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L’intégralité de l’entretien du Premier Ministre Lionel Zinsou sur BBC Afrique.
Publié le samedi 5 decembre 2015  |  Autre presse
Lionel
© aCotonou.com par DR
Lionel Zinsou, premier ministre chargé du développement




Le premier ministre du Bénin, Lionel Zinsou, était mardi à Londres où il a participé au Global African Investment Summit. De passage dans les studios de BBC Afrique dans la capitale britannique, il s’est entretenu avec Mamadou Moussa Ba. Mamadou Moussa Ba : Monsieur le Premier ministre, bonjour. Vous avez un projet phare pour votre pays, « Lumière Pour Tous », autrement dit l’énergie électrique pour tous. Concrètement, comment cela va-t-il se traduire dans le quotidien de vos compatriotes ? Lionel Zinsou : (…) Cela va permettre aux populations d’être en confiance : avec les constructions centrales mais qui vont s’étager sur cinq ans, il y aura la faculté de brancher des machines, des télévisions… des choses qui, bien évidemment, consomment plus d’électricité. Le programme est en cours. Mais c’est un bénéfice immédiat. On compte le faire en six mois pour 100%. À ce moment-là, nous serions le seul pays en Afrique – mais nous voudrions être rejoints par absolument tous – qui serait sorti de l’obscurité. Cela ne veut pas dire que nous disposerons de toute l’énergie nécessaire pour le développement économique, mais c’est quand même une étape qui correspond à une demande sociale extrêmement forte. Pendant l’expérimentation – car nous sommes en phase opérationnelle d’expérimentation, de test -, j’y vais pour comprendre ce qu’on est en train de faire, les limites et les intérêts. Dans toutes les familles, les gens me disent « c’est un bénéfice immédiat, c’est un miracle! Désormais il n’y a plus de concurrence entre la mère de famille qui fait la cuisine et ses enfants sous la lampe le soir ». Mamadou Moussa Ba :Vous avez été nommé conseiller spécial du président Yayi Boni en 2006. Qu’est ce qui justifie, pour parler de politique, votre rapprochement entre vous et l’actuel président ? Lionel Zinsou : Lorsque le président était candidat, c’est une idée qu’il a formé trois ans avant le moment où il a été élu en 2006, ma famille et moi avions pris une position qui lui était favorable. Dès l’élection de 2006, sa première élection, nous avions été proches car nous pensions que son expérience de banquier de développement était pertinente. Il n’appartenait pas, à l’époque, au système politique et nous pensions que c’était au fond une expérience nouvelle dans la classe politique béninoise. C’est ainsi que nous l’avons soutenu depuis plus de dix ans. Mamadou Moussa Ba : Une personnalité politique, Rosine Soglo pour ne pas la nommer, vous a littéralement traité d’étranger. Êtes-vous vraiment accepté dans votre pays ? Êtes-vous surpris surtout par la violence verbale à votre endroit ? Lionel Zinsou : Vous savez, ma famille est quand même un peu politique, puisque mon oncle a été président du Dahomey il y a une quarantaine d’années. J’ai donc été formé dès mon enfance à la brutalité des attaques politiques. S’agissant en particulier du commentaire de Madame Rosine Soglo, qui est très respectée comme personnalité politique, qui est d’ailleurs une de mes parentes et qui a dit : « Je ne vous connais pas. Vous êtes blanc. Il n’est plus temps que les Blancs gouvernent les Béninois. » Quand je regarde les réactions sur les réseaux sociaux, je pense que ça a été beaucoup rejeté. Car la diaspora du Bénin, c’est plus de trois millions de personnes : nous avons 10 millions d’habitants et nous avons trois millions de Béninois, à l’extérieur du territoire, qui soutiennent énormément leurs familles et leurs communautés. Il y a donc en réalité une très grande ouverture du pays à sa diaspora. Cette idée d’exclure les métisses a en réalité beaucoup choqué. Je pense que c’était un geste politique et que Madame Soglo préférait un autre type d’alliance politique, qu’une alliance qui rapprocherait précisément son parti du parti du président. C’est quelque chose qui, quelques jours après, est apparu comme une vraie hypothèse dans le cadre de ces élections. Mamadou Moussa Ba :Vous aviez dit sur une radio française que la Fran ç afrique était plus un mythe qu’autre chose. Mais quand vous voyez les compagnies françaises contrôler, dans des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, les principaux secteurs de l’économie, n’êtes-vous pas à contre-courant de la situation ? Regardez-vous la situation avec des œillères ? Lionel Zinsou : Je suis à contre-courant des préjugés. La première banque dans notre pays est marocaine. La première entreprise dans notre pays est MTN, qui est sud-africaine. Le premier partenaire de l’échange du Bénin s’appelle la Chine. Le deuxième partenaire de l’échange import-export du Bénin s’appelle l’Inde. Donc je crains que ce soit un arrêt sur image. On décrit un Bénin des années 1960, peut-être jusqu’aux années 1970. D’ailleurs, cela vaut pour toute l’Afrique. Prenez les parts de marché relatives de la France, aujourd’hui elle n’est pas plus en domination que la Grande Bretagne dans les pays anglophones. Il faut regarder le monde pour ce qu’il est : la Chine existe, l’Inde existe, la Turquie, la Corée du Sud ou encore le Brésil sont devenus des partenaires considérables. Prenez simplement le système financier : vous avez les banques du Maroc, celles du Nigeria ou bien celles de l’Afrique du Sud. Les banques françaises en zone franc ne sont mêmes plus les premières banques, ce sont les banques marocaines. Il y a un arrêt sur image, les préjugés semblent durer 20 ans de plus que les réalités économiques. Quand des Français se plaignent de la Françafrique, de ses réseaux politiques, des associations mafieuses, je pense qu’ils ne se sont pas aperçus que la France avait perdu tellement de terrain relatif. Et quand se sont des Africains qui se plaignent de la Franç afrique, encore une fois à cause des connexions politiques, et qu’ils pensent qu’ils sont encore dominés par la France, moi je leur dis : « Regardez les chiffres ». Là, je vous ai cité des puissances étrangères et les pays émergents. La croissance de l’Afrique est émergente de façon complètement endogène, et ce qui est important dans notre pays, ce sont les entreprises du Bénin. Ce qui est de plus en plus réel – il suffit d’ouvrir les yeux – c’est l’intégration africaine avec des marchés régionaux. Quand nous sommes voisins du Nigeria, il ne faut pas se demander si c’est la France qui domine. Il faut regarder les chiffres de base et il faut regarder combien l’intégration entre le Bénin et le Nigeria est puissante. C’est un simple arrêt sur image. C’est devenu une mythologie, mais une mythologie très vivante.
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