nous autres, d’être en mesure d’arrêter des faussaires. On ne sera peut-être pas en mesure de les arrêter tous, parce qu’ils ont une longueur d’avance sur nous, un réseau plus développé que nous, et des moyens plus développés.
Pensez-vous avoir l’expérience requise pour contrer ou gérer une situation comme celle-là ?
Avant d’être élu Vice-doyen, j’ai été élu par deux fois chef du département de droit public. Donc, je connais le système. Et je sais, pour avoir présidé des conseils de discipline au niveau de cette faculté, quand on arrête des gens qui ont triché, qui ont fraudé, qui ont des cartouches, etc., ce qui nous intéresse, ce n’est pas l’individu mais plutôt le réseau. C’est la bande qui a aidé l’individu à commettre la fraude qui nous intéresse le mieux. Et pour cela, quand les gens vont en conseil de discipline, nous, on les cuisine pour leur dire que s’ils nous disent la vérité, on les dispense de la peine parce que c’est le démantèlement du réseau qui nous préoccupe le plus. Souvent ce réseau est composé de collaborateurs immédiats ou non. Mais la plupart du temps, les gens ne parlent pas. Il y a une omerta totale. Les gens préfèrent prendre sur eux la sanction que de dénoncer le réseau. Quand les étudiants sont en situation d’évaluation, et que devant eux, il y a des surveillants ou telle autre personne qui vient aider tel étudiant et qu’ils ne disent rien, qu’ils considèrent que c’est normal, on ne peut pas s’en sortir comme cela. Il a un problème de responsabilité collective qui se pose à ce sujet.
Qu’en est-il exactement du réseau de fraudeurs qui a été récemment démantelé à la faculté ?
D’abord, je veux préciser que c’est la Faculté qui a démantelé le réseau. Le réseau ne s’est pas auto-démantelé. Qu’est-ce qui se passait avant? La faculté recrute des surveillants pour les compositions. Mais il s’est fait que certains d’entre eux sont complices de la tricherie. Ce qui fait que quand l’épreuve est lancée par exemple, les étudiants, en complicité avec les surveillants, s’arrangent pour que l’épreuve soit diffusée en dehors de la salle et quelqu’un à l’extérieur de la salle rédige, met leurs noms et après les copies sont introduites dans les salles, afin que ces copies aient une bonne note. Alors, nous avons fait en sorte qu’il y ait des surveillants au-dessus des premiers surveillants. Le problème est que ces derniers peuvent être aussi complices. Comme nous avons fermé certains circuits de fraude, j’ai l’impression que le réseau s’est renforcé davantage, avec des moyens plus sophistiqués. Ce qui nous amène à ce qui s’est passé il y a deux semaines. En fait, nous avons un certain nombre d’informations depuis bientôt au moins deux ans, sur le fait qu’il existe au sein de la faculté des agents qui sont complices de fraudes. Ces agents s’arrangent pour trouver des copies vierges et font composer des étudiants à la maison, s’attribuent des notes fantaisistes et ils introduisent au niveau de la faculté d’autres copies en remplacement des copies avec de mauvaises notes. Ce qui c’est passé est que nous avons cette information depuis bientôt deux ans, mais nous n’arrivons pas à mettre la main sur ceux qui sont impliqués, parce qu’on nous donne souvent des informations mais on ne nous donne pas forcément les noms des personnes impliquées. Au su de ces informations, nous avons commencé à être encore plus vigilants que d’ordinaire.
Au fait, il y a eu une épreuve à la fin du premier semestre dans laquelle les notes étaient mauvaises suite à la correction. Subitement, au moment de relever les notes, on trouve une copie avec une très bonne note. La copie avait 08/10. Le système qui est habitué à détecter les copies suspectes me l’a ramenée. J’ai gardé la copie, puis j’ai fais venir l’enseignant pour lui demander s’il reconnait avoir attribué 08/10. Il relit la copie et dit que très vraisemblablement cette copie ne pourrait pas avoir cette note. J’ai dû donc saisir la copie, et demandé à l’enseignant de me produire un rapport, car l’étudiant sera traduit en conseil de discipline. Donc à partir de là, on s’est dit qu’il y a un problème au sein de notre dispositif de sécurisation des copies. Comment çà marche ? Nous avons un entrepôt de copies corrigées ou non corrigées. Nous mêmes en tant qu’autorité décanale, on s’est interdit d’avoir accès à cet entrepôt. Nous avons désigné deux personnes pour y accéder. Ce sont des personnes qui travaillent avec nous, que nous observons depuis des années, des gens que nous prenons pour des personnes correctes. Alors, à partir de l’incident de la copie frauduleusement introduite, la Commission de gestion des examens au niveau de la Faculté s’en est ouverte à moi pour connaître la conduite à tenir. Est-ce qu’il faut renvoyer ces personnes ? J’ai pris sur moi la responsabilité de renvoyer ces deux personnes, non pas sur la base de preuves, mais de soupçons qui pèsent sur elles. Parmi ces deux personnes, l’une est revenue à la charge en complicité avec un autre agent qui à réussi à photocopier toutes les clés des bureaux de la Faculté. C’est les deux maintenant, qui reviennent à la faculté nuitamment (après 23 heures) après qu’on a corrigé, validé, désanonymé les copies pour opérer dans le bureau du doyen. Ils ont opéré un certain nombre de fois. Nous avons alors mis en place un dispositif pour nous permettre de les arrêter en flagrant délit. Si on n’arrête pas les gens en flagrant délit, on dira toujours que ce sont des rumeurs. Or, ce qui nous intéresse, c’est le réseau et non d’arrêter les gens isolément. Notre dispositif a marché, parce que nous avons pu les arrêter en flagrant délit, cet individu que nous avons déjà radié de notre effectif. Pourtant, c’est lui qui est venu effectuer la sale besogne. Une fois qu’il a été arrêté en complicité avec un autre agent, qui est normalement conducteur de véhicule administratif. Nous avons sollicité la Brigade de recherche d’Abomey-Calavi, qui nous a prêté main forte. Nous avons retrouvé auprès de cet individu une soixantaine de copies rédigées à la maison, avec des notes déjà attribuées et prêtes à être introduites dans notre système. Inutile de vous dire que toutes ces personnes seront recherchés, retrouvées et punies conformément à la loi. A l’heure où je vous parle, je pu vous assurer que cinq personnes ont été arrêtées et l’enquête suit son cours. Le premier cabinet d’instruction du Tribunal d’Abomey-Calavi est saisi et c’est ce cabinet qui conduit l’affaire. Moi en tant que Vice-doyen de la FADESP, j’ai porté plainte pour que toute personne impliquée dans cette affaire, soit recherchée et punie conformément à la loi.
A suivre