(Le pasteur remercie feu président Mathieu Kérékou, pour avoir été le seul à le décorer)
Les candidatures incertaines, à quatre mois de la présidentielle, inquiètent le pasteur Michel Alokpo, chargé de mission du ministre de l’Intérieur, qui interroge la classe politique. Mais en même temps, il déduit que 2016 ouvre le chantier d’une transition politique où l’ancienne classe passera le témoin à la nouvelle génération. Une phase, pense-t-il, déjà enclenchée, en 2006 par le peuple, qui va l’entériner au terme des résultats de 2016.
Nouvelle Expression : Nous sommes à quelques mois de la présidentielle et les stratégies sont en train d’être peaufinées dans les états majors. De votre côté, vous parlez de renouvellement de la classe politique. Que doit-on comprendre ?
Pasteur Michel Alokpo : Avant de répondre à votre question, permettez-moi de faire cette petite introduction. En 2006, avec l’avènement de Thomas Boni Yayi, président de la République, nous avons opté pour le principe du changement, puis après, pour celui de la refondation. Ces options nous ont permis de composer avec la nouvelle et l’ancienne classes politiques. Malheureusement, très tôt, la vieille classe politique s’est accaparée du terrain au lieu de passer le témoin à la nouvelle. Cette situation a un peu compliqué la tâche au président de la République. Mais, présentement, nous observons qu’il a repris les choses en mains en offrant l’opportunité à des jeunes d’être élus conseillers ou députés ou de devenir ministres.
Ce mot introductif pour réaffirmer qu’il faut un renouvellement de la classe politique et nous profitons pour exhorter le peuple à comprendre que, tant qu’on ne procèdera pas à cette recomposition, il y aura toujours à redire sur la gestion du pouvoir au Bénin. Nous ne prônons pas ici la disparition de l’ancienne classe politique mais l’invitons à réellement passer le témoin à la nouvelle. A s’armer de volonté pour la coacher afin que notre pays poursuive son décollage sur les plans social, économique et politique.
Car, le danger, c’est ce que tout le monde observe et que nous avons souligné beaucoup plus haut. Pas de consensus entre l’ancienne et la nouvelle classes politiques à telle enseigne que l’appareil étatique se trouve paralysé. C’est pourquoi, nous annonçons ici que 2016 doit servir de tremplin pour préparer la relève.
Voyez-vous 2016 comme une période politique transitoire au Bénin ?
Vivons l’ambiance au sein des états majors des partis politiques. D’une part, l’unité autour d’une candidature est problématique. D’autre part, entre deux potentiels candidats, l’ancienne et la nouvelle générations politiques se rivalisent. Cet état des lieux au sein des formations politiques nous prépare inexorablement à une transition entre l’ancienne et la nouvelle classes politiques en 2016.
Sur cette même lancée, il se trouve que le peuple est également dans cette dynamique. La preuve, déjà en 2006, il a déjoué tous les pronostics pour porter son choix sur la pierre rejetée par les bâtisseurs. Il ne lâchera pas en 2016 afin d’obtenir la transition enclenchée 10 ans plus tôt.
En outre, les chocs internes, comme les crises économico-sociales dues aux mentalités du nivellement par le bas développées dans l’arène par la vieille classe politique pour remettre en cause les réformes courageuses engagées, imposeront cette transition qui passera par la cohabitation pacifique entre l’ancienne et la nouvelle classes politiques.
Evidemment, sans une volonté politique, cette transition peut connaître quelques couacs. Et pour ne pas en arriver là, le prochain président de la République doit être un homme de consensus.
Vous suggérez un président de consensus, mais c’est le peuple qui fait son choix. Vous venez de l’apostropher dans vos propos. Que voulez-vous lui dire exactement ?
Il me plaît d’emprunter votre canal pour interpeller la conscience populaire au regard de la présidentielle qui s’annonce, a priori, difficile. En effet, si nous faisons un mauvais choix ou un choix ethnique, notre démocratie reculera de 10 ans et tous ses acquis seront remis en cause. Nous exhortons donc le peuple béninois à demeurer mûr pour réitérer la révolution de 2006.
Qu’il vous souvienne qu’il y avait des tentatives d’exclure le candidat Thomas Boni Yayi de la course. Mais, le peuple, aux aguets, était monté au créneau pour protester et exprimer sa volonté en portant son choix sur Thomas Boni Yayi.
Nous espérons que cette maturité ne nous fera pas défaut en 2016 pour voir porter à la tête du pays, un homme de consensus, qui a l’amour du prochain et de la patrie. Un homme qui priorise l’intérêt général et qui va aider le pays à sortir de la pauvreté ainsi que de la corruption. Par ailleurs, nous ne voulons pas d’une rupture brusque avec les balises posées par le régime actuel. Nous espérons donc une continuité dans la gestion du pouvoir.
Le pasteur Michel Alokpo semble, déjà, avoir son candidat !
J’aime ma patrie, mais je n’ai pas de conviction pour un candidat. J’ai simplement 15 critères à travers lesquels j’apprécierai, au temps opportun, le prochain président de la République.
