Il manque des pièces maîtresses pour reconstituer le puzzle Dangnivo. Et il n’est pas exclu une remise en cause de la procédure, après cinq ans, si la Cour présidée par Félix Dossa en décidait ainsi ce jour. En effet, le procès d’hier a pris fin sur des exigences formulées par la partie civile et la défense. Il s’agit du renvoi des assises pour défaut d’acte de décès et la libération de Codjo Alofa et de Donatien Amoussou, présumés auteurs de l’assassinat de Dangnivo. Ainsi donc, à l’origine des demandes formulées par la défense et la partie civile, il y a l’absence d’acte de décès dans le dossier, une pièce primordiale sans laquelle le procès ne pourrait continuer. Aussi, d’autres observations relatives aux insuffisances liées au dossier ont été soulignées par la défense et la partie civile, pendant une vingtaine de minutes, pour convaincre le président Félix Dossa de donner suite à cette demande.
Du coup, la plaidoirie a pris une allure émouvante. Quelques larmes ont été arrachées à l’occasion à des proches des accusés. Des observations, on note la nécessité d’un acte juridique prouvant le décès de Dangnivo, l’absence de liens entre le cadavre retrouvé et les accusés, l’abandon de l’hypothèse que Dangnivo serait encore en vie, l’isolement de Ibo Paulo et de « Préso » de la procédure etc. « A l’entame de la procédure, il n’y a pas eu de certificat de décès et pourtant, nos clients sont jugés pour assassinat, un acte qui n’existe pas juridiquement. Il faut qu’on nous dise qui est mort. », conditionne Me Gnansounou. Son confrère Me Zinflou met en doute la date du 27 août évoquée par Lucien Dègbo, comme date de décès du Sieur Pierre Urbain Dangnivo.
La partie civile s’en mêle et fait part de ses analyses. « Nous pensons que Dangnivo est bien en vie et ne saurait être tué par un acte juridique. Nous, la famille, voulons la justice. La lumière n’est pas ici », a déclaré Me Djogbénou, avocat de la partie civile. Son confrère, Me Brice Houssou ajoute : « le dossier n’est pas en état et n’est donc pas prêt pour un jugement ». Ces récriminations n’ont pas été du goût du Ministère public représenté par Gilles Sodonou : « nous ne sommes plus à cette étape de la procédure. C’est une question préjudicielle, une question administrative ». Il va loin et rappelle que la défense aurait pu insister sur le fait au début et que la partie civile n’avait pas voulu se prêter à la contre expertise en ce qui concerne le test d’Adn pour l’identification du cadavre. Il cite les articles 320 et 474 du code de procédure pénale pour s’opposer aux exigences. Me Djogbénou, Me Gnansounou et Me Zinflou reviennent à la charge en se focalisant sur le code de procédure pénale et le code de la famille.
Les Ministres Davo et N’Da écoutés
Toujours pour plus de lumière sur cette affaire qui défraie la chronique, Donatien Amoussou avait dit le mardi dernier que l’ancien Ministre Bernard Lani Davo, serait venu en prison lui donner 20.000F, puis 80.000F le lendemain et 200.000 F plus tard, afin de favoriser sa collaboration. Le Ministre ne se reconnaît pas dans ces déclarations et dit avoir entre-temps été commis pour une « mission » humanitaire dans cette prison. Dona insiste qu’il serait venu de la part de la « haute autorité », trois fois. L’autre Ministre cité, Théophile N’da a également été écouté. Ce dernier nie avoir donné 250.000F à Donatien. Théophile N’da serait allé rendre plutôt visite au Procureur Constant Amoussou dans cette prison. Il s’enflamme presque : « Quelle est cette histoire, je ne le connais pas », a-t-il déclaré.
Laourou et Koumasségbo, moins bavards
Les hommes en uniforme eux, sont connus pour leur sens aigu de discrétion. Enock Laourou et Sévérin Koumassegbo ne font pas exception à la règle. Présent à la barre, le Commandant Laourou justifie son intervention dans le temps par une alerte qu’il a reçue lui faisait cas d’un soulèvement au Camp. Sur les lieux, il a compris que c’était une tentative d’évasion de Donatien Amoussou qui s’échappait. Les avocats s’étonnent de ce que celui qui l’aurait appelé sur les lieux n’ait pas pu faire la différence entre évasion et soulèvement. Il ne reconnaît pas avoir molesté le présumé complice et l’avoir mis dans la malle-arrière de sa voiture pour la compagnie. Aussi, le Commandant Enock Laourou dit n’être pas intervenu à la frontière d’Hillacondji pour ramener Alofa à la prison en tant qu’officier de police judiciaire. Quant au Colonel Koumasségbo, chef service sécurité du Président de la République au moment des faits, il a raconté comment il a pris connaissance du portable de Dangnivo, les démarches menées personnellement et pourquoi il agissait en toute discrétion. « En matière de sécurité Vip, il n’y a pas d’hiérarchie. On fait tout seul. Il n’y a pas de compte rendu, c’est le résultat qui compte », s’est il justifié, rassurant de sa bonne foi. Le Commissaire Seidou Houdé est également passé à la barre et a souligné qu’il n’avait pour mission que de faire la lumière sur cette affaire. Le nom du Camerounais Préso est revenu sans cesse dans les témoignages, ainsi que celui du Ibo Paulo, par qui tout a commencé. Il est attendu ce jour une décision de la Cour pour donner suite aux différentes observations et demandes formulées par la Partie civile et la défense.
Fulbert ADJIMEHOSSOU (Coll.)