Malgré l’acharnement contre sa personne, Patrice Talon n’a perdu ni son charme ni son latin. Dans l’ambiance feutrée de l’hôtel Novotel Orischa à Cotonou, jeudi 29 octobre 2015, il s’est entretenu avec le gratin de la presse béninoise. N’éludant aucune question, le candidat s’est prêté au jeu avec sérieux, humour et conviction. Il a battu en brèche les accusations dont l’accable le régime.
Chemise blanche, sous un costume gris impeccable. L’opérateur économique Patrice Talon est un homme de goût. Il l’a, à nouveau, démontré hier soir au Novotel à Cotonou. Assisté de son avocat-conseil, Me Joseph Djogbénou, le candidat dont les relations avec le président Yayi Boni sont actuellement des plus exécrables, s’est prêté au jeu d’un interrogatoire serré, et des plus féroces de la part de professionnels des médias avides d’informations. Face à un parterre de journalistes curieux et fouineurs, Patrice Talon a fait montre de disponibilité, et d’éloquence comme à son habitude. Il a surtout démontré qu’il connaît bien l’histoire politique récente de son pays, ayant été l’un des artisans les plus actifs des différents bouleversements politiques. Usant d’anecdotes, il a dénoncé la part de légende et de mythe dans les nombreuses « rumeurs » fomentées à son encontre. Celui qui n’est pas à un exil près, a confié comment sous le régime Kérékou 2, il a déjà été victime de ce qui s’apparente plus ou moins à une cabale. Surpris de le rencontrer à l’enterrement de feu Prudencio, le général n’a pas hésité à lui demander : « Tu es rentré quand ? » Mathieu Kérékou, en homme d’Etat, l’a ensuite invité à venir le voir. Au-delà de ces faits historiques, le candidat semble prêt pour la bataille de la présidentielle de février prochain. La prochaine présidentielle est un véritable challenge que Patrice Talon veut remporter. Du moins, le candidat se donne les moyens de parvenir à cette fin. Au regard de sa rencontre avec les principaux patrons de presse, il a gagné en partie la bataille des médias. En effet, lors de cette rencontre de « vérité », Patrice Talon s’est complètement livré, ne cachant rien de sa vie, de son parcours et des méthodes qui ont fait son succès. Quant à son conflit avec l’actuel chef de l’Etat, à ses relations avec les banques, à sa fortune, en passant par les réformes, le candidat n’a pas tari en explications. On a appris, entre autres, que Patrice Talon s’est rebellé contre la politique de celui qu’il a porté à la Marina. En 2007, il avait milité auprès de la classe politique pour que la mouvance ne remporte pas les législatives. Parce qu’il ne concevait pas que Yayi Boni, fort de son élection, ait une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, monopolisant ainsi tous les pouvoirs.
Le conteneur d’argent de Mouammar Kadhafi
Au détour de cette discussion à bâton rompu, l’un des confrères de la presse n’a pas manqué de poser l’une des questions les plus « folles », mais attendues sur l’histoire du conteneur d’argent de Mouammar Kadhafi, l’ex-chef d’Etat libyen. Hilarité générale dans la salle, et montée d’adrénaline. Et pourtant, avec un calme olympien dont lui seul semble avoir le secret, Patrice Talon touché dans sa dignité, a su trouver les mots justes pour répondre à son interlocuteur. « Si un tel conteneur d’argent m’était confié, je le saisirais. Puis, je vous partagerai l’argent », a-t-il répliqué sur le ton d’une boutade. Plus sérieusement, il indiquera que si parmi ses parents, ses enfants, ses collaborateurs ou maîtresses, Yayi Boni n’a trouvé personne à qui confier un tel « magot », ce ne serait pas sûrement à lui. Puisque, cela faisait longtemps qu’ils n’étaient plus en bons termes.
Bientôt son « projet de société »
Patrice Talon est-il endetté ? Il n’élude pas la question. Et reconnaît qu’il a plutôt de bonnes relations avec les banques. « Avez-vous lu quelque part qu’une banque m’a intenté un procès ? Ou un juge ? » s’est-il interrogé. Avant de prendre date pour sa conférence de presse lors de laquelle il promet répondre de manière circonstanciée aux attaques dont il fait l’objet de la part du pouvoir. C’est aussi avec le même aplomb qu’il récusera les 200 milliards ou 55 dont le gouvernement l’a accusé au cours du dernier conseil des ministres. D’ailleurs, Patrice Talon a fait le pari de remporter les suffrages dans le Septemtrion lors de la prochaine présidentielle. « J’ai quelques amitiés au Nord. Certes, tout le monde reconnaît que c’est l’électorat le plus homogène du Bénin. Ce sera l’occasion de souder l’unité nationale », a-t-il déclaré. Les réformes, la vie des partis politiques, leur financement par l’Etat, le mandat unique, les discussions qu’il mène avec les autres acteurs de la classe politique, rien n’a été laissé au hasard. « Je n’ai pas la prétention de tout connaître. J’écoute et j’échange avec le reste de la classe politique pour savoir les réformes à opérer. Je suis venu un peu tard dans la course. Il nous faut du temps. Mais, d’ici quelques semaines, le projet de société sera disponible », a-t-il ajouté.
Wilfrid Noubadan