1) Il faut qu’il soit un homme qui a la crainte de Dieu et possédant les vertus d’humilité et de pardon ;
2) Il faut qu’il ait des qualités d’un homme d’Etat ayant plusieurs années d’expériences en politique à même de gérer les contradictions ;
3) Il faut qu’il soit un homme qui incarne l’unité nationale et qui a déjà fait ses preuves en la matière ;
4) Il faut qu’il ait une audience internationale afin de favoriser l’implantation des investisseurs ;
5) Il faut qu’il s’engage à conduire une nouvelle transition en vue de la refondation des institutions de la République et de la classe politique ;
6) Il faut qu’il incarne les valeurs d’un vrai bâtisseur à l’instar de Néhémie dans la Bible et qu’il soit prêt à se sacrifier pour sa nation ;
7) Il faut qu’il s’engage à préparer une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques compatibles à l’éthique et à la morale ;
8) Il faut qu’il soit capable de gérer la situation des grèves perlées et d’asseoir un climat de paix sociale dans le pays ;
9) Il faut qu’il s’engage à honorer les anciens présidents de la République et à recourir à leurs conseils ;
10) Il faut qu’il s’engage à poursuivre les réformes entreprises par son prédécesseur avec le soutien du peuple et de la classe politique ;
11) Il faut qu’il s’engage à respecter les institutions de la République ainsi que la Constitution ;
12) Il faut qu’il présente un projet de société qui prendra en compte la question de la pauvreté, du chômage des jeunes, du panier de la ménagère, etc.;
13) Il faut qu’il donne la preuve d’avoir été un bon leader et avoir fait preuve d’une bonne gouvernance tant dans le secteur privé que public ;
14) Il faut qu’il s’engage à ne pas acheter la conscience des Béninois (surtout par le pouvoir de l’argent) ;
15) Il faut qu’il s’engage à ne pas balayer d’un revers de la main la vieille classe politique mais qu’il accepte de lui accorder une place dans son écurie.
Sommes-nous en face d’un prétendant à un quelconque poste de conseiller du nouveau président de la République ?
J’ai l’honneur d’avoir été conseiller depuis 2006 et j’essaie de jouer mon rôle tant bien que mal. En ce qui me concerne, je me suis engagé à promouvoir les valeurs éthiques. Actuellement, avec un parterre de personnalités, une dizaine, nous sommes en train d’écrire un livre sur « L’Ethique, espoir pour l’Afrique ». Dès publication, vous lirez plusieurs articles provenant de la société civile et de la classe politique.
Ceci, pour vous dire que nous voulons contribuer à changer la mentalité des hommes politiques. Car, sans cela, nous ne parviendrons pas à une nouvelle conscience. Il faut une véritable réforme de la classe politique accompagnée de la promotion des valeurs éthiques et morales. Ainsi, notre démocratie demeurera forte et crédible sur la scène internationale.
Propos recueillis par Vadim QUIRIN
Encadré
Michel Alokpo remercie feu président Mathieu Kérékou, pour avoir été le seul à le décorer
Que retenez-vous de la vie du président Mathieu Kérékou ?
Mathieu Kérékou était un homme que j’ai connu pour avoir épousé une Wama. A un moment donné, j’ai eu l’honneur d’avoir été proche de lui. Kérékou était un homme d’humilité qui l’a prouvé. Du passage de la révolution à la démocratie, il était resté un homme brave et d’Etat qui avait su déjouer les plans de la classe politique d’alors. Il avait accepté de cohabiter avec un premier ministre qui lui ravit la vedette et il avait accepté de rester dans l’ombre pendant 5 ans. C’était au cours de cette retraite politique qu’il avait rencontré Dieu qui a fini par l’étonner. Dieu a fait de lui, le premier président démocratiquement élu de notre pays, qui a exercé deux mandats successifs. Nous devons à Kérékou, et ce, jusqu’à l’intérieur de sa tombe, l’avènement de la démocratie en Afrique. Car, il était le père de la démocratie sur le continent.
Kérékou était un homme qui savait écouter les signes de son peuple et qui avait fait sa volonté. Il était un homme de paix qui ne dictait pas ses lois et qui savait déléguer son pouvoir au point de ne pas s’y accrocher. Mathieu Kérékou était un homme très sage.
Je lui souhaite le bonheur dans l’au-delà et que la terre lui soit légère. Le Bénin va toujours regretter cet homme et je prie afin que les prochains présidents de la République puisent dans son expérience pour bâtir cette nation.
Qu’est-ce que Mathieu Kérékou vous avait fait d’inoubliable ?
(Soupir puis un moment de silence) En 2000, j’ai lancé un projet de recensement de toutes les églises et confessions religieuses du pays. J’ai été reçu par Mathieu Kérékou qui nous avait apporté son soutien technique et financier. Après, j’ai été approché par Kérékou lors de la venue dans notre pays du bateau hôpital Anastasis. C’est grâce à Kérékou que ce bateau a effectué deux séjours successifs au Bénin et un accord de facilitation d’accostage a été signé par le chef de l’Etat actuel. Il faut noter qu’en 2001, ce groupe a été décoré et j’ai été aussi décoré par le président Mathieu Kérékou. Je crois que c’est ce qu’il a fait de plus pour moi. Car, depuis que nous avons poursuivi nos œuvres sociales, personne (ton grave et insistant) d’autre n’a pensé nous décorer. Pourtant, depuis près d’une décennie, des bateaux continuent d’accoster sur nos côtes, soit pour apporter de la littérature, soit pour aider sur le plan sanitaire. Mieux, je suis en communion avec une organisation internationale chrétienne qui ne cesse d’apporter des kits scolaires à nos enfants. Mais aucune reconnaissance d’Etat, à l’exception de celle du président Kérékou. Je le lui dois donc, cette décoration.
Kérékou était un homme de cœur qui savait apprécier la qualité des leaders. C’était simplement, un homme social. Je le remercie infiniment.
C’est vrai que mon épouse est Wama comme lui, mais ce n’était pas la famille qui nous avait rapprochés. C’était en partie la religion. Il avait gardé la foi, il était un bon chrétien, que la terre lui soit légère.
Propos recueillis par V.Q.