Après plus d’un an de travail acharné, les parlementaires ont fini par adopter la proposition de loi portant création, organisation, attribution et fonctionnement des unités administratives en République du Bénin. Un travail salué par l’ensemble des députés bien que renfermant des insuffisances.
72 voix pour, une abstention et zéro contre. C’est par ce résultat que les députés de la sixième législature ont adopté vendredi dernier 15 février la loi portant création, organisation, attribution et fonctionnement des unités administratives et locales en République du Bénin. Une loi qui fixe, dorénavant, le nombre de villages et quartiers de villes au Bénin. Ainsi, de 3500 villages administratifs, le Bénin en compte aujourd’hui plus de 5300. Ce qui représente une augmentation de près de 2000 villages. Mais, il aura fallu plus de 150 millions de francs CFA dépensés, plusieurs mois, plusieurs semaines de travaux sur le terrain comme en commission avant d’aboutir à un tel résultat. Même si la loi ainsi votée renferme quelques insuffisances, les députés, dans leur ensemble, ont salué son adoption alors que leur collègue Candide Azannaï a vertement critiqué la méthode empruntée par l’Assemblée nationale pour la réalisation de ce travail. Toutefois, certains députés ont souhaité que les efforts se poursuivent en vue de l’améliorer. Aux nombres des insuffisances relevées figurent, en bonne place, les conflits suscités ou ravivés entre communes voisines au sujet de l’érection de certains hameaux ou agglomérations en villages ou quartiers de ville. C’est le cas des villages Toli et Djrohoué, sources de litiges entre les communes de Comè et Houéyogbé, Gossoé entre Dassa-Zoumè et Zangnanando et surtout Aholouko entre les communes sœurs d’Adjarra et Avrankou. Dans l’impossibilité de pouvoir trancher, évitant, ce faisant, de créer des foyers de tension à travers le pays, la plénière a décidé d’observer le statu quo par rapport à ces litiges et de recourir au gouvernement en vue de la délimitation des frontières entre les différentes communes protagonistes.
Explications de vote de quelques députés
Edmond Zinsou : député PRD
Cette loi sur les unités locales administratives nous a pris beaucoup de mois de durs labeurs. C’est le moment de féliciter tous les acteurs. Les députés, les personnels de l’Assemblée nationale, les cadres, personnes ressources venus d’ailleurs, tous ceux qui ont été sollicités pour travailler sur cette loi. Il faut octroyer une mention spéciale à la commission des lois sans occulter la témérité de sa présidente. C’est la délivrance finale et nous avons raison d’être heureux en voyant le nouveau né de cette étude. Seulement, M. le président, l’accouchement n’a pas été sans douleur pour bon nombre d’entre nous. Moi, je garderai encore pour longtemps quelques arrières goûts amers ; des pilules grossières qu’on m’a fait avaler. Certaines institutions de la république appelées à protéger les citoyens les briment sans ménagement. Je ne supporte pas que notre parlement recule au moment où il doit prendre ses responsabilités et jouer pleinement son rôle constitutionnel. Je ne conçois pas qu’en plein 21ème siècle que certains de nos collègues osent emprunter des méthodes d’une autre époque pour arracher clairement ce qui ne leur appartient pas. C’est bien le cas de Aholouko. C’est un exemple partant. Cela est malheureux. Mais, je le prends ; je prends mon mal en patience puisque j’ai décidé de voter la loi et je l’ai votée. M. le président, j’espère que dans un avenir proche, justice sera rendue aux populations paisibles de la commune d’Adjarra.
