Si le gouvernement tient à la paix sociale, le rejet de son projet de révision de la Constitution par la commission des lois doit lui servir de levier pour reprendre la main. Mais, comme je le pressens, il n’en fera rien.
Le rejet de la commission des lois ne signifie pas forcément que la plénière n’examinera pas le projet gouvernemental. Pour le moment, le bureau du parlement peut toujours présenter le projet devant les parlementaires. Ne serait-ce que sur la forme, la majorité des députés va certainement voter pour l’étude du projet. Cette alternative éloigne encore plus la perspective d’un consensus autour de la révision de la loi fondamentale.
Il ne faut pas attendre, en effet, que le Chef de l’Etat renonce aussi facilement à son projet. Il n’est pas homme à abandonner un combat pour lequel il s’est investi aussi profondément depuis des années. Dernier signe en date, le changement de stratégie suite au remaniement ministériel. Tout le monde a vu comment, aux lendemains du 11 août, en plus des meetings et autres marches, le gouvernement a misé sur une autre forme de communication autour de son projet. Il s’agit de l’intervention des rencontres directes du Chef de l’Etat avec les têtes couronnées et d’autres groupes ciblés, au palais de la République. Rencontres largement relayées sur la chaine nationale, diffusées et rediffusées sur plusieurs heures. Tout le monde a vu également, comment des brochures ont été confectionnées et distribuées dans toutes les administrations et les chancelleries. Et tout le monde a vu comment les diplomates et autres corps consulaires accrédités au Bénin ont été spécialement sensibilisés sur le projet, lors d’une séance d’échanges organisée à cet effet.
Tous ces éléments permettent de comprendre que le gouvernement n’abdiquera pas. Que précisément, il mettra en branle son engagement pour que le projet aboutisse. Seulement, voilà. Ce premier grand couac parlementaire, le second en réalité après le retrait forcé du projet, est une alerte (supplémentaire). Il montre que même certaines têtes de pont de la mouvance présidentielle ne sont pas favorables au projet en son état actuel. Il suffit de constater que l’irrecevabilité a été votée bien que la commission des lois soit composée d’une majorité de députés FCBE. Ce premier sort réservé à ce projet cher au Chef de l’Etat marque le début de ses déboires à l’Assemblée nationale.
Ce que ce premier vote révèle, c’est qu’il y a des députés FCBE ou assimilés qui ne sont pas pour le projet. Ils ne l’expriment pas publiquement. Ce qui est encore plus dangereux. Beaucoup d’entre eux ne confient leur rejet que loin des médias. Et ce silence éloquent est comme une réaction insidieuse émergeant des échos reçus de leurs bases par rapport au projet. Elle est aussi une forme de résistance face à la communication tapageuse opérée par le gouvernement sur le sujet. Et dans ces conditions, le silence parle encore plus fort que les paroles elles-mêmes.
Le PRD et l’UN qui cherchaient une occasion pour montrer leurs muscles, n’ont trouvé dans cette première manœuvre que du pain béni. Ils crient déjà victoire.
Cependant, le gouvernement aura toute latitude de revenir à la charge. La question est alors celle-ci : est-ce vraiment le destin d’une loi qui doit être adoptée au 4/5 ? Si tant de parlementaires tapis dans l’ombre et ne s’expriment que maintenant, il faut se demander combien sont encore dans leurs coquilles, en attendant la minute du vote pour se faire entendre. Il faut surtout se demander si ce n’est pas comme un mauvais avertissement pour la suite du processus. Et si finalement, la règle du consensus tel que recherché actuellement ne devrait pas l’être autrement.
Lorsqu’une opération cafouille à ce point, il n’y a d’autre alternative que celle du réalisme. Choisir de voir les choses en face, c’est-à-dire telles qu’elles sont, est alors la force la plus puissante qui permet d’avancer.
Bien entendu, si nous retenons que peu de citoyens s’opposent à la révision comme outil de correction des imperfections de notre loi fondamentale et de promotion de nouvelles valeurs républicaines, très peu sont favorables à une révision vécue comme une camisole de force. C’est ce que veulent les Béninois : au-delà des marches pré ou post-payées…