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Migration et développement: Partir plus tôt pour réussir plus tard
Publié le jeudi 29 octobre 2015  |  Fraternité




Autrefois considérée comme traite ou trafic d’enfants, la migration des mineurs est vue autrement. Acceptée par les autorités, elle est considérée comme une opportunité de réussite pour des enfants défavorisés et en difficultés dans leur localité.
« A l’impossible, nul n’est tenu ». Ne pouvant pas satisfaire leurs besoins sur place, certains enfants mineurs deviennent prématurément des adultes et prennent leur destin en main. Issus des familles pauvres et souvent polygammes, ces enfants sont obligés de partir en aventure à la quête du bien-être.
Cheveux attachés dans un foulard, Ramatou, la vingtaine, s’affaire à activer le feu sous la marmite pleine d’igname. Dans quelques minutes, avec ses "collègues", elle pilera ces ignames afin de servir les clients de ce restaurant d’igname pilée situé à l’Etoile à Cotonou. Elle est contrainte d’exercer cette activité pour pouvoir satisfaire ses besoins er ceux de sa famille. « Je pile les ignames ici avec les autres. A la fin de la journée, je gagne 1000 F F Cfa. Ce n’est pas facile, mais aucun travail n’est facile dans la vie. Il faut savoir ce qu’on cherche », a-t-elle confié. Bassila, sa ville natale située dans le département de la Donga l’a vue partir à la recherche du mieux être. Issue d’une famille pauvre et polygame, Ramatou, âgée de 17 ans, elle a décidé d’aller à la recherche du bonheur. Venue à Cotonou, elle sert dans ce restaurant comme pileuse d’igname. « Je suis venue à Cotonou parce que mes parents n’arrivent plus à satisfaire nos besoins. J’ai donc décidé de les aider en travaillant. Comme cela, je pourrai aider mes parents à payer la scolarité de mes frères et aussi à construire une mais à ma mère », précise-t-elle.
Comme Ramatou, ils sont nombreux à quitter leurs localités à la recherche du mieux-être. Cette aventure des mineurs est considérée autrefois comme de la traite. Ainsi, quand on évoque le déplacement des mineurs, la majorité pense à la aux trafics d’être humain, à la maltraitance, à l’échec, aux démêlés avec la justice… « Lorsque vous êtes heureux et que vous avez toutes les conditions favorables pour votre développement chez vous, lorsque vous jouissez pleinement de vos droits dans votre localité, qu’est-ce qui va vous pousser à quitter ? Ceux qui partent, c’est sûrement qu’ils ont identifié des problèmes qu’ils n’ont pas pu résoudre, c’est parce qu’ils ont la conviction que les conditions favorables à leurs épanouissement ne se trouve pas chez eux, mais ailleurs. Par conséquent, on ne peut pas demander à quelqu’un de se maintenir sur place alors qu’il n’a que des problèmes auxquels il ne trouve pas de solutions, a expliqué le Directeur de l’Esam.
Dans un rapport d’une étude commanditée par Terre des Hommes (Tdh) en 2013 et intitulée « Etude sur les itinéraires de migration des enfants en situation de mobilité entre Lomé (Togo) et Cotonou (Bénin) », la mobilité touche environ 41 à 49% des ménages ruraux.

