La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 17 août 2015 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 1727/190/REC, par laquelle Madame Abiba Dafia forme un «recours pour violation de l’article 375 du code électoral par le député Yempabou B. Jacques pour cumul de mandat de conseiller communal avec son mandat de député»;
Saisie d’une autre requête du 18 août 2015 enregistrée à son secrétariat le 27 août 2015 sous le numéro 1820/201/REC, par laquelle Monsieur Maurice Chabi Katotcha, suppléant de Monsieur Jacques B. Yempabou, introduit devant la haute juridiction un recours tendant aux mêmes fins ;
Vu la Constitution du 11 décem-bre 1990 ;
Vu la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle; Ensemble les pièces du dossier;
Oui Monsieur Zimé Yérima Kora-Yarou en son rapport;
Après en avoir délibéré,
Contenu des recours
Considérant que dame Abiba Dafia expose : «L’article 375 du titre III de la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin dispose "sous réserve des dispositions de l’article 370 ci-dessus, le député qui, lors de son élection, se trouve dans l’un des cas d’incompatibilité visé au présent est tenu d’établir dans les trente (30) jours qui suivent son entrée en fonction ou sa validation, qu’il s’est démis de ses fonctions incompatibles avec son mandat. Le député qui a accepté en cours de mandat une fonction incompatible avec celui-ci ou qui a méconnu les dispositions des articles 371 et 374 ci-dessus, est également déclaré démissionnaire d’office. La démission d’office est prononcée dans tous les cas par l’Assemblée nationale à la requête du bureau de l’Assemblée nationale. Elle n’entraîne pas d’inéligibilité.’’
Dans le cas d’espèce, Monsieur YEMPABOU B. Jacques, député à l’Assemblée nationale, qui a connu la validation de son élection par la Commission électorale nationale autonome (CENA) le 15 juillet 2015 comme conseiller communal dans la commune de Kérou sur la liste AND de l’arrondissement-centre, se trouve depuis le 15 août 2015, soit 30 jours après le délai prévu pour choisir entre son mandat de député et son siège de conseiller communal, en position d’incompatibilité conformément aux dispositions de l’article précité.
Le député Yempabou B. Jacques a donc violé le code électoral et doit être Considéré comme démissionnaire d’office par l’Assemblée nationale; qu’elle conclut : «Je demande donc à la haute juridiction de dire et juger que le député Yempabou B. Jacques a violé l’article 375 sus-visé du code électoral pour cumul de mandat de conseiller communal avec son mandat de député, de constater sa démission d’office et d’ordonner à l’Assemblée nationale de procéder à son remplacement»;
Considérant que par un courrier du 17 août 2015 enregistré au secrétariat de la cour sous le numéro 1794 du 25 août 2015, la requérante a fait tenir à la haute juridiction trois procès-verbaux de constat d’huissier des 17; 19; et 21 août 2015 adressés respectivement par Maître Antoine C. Lassehin, huissier de justice près le tribunal de première Instance d’Allada et la cour d’Appel de Cotonou et Maître Bertrand Togla, huissier de justice près le tribunal de première instance et la cour d’appel de Parakou;
Considérant que Monsieur Maurice Chabl Katotcha reprenant les mêmes faits, demande à la haute juridiction de dire et juger que le député Jacques B. Yempabou a violé l’article 375 sus-cité du code électoral;
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour, le président de l’Assemblée nationale, Maître Adrien Houngbédji, écrit : «Je n’ai pas reçu notification officielle de la situation alléguée par la requérante Abiba Dafia. Je ne suis donc pas en mesure de faire des observations; aussi je m’en rapporte à la sagesse de la Cour.» ;
Analyse des recours
Considérant que les deux recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
Considérant que les articles 114 de la Constitution et 124 alinéa 1 de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin énoncent respectivement: «La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics); «Tout le contentieux électoral relatif aux élections présidentielles ou législatives est soumis à la Cour constitutionnelle qui statue conformément aux textes en vigueur»; que les articles 369 alinéa 1, 425 alinéa. 1 et 375 alinéas 2 et 3 de la loi n° 2013- 06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin énoncent respectivement: «Sont également incompatibles avec le mandat de député, l’exercice de tout manndat électif local, les fonctions de directeur administratif, membre de conseil de surveillance, gérant ou représentant dans les sociétés, entreprises ou établissements jouissant ce titre spécial, sous forme de garantie d’intérêts, de subventions ou autres équivalents, d’avantages assurés par l’Etat : ou par une collectivité publique ainsi que dans les entreprises nationales. L’exercice des fonctions publiques électives (président de la République, député à l’Assemblée nationale) est incompatible avec le mandat de conseiller communal ou municipal, de village ou de quartier de ville»; «Le député qui a accepté en cours de mandat une fonction .incompatible avec celui-ci ou qui a méconnu les dispositions des articles 371 et 374 ci-dessus, est également déclaré démissionnaire d’office.
