Une semaine après sa suspension, le procès devant connaître de l’affaire Dangnivo s’est ouvert à nouveau hier à la cour d’appel de Cotonou. Pendant que les accusés au prétoire se débattent pour prouver leur innocence en faisant des déballages sur des personnalités, les avocats eux, de leur côté, s’échinent à dénicher de nouvelles irrégularités.
La session spéciale sur le dossier d’assassinat d’Urbain Dangnivo, un cadre du Ministère des finances porté disparu courant août 2010, a repris hier de plus belle avec des déclarations bouleversantes. Durant les 8 heures environs qu’a duré les assisses de la journée, la Cour d’Appel de Cotonou a été assiégée presque par une foule impressionnante dominée par les maillots jaunes. Au dehors comme dans la salle d’audience, le public avait l’air concentré. Des questions, on s’en posait sans cesse, sans pour autant trouver des réponses évidentes et l’on finit par rester sur ses hypothèses. « Qu’aura-t-il de nouveau. Je ne crois pas que toutes les pièces demandées la dernière fois soient réunies. Il aura un nouveau blocus », déclare un monsieur, qui a l’air d’être le meneur du débat sur le pavillon. Un autre chuchote à l’oreille de son voisin, avant de sortir quelques instants après de la salle : « Ce colis n’est pas prêt pour être déballer avant 2016. Qui est con ? Moi je vais pas perdre mon temps ». Contrairement à ces derniers, les accusés ont l’air totalement détendus, souriants et s’échangeaient quelques mots. Il semble se dire, « il faut qu’on en finisse ». Peu après 9 heures 30, la Cour présidée par Félix Dossa, président de la Cour d’appel de Cotonou, fait le point des témoins, installe les jurés, puis commence une journée de révélations. Quelques quarts d’heures de céans auront suffi pour déjouer les supputations recueillies peu avant le début du procès.
« Une affaire de théâtre », selon Alofa
Codjo Alofa, né en 1985 à Djakotomey est apparu à la barre, dans une allure plus ou moins pressée. En langue fon, il répond aux questions d’usages du Président Dossa, puis retient le souffle de la salle pour un instant, à travers une déclaration tant attendue par le public depuis cinq ans : « Cette affaire est une affaire de théâtre. Si je savais que ce sera ainsi, je n’accepterai pas ». Il commençait ainsi un récit qui aura duré presque deux heures. L’accusé remonte à la date du 16 août 2010 pour expliquer comment sa tentative de vol montée avec ses amis Ibo Paulo et Isidore Akon a échoué pour qu’il soit poursuivit par les populations de Godomey. Un homme dont l’identité est déclinée en « un commissaire de Police » intervint et l’éconduit. Il s’agit de Darius Lèkossa, en fonction à Akpkapa et qui aurait pris le soin de lui prendre son téléphone portable. Ce détail lui paraissait important. De Godomey, ils se seraient retrouvés à Akpakpa, puis au Hall des arts et dans un immeuble aux encablures de la pharmacie Camp Guézo (un bureau qui serait rattaché à la présidence), avant de revenir au Commissariat de Godomey, quelques jours après. Il lui aurait été demandé sous menaces d’accepter de coopération et de s’attribuer le meurtre du fonctionnaire du ministère des finances très recherché. Toute la pièce du « Théâtre » lui aurait donc été expliquée afin qu’il le redise à qui veut l’entendre, le Chef d’Etat major d’alors, le Général Sèmengan et le Ministre de la Justice Grégoire Akofodji. Entre temps, on lui aurait montré l’emplacement où le supposé corps du Sieur Dangnivo a été enterré, derrière sa chambre. Il cite à maintes reprises le Commissaire Alédji, qui l’aurait menacé de « l’abattre, de le jeter en mer avec la tête attachée à une pierre », s’il ne coopérait pas. Il y a une précision à laquelle il tient au passage : « il a dit que ce qu’il n’a pas pu faire à Amani et qu’on a dit qu’il a fait, qu’il le fera à deux ans de sa retraite ». Alofa a donc fini par coopérer contre la promesse d’une sortie de prison et une somme de 45 millions Fcfa. Cependant, l’accusé avait déjà accepté les accusations qu’on lui attribuait, au cours d’une audience du 05 octobre 2010. A Me Brice Houssou, qui cherchait à comprendre ce revirement, il expliqua qu’à la présente audience, il a « compris qu’il y a de gens nouveaux, qui certainement ne peuvent pas tous être de mèche avec ceux qui le téléguidaient ». Donc, il est plus rassuré.
