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Entretien avec un ancien ministre de l’éducation nationale : Le Pr Jijoho Padonou crache ses vérités sur Dantokpa, Yayi, Kérékou et la présidentielle
Publié le vendredi 6 novembre 2015  |  Fraternité




Depuis 1960, l’année de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale, les présidents qui se sont succédé à la tête du pays peinent à lui imprimer un rythme soutenu de développement. Les maux qui entravent ce développement sont nombreux et les têtes pensantes en la matière ne manquent pas. Au nombre de ces personnes, il y a l’ancien Ministre du gouvernement du Général Mathieu Kérékou, le Professeur Jijoho Adéwalé Padonou. Dans un entretien accordé à votre journal, l’homme se prononce sur l’actualité nationale avec l’incendie survenu le samedi dernier au marché Dantokpa. Il nous parle également dans cette interview du Général Mathieu Kérékou que le peuple béninois tout entier continue de pleurer depuis le 14 octobre 2015. Coordonnateur de la Faculté à caractère spécial de formation médicale de l’Université de Porto-Novo, le Professeur Jijoho Adéwalé Padonou, rend hommage au président Boni Yayi pour avoir rendu justice à Porto-Novo en créant cette Université. Néanmoins, il n’a pas manqué de relever les points négatifs de la gestion du pouvoir par le président Boni Yayi depuis près de 10 ans. Enfin, l’élection du prochain président de la République en 2016 approchant à grands pas, le Professeur Jijoho Adéwalé Padonou, décline ici, le profil du président idéal pour le Bénin à partir de 2016.
Professeur Padonou, beaucoup de vos compatriotes ne se souviennent plus de vous. Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Je m’appelle Padonou Adéwalé Jijoho. Je suis Professeur Agrégé de chirurgie avec comme spécialité, la traumatologie orthopédie. Actuellement, je suis le Coordonnateur de la faculté à caractère spécial de formation médicale de l’Université de Porto-Novo.

Actualité oblige. Vous avez certainement suivi dans les médias, l’incendie survenu samedi dernier au marché Dantokpa. Qu’est ce que cela vous a fait ?
Là, il s’agit d’un problème très sérieux. C’est véritablement, un drame, et il n’est d’aucun doute que des milliards de Fcfa de marchandises et de biens se sont envolés du fait des flammes. Ce qu’il faut maintenant, en dehors des incantations politiciennes, c’est de reconstruire ce marché dans les normes d’un marché international. Ceci, de manière à ce que les usagers et surtout ceux qui y vendent soient en parfaite sécurité. Cette sécurité, comme je le disais tantôt, passe par la construction de ce marché dans les normes internationales. Il faut dans ce marché, un groupement de sapeurs-pompiers en permanence. Ensuite, il faut trouver un mécanisme sur le plan institutionnel pour gérer autrement ce marché où des milliards de Fcfa sont brassés par jour. Car, je me demande si la Société de gestion des marchés (Sogema) est vraiment à la hauteur des attentes des usagers et marchands de ce marché.

Oui ! On peut se demander si la Sogema est à la hauteur de ce qu’il faut pour ce marché. Mais est ce qu’il n’est pas enfin temps que le gouvernement transfère le marché Dantokpa à la municipalité de Cotonou ? Vous n’êtes pas savoir que depuis plusieurs années, les autorités de la mairie de Cotonou réclament la gestion de ce marché comme le veulent les textes sur la décentralisation.
Parlant des textes sur la décentralisation, je suis d’accord qu’il faut transférer le marché Dantokpa à la mairie de Cotonou. Mais là n’est pas le problème actuellement. La question qu’il faut se poser est de savoir ce que l’Etat va transférer à la mairie de Cotonou. Est-ce un marché mal géré ? Est-ce un marché mal construit ? Je crois que vu la puissance financière du marché Dantokpa, si les autorités centrales et locales élaborent un projet de construction de ce marché, le Bénin pourra trouver des prêts au plan international pour le financer. Pour le transfert de ce marché à la mairie de Cotonou, je pense qu’il faut le faire tout doucement. C’est justement parce qu’il y a beaucoup d’argent à gérer au marché Dantokpa qu’on se bat pour sa gestion.

