L’ancien ministre de l’économie et des finances du général Mathieu Kérékou, Abdoulaye Bio Tchané ramène l’affaire Icc-Services au cœur du débat politique. Alors que la plupart des présidentiables font exprès d’occulter le sujet, le président de l’alliance ABT promet de faire de l’indemnisation des spoliés, une de ses priorités s’il est élu président de la République en 2016. Son annonce a déclenché une vague de réactions sur les réseaux sociaux et dans la presse. Pourtant, à y voir de près, cette proposition a le mérite de poser le débat. La question ICC Services doit être traitée par tous les candidats qui se respectent et chacun doit dire comment il compte traiter le plus gros scandale financier en Afrique. ABT a dit pourquoi il comptait indemniser les spoliés et son approche vise à rétablir la confiance entre le peuple et ses gouvernants. L’affaire ICC services, c’est un sérieux sujet qui a éprouvé durement le peuple béninois. L’évaporation de 150 milliards de francs Cfa d’épargnes des victimes, qui ont cru en la fiabilité d’une structure proche du pouvoir central, est une question que tout présidentiable, soucieux de l’intérêt des populations et de la réduction de la pauvreté doit pouvoir aborder sans langue de bois. Chaque prétendant au pouvoir suprême a le devoir de s’exprimer là-dessus et dire clairement ce qu’il compte faire face à la responsabilité de l’Etat dans ce dossier. Car, ce n’est pas parce que le pouvoir actuel a failli à sa promesse de remboursement des spoliés de ce scandale qu’aucun autre gouvernement ne peut le faire. Le président Abdoulaye Bio Tchané, homme de parole et d’action, est le premier potentiel candidat à faire de l’indemnisation des spoliés de ICC, une priorité, dès son accession au pouvoir en 2016. Mais des critiques se font jour depuis que l’ancien directeur Afrique du FMI a ressuscité le dossier Icc, et annoncé l’indemnisation des victimes de ce scandale. Les détracteurs de ABT qui savent pertinemment que l’homme est capable de mettre en œuvre cette décision, s’emploient vainement et souvent par calcul politicien à discréditer une proposition pourtant salutaire, nécessaire pour la restauration de la confiance au sein de l’Etat. A défaut de propositions concrètes de leur part, ses challengers cherchent plutôt, par voie de presse et sur les réseaux sociaux, à faire croire à l’opinion publique qu’une telle mesure n’est pas réalisable et étalent ainsi leur incapacité à apporter des solutions aux problèmes des Béninois. En cette veille de la présidentielle au Benin, la plupart des potentiels candidats et leurs états-majors focalisent leur attention sur la critique de la gestion du pays ces dix dernières années par Boni Yayi. Une fuite en avant pour cacher leur responsabilité dans un régime qu’ils ont pour la plupart contribué à mettre en place en 2006 et à reconduire cinq ans plus tard. Seul Abdoulaye Bio Tchané, économiste hors pair, le candidat arrivé troisième en 2011, pousse le débat politique au-delà de cette simple critique en prenant le risque de faire des propositions concrètes à ses concitoyens. Le remède ABT pour indemniser les 150 milliards de francs Cfa? Beaucoup de Béninois se posent la question sans vraiment trouver une réponse qui n’asphyxie pas l’économie nationale, essentiellement fiscale. Pour Abdoulaye Bio Tchané, spécialisé dans les questions de finances et d’économie, l’équation n’est pas si difficile à résoudre. Dans les détails, il propose un payement échelonné sur cinq ans. Ce qui équivaut à 30 milliards de francs de Cfa par an, qui ne représente que 2% du budget national. Mieux, le spécialiste des questions de développement compte assainir la gestion des entreprises publiques en les rendant plus performantes, plus productives, plus rentables. Les dizaines de milliards de subventions accordées chaque année à ces sociétés d’Etat par le Gouvernement seront ainsi économisées. Le chantier, pour ABT, à ce niveau est de rentabiliser les entreprises publiques à travers une gestion rationnelle. En gros, sans que l’Etat ne ressente le coup, les spoliés de l’affaire ICC-Services seront indemnisés et l’Etat de droit s’en trouvera renforcé. Une proposition crédible La démarche de l’ancien directeur Afrique du Fonds Monétaire International est celle d’un dirigeant responsable, soucieux de donner du crédit à l’Etat. Et dans cette veine, ABT a un passé qui plaide en sa faveur. En 1998, à sa prise de service comme ministre de l’économie et des finances, il a jugé anormal que l’Etat ne paye pas ses dettes intérieures et extérieures. Ce qu’il a réussi à faire au bout d’un an en apurant les arriérés de salaires des fonctionnaires et des retraités, en payant les dettes aux fournisseurs de l’Etat. Il y a donc toutes les raisons de le croire quand il prend le ferme engagement d’indemniser les spoliés de Icc-Services. L’homme l’a déjà prouvé à plusieurs reprises: il ne promet que ce qu’il peut faire et fait toujours ce qu’il promet. La nouvelle confiance L’éclatement de l’affaire ICC-Services a entamé durablement la confiance que le peuple béninois a en ses dirigeants. La promesse non-tenue de Boni Yayi de rembourser les spoliés a fini de les convaincre que les promesses de campagne n’engagent que ceux qui y croient. Et depuis, une crise profonde s’est installée entre l’Etat et les administrés; avec pour conséquence que ces derniers sont désormais incrédules à toutes les annonces du premier. Un climat de méfiance qui entame durablement le pacte social. C’est pour restaurer cette confiance perdue que Abdoulaye Bio Tchané a décidé d’indemniser les spoliés et d’assurer le rôle protecteur de l’Etat. Car des milliers de Béninois ont cru en cette structure de collecte de fonds sur la base de la proximité que ces responsables avaient avec de grandes autorités de la République de l’époque. Cette même confiance est indispensable pour convaincre les investisseurs nationaux et internationaux à participer aux grands projets de développement du pouvoir central. En 2011, l’ancien président de la BOAD a dénoncé la responsabilité de l’Etat dans ce dossier. Il n’a pas changé d’avis, des années après. Il propose donc ses solutions pour la réparation du dommage causé au peuple béninois, par la faute de l’Etat, en indemnisant les victimes. Le débat est lancé et désormais au lieu de dire ce n’est pas faisable, chacun des candidats doit désormais dire ce qu’il propose pour enrichir le débat. Dans tous les cas, les populations attendent et souhaitent savoir. Alors messieurs les candidats que comptez vous faire au sujet de l’affaire ICC Services ?
Wandji A.