A une ère où l’on promeut fortement l’égalité des genres dans toutes les structures administratives, politiques et économiques, ainsi qu’une meilleure représentativité des femmes dans les sphères de décision, l’on note pourtant dans le rang des professionnels des médias une désertion criarde des femmes du domaine sportif. Ainsi, l’on ne dénombre actuellement trois femmes journalistes sportives au Bénin. Encore que l’une d’entre elles se consacre de plus en plus à la politique.
Pourquoi un si faible taux ? Mme Constance Meffon, Journaliste Reporter Sportive à Océan Fm et Directrice générale de Bénin Sports, nous donne son avis sur la question.
Depuis combien de temps êtes-vous journaliste sportive ?
J’ai commencé le journalisme sportif depuis 1992 à la Radio nationale (ORTB).
Pourquoi avez-vous voulu vous consacrer à cette rubrique ?
En réalité, je suis une sportive pratiquante de trois disciplines. Je suis prioritai-rement footballeuse, basketteuse et bouliste. De ce fait, en 1986, lorsque je fis mon entrée à la radio nationale en tant que stagiaire, j’ai commencé dans trois secteurs différents (animation en français et en langue nationale fon).
Puis en 1992, j’ai demandé à intervenir dans le Service des Sports, vu mon admiration pour les présentateurs de la sous-région et d’ailleurs. Il faut également avouer que la pratique de certaines disciplines a été aussi un véritable atout pour moi. C’est donc par vocation que j’ai choisi le journalisme sportif.
Avez-vous éventuellement rencontré des difficultés pour exercer le métier de journalisme dans une rubrique fortement masculinisée ?
Ah oui… (Rire). Des difficultés, il y en avait de tous ordres. Je me rappelle bien, comme si c’était hier, l’admiration de certains et la haine développée par des collègues qui ne voyaient pas d’un bon œil (heureusement qu’ils n’étaient pas nombreux) une femme qui échange avec eux sur le sport, qui sur le terrain fait comme eux et quelques fois même mieux que certains d’entre eux. Ma première retransmission fut dans les sports de mains. Georges AMLON, pour qui mon statut de femme importait peu, n’avait pas hésité à m’envoyer à la retransmission du volley et du basketball en week-end. Ainsi commença pour moi une nouvelle aventure en radio.
J’ai donc fini par embrasser et toucher ce qui constituait mon ambition dans la presse (exceller dans la presse sportive). Puis un jour, j’ai été envoyée sur une retransmission en direct d’un match de football au stade de l’amitié. Le collègue avec qui j’étais avait fait semblant de me lâcher au démarrage du match pensant que je ne pouvais pas assurer seule le direct. Il n’apparaîtra qu’à la deuxième mi-temps pour m’adresser ses félicitations. C’était un défi qu’il fallait relever. Pour un début, c’était excellent. Après, ce fut une amitié qui s’est progressivement dressée autour de moi, même avec les « ennemis ».
Naturellement, je n’ai pas pu éviter l’amère expérience de toutes les femmes qui se retrouvent dans un environnement fortement masculinisé. Chacun venait tenter sa chance avec un échec garanti. Cet effort, je l’ai réussi et cela me fait plaisir. Je ne voyais que le travail et la réussite de tout ce que j’entreprenais. Après la radio nationale, les difficultés rencontrées ont été pires.
Méchanceté et médisance de certains collègues qui n’étaient même pas de mon organe. Leur seul souci était que je disparaisse de ce secteur. Mon seul péché était d’avoir exercé ce métier avec passion et professionnalisme, de pouvoir les affronter dans le métier, positivement et professionnellement. J’ai vite compris que cela les gênait et que c’était difficile pour eux de supporter qu’une femme fasse mieux qu’eux sur un terrain ‘’d’hommes’’.
Cela aurait pu même me valoir depuis des années mon licenciement d’Océan Fm. Mais grâce à la clairvoyance d’un homme, Charles TOKO, que je salue, lui qui m’a recruté sur cette chaîne radiophonique depuis 2003 après mon départ de l’ORTB en 2002, je suis toujours là et je sais que je vais rebondir un jour, même si jusqu’à présent je continue de subir les assauts de certains responsables assoiffés du pouvoir du football. Ceux-ci répandent leur mauvaise foi et leur grande capacité de nuisance jusque dans ma vie privée et dans le métier qui m’apporte la joie de vivre et m’a permis ce rayonnement aux plans national et international. « Je prie sincèrement Dieu de les pardonner, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Ainsi, quand l’heure du bilan va sonner, ils feront parler leur cœur.
A l’heure actuelle, l’on ne dénombre que 3 femmes journalistes sportives au Bénin. De surcroît, l’une d’entre vous a quasiment délaissé cette discipline pour se consacrer à la politique. Que pensez-vous alors de ce taux si faible de femmes enregistrées dans cette rubrique ?
Je pense que c’est une mauvaise vision des amies qui embrassent le journalisme sportif et qui lâchent. Je les comprends, mais je ne les excuse pas, surtout celles qui, pour ma part, sont des sportives et qui ont les qualités intellectuelles nécessaires pour être d’excellentes journalistes reporters sportives.
A votre avis, pourquoi retrouve-t-on très peu de femmes des médias dans le domaine du sport ?
Il faut avouer qu’en général le journalisme professionnel au Bénin ne nourrit pas son homme, à moins de faire du journalisme « alimentaire » (raquetter sur les lieux de reportage, de sorte à ne vouloir quitter les lieux qu’avec des sous en poche), ce qui apparemment est difficile pour une femme. Mieux, le journaliste sportif n’est pas souvent sollicité pour les reportages comme dans les autres Desk.
Par ailleurs, le défaut de la pratique d’une discipline sportive chez certaines collègues constitue aussi un frein pour elles. Elles estiment qu’elles n’auront pas le jargon nécessaire pour s’aventurer sur ce terrain. Il y a tout de même quelques unes qui tentent, mais ne résistent pas pour diverses raisons (Incapacité à maîtriser le vocabulaire sportif, difficultés à supporter le regard des hommes sur les lieux de reportage, et surtout déçues du fait qu’il soit très difficile de joindre les deux bouts en exerçant cette discipline)…