Vous parliez tantôt d’incantations politiciennes. Que pensez-vous alors du défilé des hommes politiques et surtout des candidats à la présidentielle de 2016 au marché Dantokpa depuis l’incendie du samedi dernier ?
Ils ont vraiment élu domicile à Dantokpa. C’est ce que j’appelle le ballet politicien. Ils veulent se montrer pour dire qu’ils existent. Or, ce dont on a besoin, c’est la vraie politique, la politique du développement. On n’a pas besoin des déclarations. Il faut rapidement réunir les gens capables pour décider de ce qu’il faut faire pour reconstruire ce marché. Tel que le marché Dantokpa est actuellement, la moindre flamme peut encore causer d’énormes dégâts, pire que l’incendie du samedi dernier. Les allées ne sont pas tracées dans ce marché. Les kiosques s’entremêlent, les fils électriques sont comme des toiles d’araignées ; un danger permanent pour les usagers et les marchands. Le marché Dantokpa n’est pas valorisé alors qu’on y puise tous les jours des milliards de Fcfa et tout ceci, c’est la faute de l’Etat central. Je dirai même que ceux qui aujourd’hui veulent qu’on leur transfère le marché Dantokpa ont aussi participé à la gestion du pays au niveau central. Il faut carrément créer une autre autorité pour la gestion du marché Dantokpa. Une fois qu’il sera entièrement reconstruit, on pourra le transférer à la ville de Cotonou.

Parlons maintenant du Général Mathieu Kérékou. Vous avez été membre de son gouvernement pendant 2 ans et demi. Depuis le 14 octobre dernier, tout le peuple béninois pleure l’illustre disparu. Vous qui avez côtoyé l’homme, quel souvenir gardez-vous de lui ?
Silence… !. Il s’agit d’un homme rare. Les grands hommes apparaissent au peuple une fois tous les 25 ans. Le Général Mathieu Kérékou est apparu au peuple béninois. Il y a eu du bon comme du mauvais avec lui. Certainement, il ne faut pas occulter le mauvais côté de Mathieu Kérékou. Mais moi, personnellement, je ne peux pas noircir l’homme.

Pourquoi ?
Pour des raisons simples. Arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat en 1972, le Général Mathieu Kérékou a tout de suite affiché ses bonnes intentions. Il voulait faire du bien pour son pays. Dans les premières interviews qu’il a accordées à Radio France Internationale (Rfi), il parlait de ‘’développer mon pays’’. A l’époque, j’étais étudiant en 6ème année de médecine et la plupart des jeunes en ce moment là, avaient adhéré à cette idée du président Mathieu Kérékou. Mais très rapidement, le régime qu’il dirigeait s’est voulu adepte du marxisme-léninisme. Mathieu Kérékou était mis dans une nasse par des pseudo-révolutionnaires et lui, fin tacticien politique et politicien, il tenait à son pouvoir. Il a donc joué toutes les touches du clavier national pour garder le pouvoir. A partir de ce moment, je crois que son seul objectif était de garder le pouvoir. Par conséquent, le développement à la base ; ce qu’il faut pour le peuple, il l’a presque oublié. On lui faisait des rapports en Conseil des Ministres et cela restait là. Il n’allait pas à la base pour voir ceux qui l’accompagnaient ; encore que je suis sûr qu’il ne comprenait pas grand-chose du marxisme-léninisme. Ceux qui lui ont inculqué cette idéologie-là ne faisaient pas de bonnes choses sur le terrain. J’ai un exemple criant que j’ai vécu sous lui.

