(La partie civile demande le renvoi du procès)
Les personnalités citées dans l’affaire Pierre Urbain Dangnivo se succèdent devant la Cour d’assises de Cotonou. Mais leurs réactions ne se ressemblent point. L’ancien ministre, Bernard Lani Davo a, lui, confirmé en partie le jeudi 12 novembre 2015 les propos tenus par l’un des accusés, Donatien Amoussou contre sa personne.
L’ancien ministre Bernard Lani Davo a bel et bien remis de l’argent à Donatien Amoussou poursuivi pour complicité d’assassinat dans l’affaire Dangnivo. Hier au palais de justice de Cotonou, il a avoué avoir été contacté par un membre de la garde républicaine pour remettre 200 mille F Cfa au détenu Donatien Amoussou ; un détenu qui luttait contre un mal à la prison de Missérété. Mais contrairement aux propos de Donatien Amoussou, il a affirmé l’avoir rencontré qu’une seule fois. Bernard Lani Davo a par ailleurs reconnu lui avoir remis 50 mille F Cfa au lieu des 200 mille que Donatien Amoussou a déclaré avoir pris. L’ancien ministre Davo était le dernier témoin écouté par la Cour d’assises présidée par le juge Félix Dossa avant la pose de 13 heures.
A la reprise, c’est l’ancien ministre de l’Intérieur, Théophile N’Dah qui a comparu. Il a réagi aux propos de Donatien Amoussou qui déclarait mardi dernier avoir bénéficié de son soutien. « Je ne connais rien de ce dossier. Je suis à la retraite depuis janvier 2003. Et les faits remontent à 2010» a déclaré Théophile N’Dah. A l’entendre, il était à la prison civile de Porto-Novo pour rendre visite à un vieil ami, l’ancien Procureur général près la Cour d’appel de Cotonou, Constant Amoussou. Mais les gardes pénitentiaires se sont trompés de personne, selon lui, et lui ont présenté Donatien Amoussou. « Faux », a répondu Donatien Amoussou ce jeudi. « Il a rencontré le Procureur général Amoussou avant de me voir. Il m’a donné 250 000 F Cfa. Et il m’a dit : c’est le palais qui m’a envoyé. J’ai appris que tu es malade». Mais l’ancien ministre N’Dah restera catégorique : « Je ne le connaissais pas. Je ne l’ai jamais vu. C’est quoi cette histoire?».
L’espion en chef de la Marina écouté
Le directeur des services de liaison et de la documentation (Dsld) de la présidence de la République a été aussi auditionné. Ce jeudi, le Commandant Enoch Laourou a souligné qu’il a pris le contrôle des services de renseignement en 2012 alors que la disparition de Pierre Urbain a été constatée en 2010. A l’entendre, son rôle dans cette affaire était moins important que ce que les rumeurs ont voulu faire croire. Les avocats de la défense et ceux de la partie civile ont mis l’espion en chef, Laourou à l’épreuve, mais il n’a pu livrer de détails croustillants. Le Colonel Sévérin Koumasségbo s’est étendu en ce qui le concerne longuement sur l’affaire. Celui-là même qui était à l’époque chef/sécurité de la présidence de la République, a précisé, avoir été approché au début de cette affaire par l’ancien Directeur général de l’Ortb, Pierre Akpaki pour écouter Priso Evouna. C’est un Camerounais qui avait des informations sur l’ancien cadre du ministère des Finances disparu. Priso Evouna, un ami de Donatien Amoussou lui apprit qu’il avait pu obtenir le téléphone de Dangnivo et un livret de bord appartenant à l’une de ses femmes auprès d’un Ibo, un expatrié. Le Camerounais lui avait déclaré, à en croire son récit, qu’il avait déposé le téléphone «Zékédé» à la guérite d’Océan Fm. Un téléphone que récupérera le Colonel Koumasségbo lui-même. Il a mené des investigations pour s’assurer de l’origine du téléphone. Et pour finir, il a dû conduire Priso Evouna et Donatien Amoussou à la compagnie de brigade de gendarmerie de Cotonou. Répondant aux questions des avocats ce jeudi, le colonel Koumasségbo, à l’élocution assez rapide que ses auditions, a confié qu’il n’a jamais informé le Chef de l’Etat de cette affaire, mais qu’un jour en partance pour Parakou, celui-ci lui a offert de l’argent afin qu’il poursuive ses investigations. Un détail plutôt intéressant qui n’a pas échappé aux avocats de la partie civile. L’ancien Chef/ sécurité de la présidence de la République soulignera qu’il a conduit seul, ses enquêtes. Il a lavé de tout soupçon l’ancien Directeur de cabinet militaire du Chef de l’Etat, le Général Robert Gbian « qui n’était informé de rien».
L’acte de décès toujours recherché
Après les confrontations entre témoins et accusés, les avocats ont fait plusieurs observations. La défense et la partie civile ont décelé des anomalies dans la conduite du dossier. Selon eux, ces anomalies portent sur des éléments essentiels. Me Magloire Yansunnu, de la défense, a soutenu comme son confrère Me Théodore Zinflou que le certificat de décès de Pierre Urbain Dangnivo n’existe pas. Pour lui, la preuve de la mort du sieur Dangnivo n’est pas établie et elle reste une question fondamentale qu’il faut résoudre. Et en attendant, a-t-il poursuivi, il faudra bien libérer les deux accusés. Du côté de la partie civile, Me Joseph Djogbénou et son équipe affichent presque la même position. Me Nicolin Assogba soutiendra que rien ne prouve actuellement que Pierre Urbain Dangnivo est décédé. A l’écouter, pour établir aujourd’hui la mort juridique du disparu, il faut saisir une juridiction civile conformément à la loi. « L’instruction a été parcellaire. Le dossier n’est pas prêt», a-t-il clamé sans ambages. Me Joseph Djogbénou se montrera incisif : « Dangnivo n’est pas encore mort. Ne le tuez pas en poursuivant ce procès et en rendant une décision». Pour lui, il y a lieu simplement de renvoyer le procès. Des demandes que n’a guère appréciées le Procureur général près la Cour d’appel de Cotonou. Gilles Sodonon a en effet soutenu que toute la lumière n’a pu être faite sur le cadavre déterré à Womey le 27 septembre 2010 à cause de la non-collaboration de la famille Dangnivo. En conséquence, il a demandé à la Cour de rejeter les prétentions des avocats de la défense et ceux de la partie civile. La Cour se prononce sur les observations ce jour.
Allégresse SASSE