Il est le premier responsable du groupe béninois de musique, Gangbé Brass Band, connu au plan mondial. Lui, c’est Athanase Dèhoumon, trompettiste de son état. L’homme a donné vie à son talent artistique dès son bas âge. Sa passion pour l’art étant plus forte que toutes autres convictions, Athanase s’est dévoué depuis plus d’une vingtaine d’années à la musique. Rencontré le mercredi 11 septembre dernier à Artisttik Africa, l’artiste s’est prononcé sur son art, sa vie et ses études.
Il est souvent ému lorsqu’il découvre dans une production, de l’originalité, quelque soit le domaine d’apparition de celle-ci. Athanase Dèhoumon est un homme élancé, au regard discret et à la voix féminisée. Distant dans ses comportements et animé d’un calme fascinant, il à l’air d’être fermé, mais à l’approcher, la réalité est autre selon nos constats. Très ouvert et accueillant, l’homme livre à tout venant, un sourire à peine voilé, signe de son apparente sympathie. S’imposer au cours d’une discussion entre amis n’est pas le fort d’Athanase. Pour l’avoir suivi dans un cas d’espèce avec ses amis du club de musique, nous en avons la certitude. Pour une décision prise à la volée au cours d’une séance de répétition et que les autres n’avaient pas pu digérer, l’homme a fait l’option de taire son autorité pour s’expliquer à la fin de la séance. Lorsqu’Athanase est invité à table, il aime prendre la pâte de maïs ou la cossette d’igname communément appelée pate noire, accompagnée d’une sauce légume avec du poisson et du, mais sans viande. Comme boisson préférée, l’artiste prend de l’eau minérale et à la rigueur, une sucrerie. « Au cours de mon jeune âge, j’ai abusé de l’alcool et du piment. Mais le poids de l’âge aidant, j’ai compris que ce n’était pas une bonne chose », a signifié l’artiste pour donner les raisons de sa rupture avec ces choses. Le rouge et le blanc sont ses couleurs de prédilection. Lorsqu’il arrive que le musicien soit embêté au plan psychologique, il préfère passer les faits ayant suscité le choc à la lumière d’une profonde analyse avant de réagir, si le besoin se fait sentir. « La colère n’emmène nulle part », a déclaré Athanase avant d’ajouter qu’il a pu acquérir cette qualité de tempérance beaucoup plus tard. « C’est la force des choses et le poids de l’âge qui nous obligent à beaucoup plus observer qu’à réagir. Il faut reconnaitre que j’ai été très turbulent dans mon enfance. En grandissant, tout ceci a disparu et les gens m’accusent même d’être trop calme, trop refroidi » a-t-il dit, en de reconnaissance de ces caprices d’antant. Chrétien céleste de confession religieuse, l’homme a appris à se construire à partir de ses échecs, selon ce qu’il nous a confié. « J’ai l’ouverture d’esprit et je cultive la tolérance dans tous les domaines ».