Lequel ?
Il m’a nommé ministre en 1996 alors que j’étais contre lui. A l’époque, le ministre du développement rural était venu présenter en Conseil des Ministres, un dossier relatif au développement agricole. C’est là qu’il s’est rappelé que pendant la période révolutionnaire, l’Etat béninois a investi des millions de Fcfa pour envoyer des gens se faire former au Ghana en vue de revenir développer la culture du cacao au Bénin. Il s’est rappelé que c’est dans les régions de Takon et de Yoko dans l’actuelle Commune de Sakété que cette culture devrait être développée. Immédiatement, il a mis sur pied une commission spéciale pour aller vérifier ce que le projet de cacao est devenu. Cette commission était composée du ministre du développement rural avec d’autres ministres. Cela m’a intéressé et il m’a demandé de les accompagner sur le terrain. Nous sommes allés à Takon et à Yoko. Nous n’avons pas vu un seul plant de cacao. Le Général Mathieu Kérékou est resté au Palais, croyant qu’il y a du cacao dans les régions de Takon et de Yoko. Il reste dans son rôle et les cadres montent des projets dont ils lui parlent. Il les accepte et on les finance. Après, on ne trouve rien du tout. Ce jour-là, j’ai vu Kérékou pleurer parce qu’il n’en croyait pas à ses yeux. Quand il est revenu au pouvoir en 1996 après les 5 ans de Nicéphore Soglo, c’était pour continuer de développer la filière cacao qu’il pensait avoir démarrée.

Aujourd’hui, après le décès du Général Mathieu Kérékou, même ceux qui ont souffert sous son régime pendant la période révolutionnaire saluent sa mémoire. Le président Adrien Houngbédji par exemple a dit : ‘‘…Mathieu Kérékou est assurément le plus grand homme d’Etat du Bénin post colonial…’’. N’est-ce pas paradoxal ?
Il est certain que l’actuel président de l’Assemblée nationale, Me Adrien Houngbédji, a souffert sous le régime du président Mathieu Kérékou. Mais il a eu la chance de pouvoir être très tôt exfiltré pour aller vivre ailleurs. Sans noircir Mathieu Kérékou, je voudrais rendre hommage à beaucoup d’autres Béninois qui ont souffert du régime Mathieu Kérékou, surtout les Béninois qui se déclaraient membres du Parti communiste du Dahomey (Pcd) devenu Parti communiste du Bénin (Pcb). Ils ont fortement souffert dans leur chair. Ils en ont même souffert au plan moral. Je voudrais dire que le Général Mathieu Kérékou était simplement responsable, mais il n’était pas coupable. Quand j’ai eu l’occasion de le rencontrer, je lui ai raconté une histoire dont il était très ému.

Quelle histoire ?
Je lui ai dit que quand je suis rentré au pays le 6 décembre 1980 après les études supérieures en tant que jeune chirurgien, je ne comprenais pas qu’un seul individu puisse ainsi faire peur à tout le monde. Je le lui ai dit face à face. Je lui ai même dit que je le considérais comme un ‘’Egoun-Egoun’’ qui me gênait pendant que je suis revenu dans mon pays pour y vivre en paix. Je suis quand même resté parce qu’il fallait que je reste. Ensuite, je me suis demandé si c’est vraiment cet homme qui dirigeait le pays. C’était le 4 septembre 1989 où le ‘’grand camarade de lutte’’ comme il aimait qu’on l’appelle, reçoit les responsables syndicaux des trois ordres syndicaux au Palais de la République. J’étais à l’époque, le Secrétaire général adjoint du syndicat de l’enseignement supérieur. Quand nos responsables présentaient nos doléances, il a demandé aux responsables des bureaux politiques qui étaient là, s’ils connaissaient ses hôtes de ce jour-là. Aucun d’entre eux ne pouvait répondre. Il leur a demandé s’ils ont entendu ce que disaient les responsables syndicaux. Tous ces responsables politiques, je ne vais pas citer leurs noms, ils avaient la tête baissée ce jour-là. C’est pour vous dire qu’on a gardé Kérékou dans un tour d’ivoire. Les gens lui disaient ce qu’ils voulaient. J’en conclus que les gens l’ont trompé sur toute la ligne. Néanmoins, il faut reconnaître qu’il est responsable de tout ce qu’il y a eu comme violence contre le Pcb à l’époque, mais je crois qu’il n’est pas coupable.

Et les 10 ans du Général Mathieu Kékékou au pouvoir à l’ère du renouveau démocratique. Vous en dites quoi ?
Pour les 10 ans passés au pouvoir par le Général Mathieu Kérékou à l’ère du renouveau démocratique, je dirai que les cadres politiciens n’ont pas aidé l’homme. Moi, j’étais d’un parti politique qui était vraiment engagé.