Eric Houndété : député Un
Je voudrais constater cependant une avancée significative qui a été faite. Mais je pense que le ‘’OUI’’ que j’ai exprimé pour cette loi est un ‘’oui’’ qui appelle de ma part quelques préoccupations et quelques interpellations. Monsieur le président, nous avons beaucoup de villages non pas dans un souci de fantaisie mais parce que je pense que les uns et les autres ont voulu donner droit aux populations qui en ont exprimé le besoin. J’attire notre attention sur les charges financières que cela impose à un certain nombre de communes. Et cela appelle ces communes à travailler, à mobiliser les ressources pour assurer le fonctionnement des unités villageoises. Monsieur le président, je sais aussi que dans nombre de localités, une envie d’autonomie s’est exprimée et que les effectifs, les distances et d’autres critères n’ont pas permis de réaliser cela. Je voudrais inviter nos compatriotes qui ne sont pas satisfaits à faire comme l’autre en prenant leur mal en patience. M. le président, l’étude de ce dossier nous a révélé quelques problèmes de délimitations, de frontières entre communes et même entre arrondissements au sein d’une même commune. Si nous ne comprenons pas notre responsabilité pour achever le travail commencé, nous resterons à mi-chemin et nous pourrions avoir d’autres problèmes qui seront plus importants. Pour finir, permettez-moi de me réjouir. Me réjouir, car au début de l’étude de ce dossier, mon sentiment était qu’on me conduisait à l’abattoir. La veille citoyenne des uns et des autres, notamment des députés a permis de mettre quelques bornes à certaines velléités. Je salue la présidente de la commission des lois.
KolawoléIdji : député Un
J’ai considéré comme un devoir de vous féliciter, M. le président pour l’engagement personnel dont vous avez fait preuve dans l’étude de ce dossier. Je me dois aussi de féliciter la présidente de la commission des lois ainsi que le rapport. Ils ont fait preuve de patriotisme. Je voulais surtout souligner ce qui m’a le plus frappé. Vous avez vu ! On a travaillé comme s’il n’y avait plus d’opposition. Je pense que c’est l’une des forces de notre pays. Il faut savoir les exploiter. Je voudrais supplier le pouvoir de donner les moyens pour faire une décentralisation réelle parce que c’est là que nous allons puiser la force pour aller en avant. Lorsque vous ramenez tout au sommet de l’Etat, une centralisation plus que napoléonienne, personne ne se sent responsable, personne ne se sent appelé à gérer au mérite. Et cela donne la corruption endémique que nous voyons aujourd’hui. Réalisons la décentralisation et donnons les moyens à nos communes. Donnons-leur les ressources pour qu’elles travaillent. La dernière chose que je voudrais souligner, c’est que nous nous approchons des élections communales. Mais la bonne date, je ne sais quand ? C’est le chef de l’Etat qui convoque le corps électoral et il sait probablement ce que c’est que la bonne date. Je voudrais surtout dire que nous n’avons pas le droit de faire ces élections comme nous l’avions fait en 2008. Elles se sont très mal passées. Laissons les choses se faire normalement. Laissons les populations choisir leurs élus. Nous aurons de bons maires, de bons conseils communaux. Que ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui de décider m’écoutent. Je les en supplie. Ce sera pour le bien de notre pays.
Bio Kansi : député Fcbe
Je voudrais demander au gouvernement de prendre en considération ce que nous avons fait. Il y a des choses qui ont été mises au frigo. Des villages qui n’ont pu être créés parce qu’il y a des conflits. Il va falloir que le gouvernement mette tout à profit pour résoudre ces problèmes.
Gilbert Bagana : député Fcbe
La loi a été votée. Mais il y a encore des problèmes. Vous avez remarqué qu’il y a eu des difficultés à certains points. Et dans cette loi, un article stipule que la délimitation doit être faite par la loi. Je pense que nous, les députés, nous devrons être vigilants, nous devrons veiller pour que cette loi passe vite, soit par une proposition, soit par un projet. Mais toujours est-il qu’il faut l’appui du gouvernement pour que l’aspect technique soit abordé.