« L’engagement de Tdh et de ses partenaires s’est traduit par la réalisation d’un projet régional commun d’études sur les mobilités des enfants et des jeunes en Afrique de l’Ouest et du Centre. Le processus a conduit à l’élaboration d’un projet dénommé "Protection des enfants mineurs migrants non accompagnés en Afrique de l’Ouest" », a expliqué le consultant Abou-Bakari Imorou, auteur de ce rapport.
Ses enfants migrants alors à la recherche du mieux être. Ils veulent changer leurs conditions de vie.
Ce qui est alors demandé dans cette aventure, c’est la sécurité de ces enfants en déplacement. « Je crois qu’aujourd’hui, les études ont prouvé que les enfants, tant qu’ils n’ont pas réalisé leur droit de mieux vivre, vous avez beau les ramener au bercail, trois mois après, ils repartent parce qu’ils n’ont pas les réponses à leurs problèmes dans leur village. C’est ce qui les pousse à partir. Et tant qu’il n’y a pas de solution de remplacement, et qu’on soit prêt à leur fournir ce dont ils ont besoins pour leur épanouissement, il y aura toujours migration », a expliqué Norbert Fanou-Ako, Directeur de l’Organisation non gouvernementale (Ong) Enfant solidaire d’Afrique et du monde (Esam). Pour le Directeur de l’Esam, il ne s’agit pas d’interdire la migration des mineurs, mais au contraire, il faut mettre un système sécuritaire en place pour assurer le bon déroulement de leur déplacement. « Il s’agit de dialoguer avec les enfants, sur les conditions de migration. Malheureusement, nous sommes dans un environnement comme la Cedeao où ceux qui ont mandat de suivre la migration ne comprennent pas souvent cette thématique. La société civile doit commencer par dénoncer ce qu’il faut et exiger non seulement que la sécurité des enfants soit garantie, mais qu’en retour, que ces derniers indiquent là où ils vont. Au cas où ils n’ont pas une destination précise, nous pourrons leur offrir les conditions de bonne réflexion pour que leur parcours soit balisé afin qu’ils soient à l’abri de ceux qui pourraient leur faire du mal », précise-t-il.
Les opportunités
Dans leur déplacement, certaines opportunités s’offrent à ces enfants migrants. Ils ont ainsi l’opportunité d’acquérir des connaissances et des expériences qui les différencieront de ceux qui sont restés sur place au village. « La migration offre beaucoup d’opportunités aux migrants parce que ces personnes, contribuent au développement de leur milieu d’accueille et ces milieux d’accueilles leur donnent l’opportunité d’économiser, d’emmagasiner beaucoup d’expérience, de créer des ressources financière. De ce fait, ils deviennent des citoyens très utiles non seulement dans leur milieu d’accueil, mais aussi à leur localité en se souvenant qu’ils viennent de quelque part, qu’ils ont laissés des parents, des frères et sœurs, des amis et toute leur communauté », a expliqué le président de l’Ong Esam. "Ces aventuriers" deviennent ainsi un vecteur de changement dans leur communauté. « Ils ont envie de transférer tout ce qu’ilsont appris ailleurs au niveau de leur communauté d’origine. Ils deviennent ainsi des connaisseurs d’autres choses qui peuvent enrichir leur pays d’origine. ils ont envie de montrer que là où ils se sont rendus, qu’ils n’ont pas échoué et qu’ils sont désormais de véritable homme ou femme ayant une vision de développement pour ceux qui sont resté sur place », a renchéri Norbert Fanou-Ako.

Eviter les effets négatifs
Certes, la migration des mineurs a des avantages. Mais tout ce qui a des avantages, a aussi des inconvénients. Pour le président d’Esam, il faut connaître les effets néfastes de la migration pour les éviter. « C’est pour cela que nous nous sommes dit qu’il est temps que les organisations de la société civile béninoise se retrouvent dans cette thématique pour mieux apporter ce qu’elles savent faire pour le développement de leur localité, village, commune, département ou au niveau national. C’est cet esprit là qui nous a guidés à organiser le premier forum. Lorsque nous l’avons initié, les organisations de la société civile ont estimé qu’il était nécessaire d’instaurer ce forum en un forum annuel pour amener les autorités locales à l’intégrer dans leur plan de développement communal nouvelle génération (Pdc) », a-t-il expliqué.
Selon lui, les organisations de la société civile devraient se mettre en ligne pour produire les bonnes réflexions qui seront consignés dans des documents pour que les nouveaux dirigeants qui vont venir s’en inspirent pour mieux gérer les hommes, les femmes et en particulier les enfants qui ont besoin de l’encadrement de l’Etat, d’une politique très claire de promotion des droits de l’enfant. Cela est aussi valable pour les grandes personnes qui font l’objet de migration. « Je crois que nous sommes à un tournant important où nos Etats doivent intégrer la migration et développement dans leur politique parce qu’on est au carrefour des changements. C’est visionnaire pour les organisations de la société civile de commencer à faire un travail dans ce sens pour que ces questions qui sont encore flou dans la tête de bon nombre de citoyens béninois commencent par être clarifier pour chacun. C’est dans cette dynamique que nous avons élaboré le programme "migration et développement". Ce programme vise à contribuer à la connaissance qu’il faut avoir de la problématique de la migration et du développement. Il faut donner une connaissance très claire de ce que recouvre cette thématique, se l’approprier au lieu d’en faire quelque chose de très flou », a-t-il précisé.
Même si la migration est une opportunité de réussite, il faut qu’elle soit contrôlée pour que les enfants qui s’y adonnent, ne tombent pas dans les mailles de la maltraitance.
Isac A. YAÏ
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