Une évasion préparée ?
Alofa est également revenu à l’occasion sur les conditions de son évasion discrète de la prison de haute sécurité de Akpro-Missrété. Selon l’accusé, des gens étaient venus le chercher tôt pour soi-disant le ramener au parquet. Il ne comprenait presque rien. « D’habitude, pour aller au parquet, on nous informait d’avance » a-t-il déclaré. C’est après qu’on lui aurait expliqué en chemin qu’il s’agit une initiative de ceux qui lui avaient promis de le faire sortir de prison. Il devrait alors choisir une destination autre que le Bénin. Il fut descendu à Illacondji, pour une aventure incertaine au Togo, avec la somme de 50.000F
Un flou sur la date d’arrestation de Alofa
Au cours de l’audience, l’accusé tient à la date du 16 août 2010, comme date à laquelle il a commis sa tentation de vol de moto. Mais selon les pièces détenues par le ministère public, Gilles Sodonon, il serait plutôt arrêté le 23 août 2010. Une « erreur » qui a conduit à une confusion générale pour une bonne trentaine de minutes. Me Théodore Zinflou, avocat de la défense et son confrère de la société civile, Me Joseph Djogbénou insiste pour avoir la main courante établie avec les empreintes du sieur Alofa à son arrestation. Le président Félix Dossa a donc instruit le Commissariat de Godomey pour remettre à la Cour, la précieuse pièce en question. Elle devra permettre de comprendre pourquoi arrêté le 16, il n’a été présenté que le 1er au parquet. De même, il est attendu davantage de précisions sur les enregistrements des appels qui seraient reçues par Alofa de Dangnivo souligné par Gilles Sodonon, mais réfuté par l’accusé qui fait comprendre que son téléphone était utilisé par le « Commissaire qui l’avait amené à Akpakpa ».
Donatien Amoussou plonge d’anciens ministres
« Dona », le présumé complice n’a pas seulement nié les accusations formulées contre lui. Son intervention a fait ressortir deux éléments importants : l’implication du Colonel Koumasségbé, alors Directeur du Cabinet militaire au moment des faits et l’intrusion de deux anciens ministres de la République. Il aurait surtout été téléguidé par Sévérin Koumasségbo, qui entre autres, lui aurait demandé de déposer un « portable Zékédé » à Océan Fm à St Michel, comptant sur sa « confiance » et sa capacité à pouvoir garder le « secret ». Celui qui aura réclamé au début de son intervention au Président Dossa de « l’écouter avec patience » a pris tout son temps pour donner des explications sur des affaires de tentation de vol d’argent à la Saga, comment il a été molesté à la messe des officiers, après avoir fait échouer la présumée tentative du commandant Enock Laourou, directeur des Services de Liaison et de la Documentation (DSLD), qui voulait l’assassiner. Dona dit avoir reçu des mains de Bernard Lani Davo, ancien ministre de Boni Yayi qui serait venu lui donner 20.000F, puis 80.000F le lendemain et 200.000 F plus tard. Ceci devrait permettre à ce qu’il collabore. Il y a aussi l’ancien ministre de Kérékou, Théophile N’Da, qui a été cité pour avoir fait de même avec la somme de 250.000F. Ces différents mis en cause pourront être également écoutés dans ce dossier qui devient avec le temps plus large et plus profond, au point d’agiter l’opinion nationale. Le médecin témoin de l’exhumation du « corps de Dangnivo » et le médecin légiste ont également comparu, sans donner la certitude qu’il s’agit du corps de Dangnivo. La journée d’aujourd’hui apportera d’autres éléments nouveaux, avec la comparution d’autres témoins.
Fulbert ADJIMEHOSSOU (Coll.)