RosineVieyra Soglo : député RB
Ce vote a été un parcours de combattants. Ceci parce qu’il nous a pris non seulement des jours et des jours mais des semaines. J’ai été contente de voir qu’il y a eu un vote fort et massif qui a entériné tous nos débats et toutes nos journées de fatigue. Je voudrais dire un mot sur la décentralisation surtout pour les trois communes à statut particulier. Je veux nommer, Cotonou, Porto- Novo et Parakou. Quand on parle de décentralisation, on parle de tutelle. Qu’est ce que les préfets font dans la décentralisation ? Je vois qu’une commune comme Cotonou, Parakou, Porto- Novo ne peut absolument rien faire sans que le préfet n’intervienne. La loi dit qu’ils ont l’autonomie financière et on leur met le préfet. Alors, là, il y a quelque chose qui me dépasse. J’ai l’impression que nous voulons une chose et son contraire.
Candide Azannaï : député Fcbe
J’ai la certitude que ce travail a été fait sans aucune base scientifique. Un Etat ne peut pas travailler sans s’appuyer sur son expertise et on ne peut pas créer des villages sans les délimiter. Je pense que ce travail est à moitié fait et mal fait. En 2008, à l’issue des élections, nous avions dénoncé des villages qui auraient été frauduleux. A la fin des élections, le gouvernement a pris des initiatives heureuses en mettant sur place une commission interministérielle pour s’occuper de ces questions de délimitations et aussi de créations des unités administratives. Depuis 2009 à aujourd’hui, personne n’a demandé le sort de cette commission et ses résultats. Le second problème qui s’est posé est le problème de 2011 où avec le rapport de l’OIF, le rapport interne de ceux qui se sont occupés de la Lépi, il a été révélé qu’il y a eu une quarantaine de villages et de quartiers fictifs. Alors, lorsque nous savons que nous sommes à la veille du quatrième Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), nous devons capitaliser, mettre à profit l’expertise nationale que détient l’INSAE. Cela n’a pas été fait M. le président. On a constaté que des collègues députés, puisque nous poursuivons des intérêts politiques, nous nous sommes adonnés à ce travail contre-productif et contre la modernité. Je pense qu’en dehors de cela, la question est de prendre les 40 villages ou quartiers de 2011, de prendre ceux fictifs de 2008 et d’aller dans le sens d’une loi pour la régularisation de ces cas fictifs qui ont créé d’énormes problèmes. Nous ne l’avons pas fait. Et pour endormir le cabri, nous avons utilisé une anesthésie d’éléphant. Et tout le monde pense que ça a été bien fait. C’est faux. Je dis, c’est faux. Ce qui s’est passé est de se servir de la fraude de 2008 pour voiler un peu ce qui est dénoncé par le rapport de l’OIF en 2011. Je pense que ce n’est pas bon. On ne découpe pas dans la précipitation. On ne délimite pas dans la précipitation un territoire. Le découpage est un acte de développement qui est fondé sur une stratégie globale intégrée de vision prospective de la nation.
Mathurin Coffi Nago : président de l’Assemblée nationale
Après 50 ans d’indépendance, nous devons réussir à identifier les villages et à améliorer la situation. J’ai dit tout à l’heure que nous sommes passés de quelques 3500 villages administratifs à plus 5300. Ce qui représente une augmentation de près de 1500 villages. Cela traduit notre volonté de rapprocher l’administration de l’administré. C’est également un acte de développement. Je voudrais féliciter tous les collègues. Evidemment, le travail n’est pas totalement terminé. Rien n’est parfait. Tout est perfectible. Donc, il nous reste à continuer de travailler pour diriger un village, les hameaux qui le méritent. Mais cela se fera sur la base d’un certain nombre d’éléments objectifs. Je voudrais demander au gouvernement de faire le travail qui est de son ressort, c’est-à-dire, la délimitation, le règlement d’un certain nombre de conflits dans différents villages, arrondissements, communes. Quant à nous, à l’Assemblée nationale, nous allons continuer à suivre l’évolution des situations où demeurent certains problèmes.