Le professeur Ibrahim Salami, Vice-doyen de la Faculté de droit et de sciences politiques (FADESP) de l’Université d’Abomey-Calavi (U.A.C.) ne fait pas mystère des pressions qu’il reçoit en collaboration avec ses collaborateurs pour étouffer le dossier de démantèlement d’un gang de fraudeurs dans cette faculté. Dans cette dernière partie de l’interview exclusive, il promet sévir avec la dernière rigueur.
Après avoir mis la main sur une bande de fraudeurs, que faites-vous, véritablement, pour décourager à jamais le mal ?
Je ne sais pas si on peut décourager à jamais le mal. Ne soyons pas naïfs. Je ne sais pas, s’il y aura une société sans fraude. Moi ce qui m’importe, c’est que lorsqu’il y a fraude, que le système puisse permettre de détecter et de punir. Le vice est partout. Quelqu’un qui décide de tricher, il prend le risque que si on l’arrête, il puisse assumer les conséquences de son acte.
Nous nous prenons des mesures, mais, je ne peux pas vous décliner toutes les mesures sécuritaires. Ce serait me tirer une balle dans les pieds. Ce qui est sûr, pour gérer ces gens de choses, il faut une certaine expérience. La FADESP traverse une zone de turbulence. On ne peut pas gérer cela, si on n’est pas expérimenté. Evidemment, il faut faire en sorte que des dispositions soient prises pour qu’il y ait moins de tricheries possibles, moins de fraudes possibles. Il y a un travail de conscientisation à faire au niveau des étudiants pour qu’ils comprennent le caractère dangereux et risqué de la tricherie, qu’ils sachent le risque qu’ils prennent à tricher parce que leur vie peut être gâchée à cause des sanctions disciplinaires qui sont prises. Mais aussi, il ne faut pas oublier que ces actes peuvent être aussi poursuivis au pénal, et on pourrait aller à des peines d’emprisonnement et c’est une vie qui est brisée. Je vous souffle que de nombreux fonctionnaires sont impliqués dans ce réseau de fraudes...
Dans ce scandale où des fonctionnaires sont impliqués, recevez-vous des pressions pour étouffer l’affaire ?
Nous subissons de grosses pressions [Insistance]. Je dois vous dire que lorsque cette affaire a commencé, même le Chef de la brigade adjoint (CBA) qui est en charge de ce dossier a reçu d’énormes pressions.
Savez-vous, ce qui est encore grave dans cette affaire, c’est qu’il s’agit de la fraude des riches. On a l’habitude d’arrêter des gens qui ont sur eux des cartouches, une partie du cours, ou lorgne sur la copie de leurs camarades. J’ose dire que c’est la tricherie du pauvre. Mais en l’espèce, il s’agit de la fraude industrielle. C’est-à-dire une sorte de gangstérisme dans la tricherie. De quoi s’agit-il ? Il parait que les gens payent vraiment cher pour le service. Vous voyez tous les efforts que nous avons faits pour enseigner, pour proposer des épreuves, pour corriger les copies, pour sécuriser le système, et après certaines personnes viennent désorganiser tout le travail. C’est pour cette raison que nous serons fermes pour demander l’application de la loi. Nous recevons d’énormes pressions mais nous ne lâcherons pas. Nous ferons appel aux organisations de la société civile qui luttent contre la corruption pour nous accompagner. Je ferai venir une armée d’avocats pour défendre la FADESP parce que la plupart de ces avocats sont formés par cette Faculté; qu’il s’agisse des avocats, des magistrats, des professeurs d’université, des cadres à divers niveaux, nous nous sommes fiers du travail accompli dans cette faculté. C’est pour cela que je vais faire venir une armée d’avocats pour défendre la Faculté et pour que cette affaire connaisse le dénouement qu’il faut.
Le gangstérisme dans la fraude ne décrédibilise-t-il pas les diplômes délivrés par la FADESP ?
C’est celui qui a fraudé pour avoir son diplôme qui doit en avoir honte parce qu’il n’arrivera pas à assumer son diplôme. Je ne sais pas quel est le pourcentage, le degré de ceux qui fraudent. Mais je pense, que lorsqu’on arrête des faussaires ou des tricheurs, ce n’est pas à nous d’avoir honte. Nous devons être fiers d’arrêter des fraudeurs et des tricheurs. Ce qui aurait été grave, c’est de ne jamais arrêter de fraudeurs et de tricheurs. On doit décorer le gardien burkinabè de la FADESP, qui contre une forte promesse d’argent, a préféré être intègre pour ne pas laisser les gens faire leur sale besogne malgré son petit salaire. On devrait décorer le Secrétaire général de la Faculté, Friard Houndji. On devrait aussi décorer mon collègue, Président de la commission de gestion des examens, le Docteur Arnaud Houédjissin, mon collègue Léon Jossè. C’est eux qui ont mis en place le dispositif qui a permis d’arrêter les fraudeurs. Ces derniers ont gardé le secret jusqu’à ce que les faussaires reviennent sur le lieu du crime. En définitive, tous ceux qui ont eu des diplômes honnêtement dans cette faculté doivent en être fiers et c’est de leur responsabilité de nous aider à crédibiliser davantage les diplômes de la FADESP.