Les Cheminots sont heureux, la justice pleure. Ce tableau clair-obscur est celui déduit des déclarations faites par le chef de l’Etat, Boni Yayi au cours de sa visite la semaine dernière aux cheminots. Ceci, après la décision de la Cour d’Appel de Cotonou qui condamne le Groupe Bolloré à cesser ses travaux dans le secteur des rails au Bénin sous peine d’astreinte comminatoire. En effet, le président Yayi, premier magistrat, garant du respect des décisions de justice, et au mépris des règles de droit, et du principe de la séparation des pouvoirs ne s’est pas, à l’occasion, gêné pour prendre fait et cause pour le Groupe Bolloré. « Nous allons poursuivre la modernité de nos rails avec l’assistance technique de notre partenaire. Ces rails seront modernisés dans l’intérêt supérieur de nos Etats… ». Tout est dit. Le chef de l’Etat n’entend pas se conformer à la décision de la Cour d’appel de Cotonou.
Bien au contraire
Pourtant, il n’a pas hésité à marteler devant les cheminots tout hilares : « Je crois en la justice de mon pays. Je crois aux institutions de mon pays… ». Déshabiller Pierre pour habiller Paul. Se faire défenseur des causes sociales pour infantiliser la justice. Le verre est à moitié vide ou à moitié plein. Car, s’il est vrai que le social est d’une importance capitale et que le président Boni Yayi se doit d’œuvrer au bien-être de ses compatriotes, il est aussi inadmissible que des erreurs stratégiques et de droit aient été autant empilées dans l’accord liant le Bénin et le groupe Petrolin en ce qui concerne le projet Boucle ferroviaire.
Chasser le naturel…
C’est dire que si toutes les dispositions juridiques avaient été prises quand il le fallait, le « ne vous laissez pas aller à la fatalité… » lancé aux travailleurs de l’Ocbn n’aurait aujourd’hui, aucune raison d’être. De même, l’odieuse résistance de l’Exécutif notée devant cette dernière décision de justice relative au dossier boucle ferroviaire et du coup, l’image d’un Exécutif récidiviste dans la remise en cause des jugements qui ne l’arrangent pas auraient pu être évitées. Sinon, à moins de vouloir, une fois encore, empêcher la justice de faire son travail et d’aller à un inutile bras de fer avec les magistrats, l’Exécutif doit plutôt privilégier le chemin de la raison qui n’est autre que celui du respect du droit et de la négociation.
Sauf qu’après les déclarations faites devant les cheminots, ce serait un miracle que le président Yayi fasse profil bas et évite une fois encore, d’engager son pays dans une aventure à haut risque. Déjà, dans de précédents dossiers similaires comme celui du Pvi avec Patrice Talon, du paiement des détaxes à Cajaf-Comon de Sébastien Ajavon…le Bénin a, tant au plan national que régional, perdu devant la justice et s’est refusé de se plier devant l’évidence. Le ver est donc dans le fruit. Tout le temps, sur des désaccords avec ses partenaires en affaires, le Bénin a toujours joué au médecin après la mort. Et, pour ne pas « envoyer le peuple béninois dans le chaos », comme il l’a servi aux cheminots, le président Yayi et son gouvernement feraient bien d’éviter de continuer à prendre de gros risques.
Angelo DOSSOUMOU