La présidentielle du 28 février prochain déchaîne déjà des passions. Les manœuvres sont orchestrées par différents camps politiques pour se mettre en pôle position. Dans cette perspective, on n’hésite pas à violer le code électoral. Tant du côté de candidats n’appartenant pas à la mouvance au pouvoir, que du côté de ce pouvoir lui-même. Les partisans du pouvoir, de manière ostentatoire, après l’annonce de leur candidat (FCBE), ont entrepris d’apposer des affiches et d’organiser des meetings pour, disent-ils, informer l’opinion. Autant de démarches qui violent le code électoral. Ce que dénonce l’opinion, notamment la Plateforme électorale des Organisations de la Société civile du Bénin.
La Plate-forme des Organisations de la Société civile, sous la conduite de Fatoumatou Batoko Zossou, constate dans une déclaration rendue publique mardi dernier, qu’«Alors que, en violation de l’article 62 de code électoral, les distributions et ports de tee-shirt et autres gadgets à l’effigie des potentiels candidats continuent d’être dénoncés par les organisations de la Société civile, ce sont des affiches géantes qui sont désormais posées dans les villes et campagnes de plusieurs de nos départements laissant croire que la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2016 a déjà démarré.» Aussi, la Plate-forme fait-elle observer qu’«Il s’agit d’une violation du code électoral en ses articles 53 et 54 du code électoral.
Campagne électorale précoce
Ceux-ci disposent en effet respectivement que : «La campagne électorale est déclarée ouverte par décision de la CENA. Sous réserve des dérogations prévues par la loi, elle dure 15 jours…», et que «Nul ne peut, par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit, faire campagne électorale en dehors de la période prévue à l'article précédent».
En clair, la Plate-forme dénonce la précocité de la campagne électorale. «Plus inquiétant, poursuit-elle, bon nombre de ces affiches qui apparaissent clairement comme une campagne électorale précoce sont déguisées sous la forme d’une communication gouvernementale, toutes choses contraires à l’article 63 du code électoral qui dispose que : ‘’L'utilisation des attributs, biens ou moyens de l’Etat, d’une personne morale publique, des institutions ou organismes publics aux mêmes fins [des fins de propagande pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote] est et reste interdite six (06) mois avant tout scrutin et jusqu'à son terme notamment ceux des sociétés, offices, projets d'Etat et d’institutions internationales, sous peine des sanctions prévues à l’article 144 alinéa 1erdu présent code.»
Pis, la Plateforme électorale des OSC du Bénin relève que «ces violations flagrantes des dispositions légales régissant le processus électoral viennent de concitoyens aspirant à gouverner au plus haut niveau du pays, alors qu’ils ne sont même pas déjà capables, à l’étape actuelle, de respecter les lois et de préserver l’autorité que doit incarner l’Etat en remettant ainsi en cause l’Etat de droit pour lequel nous nous battons au quotidien à divers niveaux. » C’est pourquoi, « Face à cette nouvelle menace sur l’Etat de droit au Bénin et pour prévenir toute récidive ou réplique quelconque, la Plateforme Electorale des Organisations de la Société Civile du Bénin dénonce et condamne, avec la dernière rigueur, l’érection de ces affiches qui bafouent et ridiculisent les dispositions de notre code électoral en faisant fi du respect de la période légale dédiée à la campagne électorale.» En conséquence, «elle invite les autorités gouvernementales et celles chargées de l’application des textes à prendre les dispositions nécessaires pour faire débarrasser, le plus tôt possible, les artères de nos villes, de nos campagnes et tous les lieux publics de ces affiches qui nous déshonorent, qui déshonorent notre démocratie et qui sont susceptibles de vicier le processus électoral de février 2016.» De même, «La Plate-forme électorale des OSC du Bénin appelle les citoyens à défendre l’Etat de droit chèrement acquis en dénonçant pareils faits de même que leurs auteurs et invite les institutions habilitées à rappeler à l’ordre, l’ensemble des acteurs sur la nécessité de respecter les textes dont s’est doté le Bénin.»
Dénonciation nécessaire
Il faut le rappeler, la période électorale peut se révéler propice à toutes sortes de fraudes et de manipulations. C’est la raison pour laquelle le législateur a institué divers mécanismes dans le code électoral, afin de sanctionner les dérives. Dans ce cadre, l’article 140 du code donne la possibilité aux électeurs de déférer devant la justice, les actes de violation du code électoral dont ils ont connaissance. Ledit article prévoit que «Tout citoyen électeur peut, à tout moment, saisir d’une plainte le procureur de la République. Ce dernier est tenu d’engager à l’encontre des auteurs des faits, les poursuites judiciaires suivant la procédure de flagrant délit.» Ceci suppose qu’il faut être inscrit sur la liste électorale et que le procureur n’a même pas l’opportunité de la poursuite. Il doit, dès qu’il est saisi, déclencher les poursuites et ce, en procédure de flagrance.
Dispositions légales pertinentes
Bien que nous ayons déjà consacré notre rubrique aux infractions inscrites au code électoral, à la veille des municipales, communales et locales, il convient de rappeler à l’opinion et aux acteurs, puisque nous sommes à nouveau à la veille d’un scrutin et que les dérives s’observent, les dispositions pertinentes du code electoral. Ainsi, aux termes de son article 62 : “Les pratiques publicitaires à caractère commercial, l’offre de tissus, de tee-shirts, de stylos, de porte-clefs, de calendriers et autres objets utilitaires à l’effigie des candidats ou symbole des partis ainsi que leur port et leur utilisation, les dons et libéralités ou les faveurs administratives faites à un individu, à une commune ou à une collectivité quelconque de citoyens à des fins de propagande pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote sont et restent interdits six (06) mois avant tout scrutin et jusqu’à son terme.” On en déduit qu’autant le distributeur de ces attributs de campagne, que le bénéficiaire qui les arbore, sont passibles de sanctions. De même, ne faut-il pas comprendre par ces dispositions qu’un ministre de la République, par exemple, qui se déclare candidat, sillonne le pays au motif de promouvoir un projet qui impacterait directement la vie des populations, viole le code électoral? D’ailleurs, l’article 63 du code precise: “L’utilisation des attributs, biens ou moyens de l’Etat, d’une personne morale publique, des institutions ou organismes publics aux mêmes fins est et reste interdite six (06) mois avant tout scrutin et jusqu’à son terme notamment ceux des sociétés, offices, projets d’Etat et d’institutions internationales, sous peine des sanctions prévues à l’article 144 alinéa 1er du présent code.
Ledit article 144 prévoit en son alinéa 1er que “Toute infraction aux dispositions des articles 59 alinéa 1er, 60, 61, 62, 63, 64 et 67 du présent code est punie d’une peine d’emprisonnement d’un (01) an à deux (02) ans et d’une amende de cinq cent mille (500.000) à un million (1 000 000) de francs.”
W.L.H.