Quel parti politique ?
Le parti Notre Cause Commune (Ncc). Dans ce parti, il y avait une vitalité dans la réflexion avec de grandes idées de développement. On s’est retrouvé autour de Mathieu Kérékou avec d’autres partis politiques pour le porter au pouvoir. Mais très vite, les responsables de ces partis là n’ont pas voulu donner au Chef de l’Etat, les idées fortes de leurs formations politiques pour le développement. Tout ceci a beaucoup nui au président Mathieu Kérékou. Je ne citerai pas ces partis. Mais, je dirai tout simplement qu’au niveau du Ncc, je continue de croire, parce que j’ai encore les documents, que si l’on avait appliqué le quart des actions que ce parti proposait, le Général Mathieu Kérékou aurait effectué un passage brillant au pouvoir entre 1996 et 2006. Les intérêts égoïstes des uns et des autres ont tout foutu en l’air. Je peux même vous donner un exemple. Sous le Général Mathieu Kérékou, l’idée d’acheter des motos aux instituteurs qui sont dans des zones déshéritées émanait de moi en tant que ministre de l’éducation nationale. Et j’ai pu trouver, grâce au ministre des finances de l’époque, les moyens pour acheter 400 motos hommes pour les instituteurs et 200 motos dames pour les institutrices. Nous avons commencé à les distribuer aux enseignants quand des membres d’un parti politique dont je préfère taire le nom, s’en sont ouvertement pris à moi pour dire que le ministre Jijoho Padonou veut transformer tous les instituteurs en conducteurs de taxi-motos communément appelés ‘’Zémidjan’’. Heureusement, le Conseil des ministres n’a pas pris position. Deux semaines plus tard, ce sont ces mêmes personnes qui m’ont appelé pour dire que je ne peux pas faire ça sans les avoir associées.

Est-ce que c’est le même problème qui se pose aujourd’hui, puisque d’aucuns pensent que le Chef de l’Etat est entouré de ‘’demi-dieux’’ ? Pendant que certains cherchent à se rapprocher de lui pour l’aider à mieux développer ce pays, d’autres leur mettent les bâtons dans les roues pour les en empêcher.
Effectivement, le même problème se pose. Il faut simplement prier. Il y a des choses à faire pour que ça change.

Après le Général Mathieu Kérékou, il y a eu le président Yayi Boni qui est d’ailleurs en fin de mandat. Que retenez-vous de sa gestion ?
Je crois que le président Boni Yayi a fait ce qu’il peut. Ce que je retiens de positif, c’est le fait qu’on ait créé cinq nouvelles universités au Bénin. Ça donne au moins la marque qu’on veut promouvoir le savoir. Je dirai que donner le savoir aux gens tel que c’est fait là, c’est de la théorie de l’épandage du savoir. C’est une théorie qui veut que toute communauté de 500.000 habitants puisse avoir son école primaire, son école secondaire et son université pour que les fils de cette communauté là puissent réfléchir à leurs problèmes et les régler. Je prends ça comme un très grand point positif du régime du président Boni Yayi. Je ne vous cache pas que ce point positif reste le fait du Professeur François Adébayo Abiola, Vice-premier Ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Je n’ai pas d’autres éléments à me mettre sous la dent par rapport à l’aspect positif. Quant à l’aspect négatif, il y a eu des choses graves qui se sont passées sous ce régime et qui posent le problème de la sincérité de nos politiciens. Le tout premier problème, c’est le scandale Icc-Services et consorts. Je ne comprends pas aujourd’hui qu’on n’ait pas vu le fond de ce dossier. Un pays sérieux ne peut pas accepter que des individus viennent ponctionner sur la population 153 milliards de Fcfa et qu’on n’ait pas trouvé les responsables. C’est le minimum selon le rapport de la commission d’enquête de la Banque Mondiale. Ça pose d’énormes problèmes, surtout que les gestionnaires de ces structures de placement d’argent qui ont grugé la population ont fait des libéralités aux forces de l’ordre. Le deuxième problème sous ce régime, c’est l’affaire Cen-Sad. Le troisième problème, c’est la gestion de la filière coton. Je ne veux pas rentrer dans les disputes entre le Chef de l’Etat et son ami que vous connaissez. Ce sont des amis. S’ils se disputent aujourd’hui, nous allons en souffrir et c’est tout. Je ne sais pas si le Bénin a une fois produit du coton à hauteur des prévisions du gouvernement sous le régime du président Boni Yayi. On a même eu à déplacer du coton du Bénin pour aller égrener au Togo. Quatrièmement, il y a eu des disparitions humaines non élucidées. Moi, je suis un Chrétien et j’estime qu’on ne peut pas ne pas éclairer ces disparitions. C’est un passé assez lourd qu’il faut gérer. Il faut que le Bénin avance, et cela commence par un peu de transparence dans la gestion du pays. Depuis toujours, je dois le dire et ça me fait très mal, les concours de recrutement organisés par le ministère de la fonction publique sont toujours des concours à polémique. Il faut aussi le dire, ces Ministres depuis longtemps viennent toujours d’une même partie de notre pays à savoir le septentrion, sauf quelques rares fois où ils viennent du Sud du pays. Ne pas le dire, c’est se voiler la face. J’ai été Ministre pendant deux ans et demi, je ne me suis jamais mêlé du Baccalauréat, du Cep ni du Bepc. Ce sont des dossiers qui pèsent lourd et qui divisent le pays. Voilà des dossiers que le prochain régime va devoir gérer.

