Anciens ministres, membres du gouvernement, chefs d’Etat, autorités politico-administratives et religieuses, présidentiables ou citoyens lambda, chacun y est allé pour saluer la mémoire du Caméléon. La cérémonie des hommages officiels rendus hier au Général Mathieu Kérékou au Stade de l’amitié, baptisé désormais en son nom, a été un test grandeur nature pour jauger du niveau de l’unité nationale, mise à rude épreuve ces dernières années. Heureusement, les Béninois n’ont pas démenti l’adage selon lequel le linge sale se lave en famille. Les hôtes de la Nation ont vu un peuple uni derrière un chef d’Etat qui aura marqué l’histoire de tout un continent.
C’est une évidence qu’aujourd’hui, aucun homme de la science ne peut enseigner ou parler des démocraties africaines sans évoquer le nom du Général Mathieu Kérékou et de son pays le Bénin. Tout un symbole que les Béninois ont valorisé à travers l’image offerte hier par la classe politique, en dépit des prises de position en cette période pré-électorale. Adrien Houngbédji, Nicéphore Dieudonné Soglo, Albert Tévoèdjrè, Amos Elègbè, Sébastien Ajavon, Christian Lagnidé, Mathurin Nago, Abdoulaye Bio Tchané, Pierre Osho, Issa Salifou, Gaston Zossou, Lazare Sèhouéto, Joseph Djogbénou, et bien d’autres ont effectué le déplacement du Stade de l’amitié. Même Patrice Talon, connu pour ses différends avec le pouvoir, a obtenu sa carte d’invitation pour les hommages officiels. C’est dire que Mathieu Kérékou est demeuré jusqu’à la tombe, le symbole de l’unité nationale. Tout comme à la conférence nationale de février 1990, les politiques, tous bords confondus, ont tu leurs différends devant la dépouille de l’homme du 26 octobre. Il reste qu’au-delà de l’image, chacun s’investisse à véritablement renforcer l’unité nationale. Et sur la question, les candidats à la présidentielle de 2016 sont les premiers interpellés, car Boni Yayi est pratiquement au terme de son second et dernier mandat constitutionnel. Le peuple n’attend de lui qu’il réunisse les conditions pour une bonne organisation du scrutin qui va consacrer l’alternance au pouvoir le 6 avril 2016. La question de l’unité nationale est d’autant plus préoccupante quand l’on s’en tient à la confession de Boni Yayi sur les confidences à lui faites par le Général à l’occasion de la passation de charges entre les deux chefs d’Etat. Et le message du Mgr Isidore de Souza à la conférence nationale est plus que jamais d’actualité en cette veille de la présidentielle de 2016 : ‘’qu’aucun bain de sang ne nous éclabousse et ne nous emporte dans ses flots’’. Pour donc continuer d’honorer la mémoire de ces deux hommes, Kérékou et de Souza, grands artisans de la conférence nationale, les politiques d’aujourd’hui et de demain doivent repenser la question de l’unité nationale. De son vivant Mathieu Kérékou avait d’ailleurs adressé cette exhortation à l’ensemble de la classe politique : « Vous pouvez vous insulter, vous traîner dans la boue, mais de grâce, ne réveillez pas les démons de la division ». Le moins qu’on puisse dire est qu’autour de sa dépouille, cet appel a été entendu.
Arnaud DOUMANHOUN