Dèhoumon et sa carrière
Parallèlement à sa formation académique et à sa fonction de secrétaire, Athanase faisait déjà naître son grain de talent en prenant part à des activités de groupes culturels tels que ‘’Les échos du jour’’, un groupe d’Abomey, l’orchestre de la radio et télévision nationale, ‘’les super Odivi’’, et autres. « Le jumelage a été tellement éprouvant, mais quand vous êtes passionné, vous ne mesurez plus le poids des choses, vous foncez tout simplement» a laissé entendre l’instrumentiste. C’est donc ces fréquentations qui ont servi de terreau, à la fois au germe des potentialités artistiques dont l’artiste fait montre aujourd’hui aussi bien sur la scène nationale qu’internationale avec son groupe Gangbé Brass Band. Avant d’être au stade où il est actuellement, Athanase s’est vu entrainé par des icônes de la musique béninoise, à l’image du Maestro, feu Gnonas Pedro, Sagbohan Danialou, El régo, pour ne citer que ces gloires. C’est dans ce parcours de combattant, que le trompettiste a rencontré Alfred de Berry Quenum. Là, pendant que les deux s’investissaient, à l’époque, à accompagner d’autres artistes, il leur était venue l’idée de mettre en place un groupe d’instrumentistes qu’ils vont dénommer plus tard ‘’Union des instrumentistes à vent du Bénin(UIVB). « Cette association fut mise sur pied et nous avons pu réunir plus d’une quarantaine de groupes de fanfares de Cotonou» a fait savoir l’artiste. Chemin faisant, l’effectif pléthorique a commencé par poser des obstacles. C’est là, selon Athanase, qu’il a été procédé à un filtrage. Ainsi, ceux qui voulaient faire carrière dans la musique se sont dégagés. C’est alors qu’ils ont fini par obtenir un groupe formé d’une dizaine de personnes dont trois percussionnistes et sept instrumentistes à vent. C’était la naissance du groupe Gangbé Brass Band dans les années 1994. Avant que ce nouveau groupe ne remplisse les formalités administratives d’enregistrement, au cours d’une séance de répétition qui se déroulait à Gbégamey, un quartier populeux de Cotonou, il lui a été présenté l’opportunité de prendre part à son tout premier festival en 1997. Sous la houlette donc de l’écrivain Camille Amouro, le groupe a participé, juste après sa création, au festival du théâtre des réalités de Bamako. « Ce voyage de Bamako m’a donné un déclic et m’a permis de voir les choses autrement. C’est ainsi que j’ai décidé de faire de ma passion un métier » martèle Dèhoumon. De ce point, l’artiste a senti le besoin d’aller à la perfection de son art. Le groupe a, ensuite, réédité son exploit de Bamako l’année qui a suivi, avant d’entreprendre la tournée qui a été organisée à son intention, au Canada, en Suisse puis en France. « Quand j’ai définitivement fait l’option d’aller à la musique, mon père n’avait pas pu supporter cela. Puisque j’étais à peu près autonome, je n’avais pratiquement pas d’ennuis» a confié Athanase en signe de l’une des difficultés affrontées au début de sa carrière. Parlant de concours et de trophée, l’artiste affirme que c’est avec le groupe Gangbé Brass Band qu’il a été lauréat au plan local. Au nombre des palmes déjà raflées, le Bénin Golden Awards (BGA) du meilleur groupe culturel de musique moderne d’inspiration traditionnelle, le Sica Awards du meilleur groupe de musique moderne de la sous région ouest africaine etc. Au plan international, le groupe a reçu une distinction avec son premier album ‘’Togbé’’ comme meilleur groupe musical de démarche contemporaine. Le 14 juillet dernier, en France au cours du défilé, le groupe a été reconnu par distinction comme étant le meilleur groupe de musique africain reconnu en Europe. A cette occasion le groupe a eu le privilège d’intervenir pendant cinq minutes dans le journal de 13 heures sur France2. Athanase a rappelé que le groupe Gangbé est une association qui a un bureau dont il est le vice président et premier responsable du groupe de musique Gangbé Brass Band.
Etude et vie privée
Originaire de Porto Novo, Athanase Dèhoumon a fait une partie de ses études primaires à Kandi. Les protocoles d’aventure de son obligeant, l’artiste a dû suivre son géniteur, qui aujourd’hui n’est plus, pour poursuivre ses études à Bamako au Mali. C’est là bas que l’artiste a passé avec succès son Certificat d’étude primaire, Cep. Et il est revenu obtenir le Brevet d’études du premier cycle (Bepc) et le Baccalauréat, série D, au pays. « Mon père étant un grand voyageur, j’ai dû le suivre pour aller faire mes cours secondaires à Bamako » a mentionné le trompettiste. De son retour au bercail, l’artiste a poursuivi sa formation en gestion d’administration. C’était au centre de perfectionnement des petites et moyennes entreprises. Après cette dernière formation qui lui a permis d’obtenir un diplôme en secrétariat de direction, Athanase a été recruté à l’Organisation commune Bénin/Niger (OCBN), où l’acteur culturel a officié en tant que secrétaire d’administration pendant une vingtaine d’années. Marié et père de quatre enfants, Athanase est issu d’une famille polygame.