Revenons un peu à l’enseignement supérieur au Bénin. Le Bénin a désormais plusieurs universités grâce au régime du président Boni Yayi, et Porto-Novo a même eu la chance d’en bénéficier. Qu’est ce que cela représente pour vous ?
Excusez-moi de vous reprendre un peu. Vous dites que Porto-Novo a eu la chance de bénéficier d’une université. J’en suis surpris ! Nous avons une association de cadres et d’intellectuels appelée Task Force qui se bat pour le développement des départements de l’Ouémé et du Plateau. Nous avons rencontré le Chef de l’Etat, le président Boni Yayi le 24 juillet 2014 avec comme point essentiel, le fait que la Capitale de la République du Bénin, Porto-Novo est la seule Capitale au monde à ne pas avoir une université. Nous avons dit au Chef de l’Etat que cette ville et au-delà d’elle, la région Ouémé/Plateau a été pénalisée par tous les politiciens qui se sont succédé au pouvoir depuis 1960. A la suite de cette rencontre, le 17 avril 2015, le Chef de l’Etat a pris un décret portant création de l’Université de Porto-Novo. Nous lui en sommes reconnaissants. Le Chef de l’Etat a réparé une injustice historique.

Vous parlez d’une injustice historique. Est-ce parce que la première université du Bénin devrait être érigée à Porto-Novo ?
Ça brûle le ventre. J’étais étudiant en 3ème année de médecine en 1968. Les Canadiens ont étudié avec d’autres structures, la possibilité de créer l’Université de Porto-Novo. Je me rappelle que c’est l’institution Onusienne, l’Unesco qui a été désignée pour conduire cette université. Imaginez-vous l’Université de Porto-Novo animée par l’Unesco. Il restait quelques jours pour que le président Emile Derlin Zinsou pose la première pierre quand un coup d’Etat survint. C’est d’ailleurs en ça que je remercie le président Kérékou et ceux qui ont mis fin aux porteurs d’armes fantaisistes. L’autre chose est que cette université devrait être bilingue. Au Centre polytechnique universitaire d’Abomey-Calavi, au moment où j’étais ministre, j’ai retrouvé des tables offertes par le Canada et sur lesquelles était marquée ‘’Université de Porto-Novo’’. A l’époque, on nous a dit que le leader politique de la région, le président Sourou Migan Apithy, aurait acheté plusieurs parcelles autour du site de l’Université. Aujourd’hui, nous savons que c’est faux. C’était simplement un jeu politicien pour sortir l’université de là et pour empêcher la région de bénéficier d’un pôle de développement.

Vous êtes Coordonnateur de la faculté à caractère spécial de formation médicale de l’Université de Porto-Novo. Parlez-nous un peu de cette faculté ?
Ceux qui ont conçu le projet de la faculté ont recommandé qu’on commence par les années supérieures de médecine en descendant vers le bas ; ce que nous appliquons. C’est déjà une bonne chose parce que les premières années de médecine ont besoin de laboratoires qui ne sont pas encore installés. Deuxième élément par rapport à cette faculté de médecine, c’est qu’elle est comme les autres facultés de médecine à savoir celle de Cotonou et celle de Parakou. Le troisième élément, celui là même sur lequel nous voulons faire la différence, c’est que nous souhaitons qu’elle soit bilingue. Si elle est bilingue, nous serons fortement accompagnés par les pays qui nous entourent et même sur le plan international. Les premières thèses qui ont eu lieu le 20 décembre 2014 ont été rédigées puis présentées en Anglais et en Français au point où nous avons invité 7 Professeurs dont 3 du Ghana, 2 du Nigeria et 1 de la Côte d’Ivoire qui est bilingue et puis un Sierra Léonais qui sont venus pour juger nos étudiants. C’est la première expérience en Afrique Francophone où les étudiants ont fait des thèses dans les deux langues.

Nous sommes à la veille de l’élection présidentielle de 2016. Quel est selon vous, le profil du président idéal pour le Bénin après Boni Yayi ?
La Constitution dit que chacun est libre de briguer la magistrature suprême. Il suffit qu’il en remplisse les conditions. Je préfère dire ce que j’attends de celui que je soutiendrai pour l’élection présidentielle de 2016. Le premier point de développement, c’est l’agriculture. J’entends par agriculture, le développement du secteur rural. C’est du milieu rural que sortent toutes les richesses, et si le prochain président de la République s’attache à l’agriculture, il va réussir son mandat. Le président sortant a reçu de moi une lettre en avril 2006 lui parlant de l’agriculture. J’ai un ami qui est son parent et qui est installé en Europe et qui m’a écrit pour me demander d’écrire quelque chose pour son cousin pour l’aider. Ma lettre n’a parlé que de l’agriculture. Il n’y a pas de développement sans un appui énorme à l’agriculture. Par exemple, prenez la région du département du Plateau, ceux qui viennent acheter la plupart des produits agricoles de cette région sont des Nigérians. Imaginez-vous qu’on produise plus dans tout le Bénin. Regardez aussi notre système d’élevage, les provendes et autres intrants viennent de l’extérieur du pays. Or, on dit qu’un peuple ne peut se dire émergent que quand il commence par nourrir ses animaux. Cela veut dire qu’il faut d’abord qu’un pays nourrisse ses hommes avant de nourrir ses animaux. Un président qui veut vraiment développer l’agriculture, je serai derrière lui. Après l’agriculture, il faut donner à manger aux gens et les éduquer. On aura des savants.

Que pensez-vous des hommes d’affaires qui se sont jetés dans la course à la Marina ?
C’est leur droit le plus absolu. Seulement, j’ai quelques craintes. Ils sont avant tout des hommes d’affaires. Quelle est leur capacité à faire la différence entre les intérêts du peuple et les intérêts de leurs entreprises ? Un exemple simple : pour les grands dossiers de l’Etat, des gens viennent en promettant faire des choses pour le pays. Quand c’est un bon projet, je crois que c’est d’abord le Chef de l’Etat qui est au courant. Si ce Chef d’Etat a une entreprise qui peut exercer dans le projet, quelle sera son attitude ? Va-t-il laisser d’autres Béninois soumissionner ou va-t-il saisir l’opportunité à son propre compte ? Voilà la grande inquiétude que j’ai par rapport aux hommes d’affaires.

Il n’y a pas que les hommes d’affaires qui inquiètent. Il y a aussi les hommes politiques et précisément les grandes formations politiques parce qu’ils n’arrivent toujours pas à se décider par rapport à l’élection présidentielle de 2016, alors que nous sommes à pratiquement 4 mois du premier tour du scrutin. D’aucuns pensent que la classe politique a échoué. Etes-vous de cet avis ?
Absolument ! Je fais partie de ceux qui ont dirigé les affaires de ce pays. Nous avons échoué parce que nous n’avons pas apporté au peuple, les réponses et les solutions à ces problèmes. La plupart du temps, ce sont ces hommes d’affaires dont nous parlons tantôt qui financent les partis politiques.

Votre mot de la fin
Il faut prier pour ce pays et beaucoup travailler. Travailler positivement pour que les mentalités changent et pour que celui qui va arriver au pouvoir en 2016 se dise qu’il y a des nécessités pour son pays.
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN
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