La démission d’office est prononcée dans tous les cas par l’Assemblée nationale à la requête du bureau de l’Assemblée nationale. Elle n’entraîne pas d’inéligibilité»;
Considérant qu’il découle de la lecture croisée et combinée de ces trois dispositions, d’une part, que les mandats de député et de conseiller communal ou municipal, de village ou de quartier de ville sont incompatibles et que leur exercice simultané est interdit par la loi, d’autre part, que tout député à l’Assemblée nationale qui lors de l’exercice de son mandat de député accepte le mandat de conseiller communal ou municipal, de village ou de quartier de ville est considéré comme démissionnaire de son mandat de député à l’Assemblée nationale; qu’en conséquence, le bureau de l’Assemblée nationale doit constater le cumul de mandats et saisir par requête l’Assemblée nationale qui doit prononcer la démission d’office du député en cause de sa fonction de député à l’Assemblée nationale ;
Considérant qu’il résulte des éléments du dossier que Monsieur Jacques B. Yempabou, député à l’Assemblée nationale, en fonction, s’est fait élire conseiller-communal dans la commune de Kérou sur la liste AND de l’arrondissement de Kérou-centre, lors de l’élection communale du 28 juin 2015 ; que le 15 juillet 2015, la Commission électorale nationale autonome (CENA) a proclamé les résultats définitifs de ladite élection; que le 21 août 2015, le conseil communal de la commune de Kérou a été installé et les conseillers exercent déjà leur mandat; qu’ainsi, il sied de constater qu’à partir de son installation au conseil communal de la commune de Kérou, c’est-à-dire, le 21 août 2015, Monsieur Jacques B. Yempabou, député à l’Assemblée nationale, a entamé l’exercice de la fonction de conseiller incompatible avec son mandat de député à l’Assemblée nationale; que dès lors, il y a lieu de conclure qu’il est démissionnaire d’office de son mandat de député à l’Assemblée nationale; qu’en conséquence, il y a lieu pour la Cour, en sa qualité d’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, d’inviter, au regard de l’article 375 précité du code électoral, le bureau de l’Assemblée nationale à saisir l’Assemblée nationale aux fins de prononcer la démission d’office de Monsieur Jacques B. Yempabou de son mandat de député à l’Assemblée nationale;
DECIDE
Article 1er.- Le député Jacques B. YEMPABOU a violé le code électoral.
Article 2.- La Cour invite le bureau de l’Assemblée nationale à l’application des dispositions du code électoral,
Article 3.- La présente décision sera notifiée à Madame Abiba Dafia, à Monsieur Maurice Chabi Katotcha, à Monsieur le président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le vingt-six novembre deux mille quinze,
Messieurs Zimé Yérima Kora-Yarou Vice-Président
Simplice Comlan Dato Membre
Bernard Dossou Dégboé Membre
Madame Marcelline-C. GBEHA Afouda Membre
Monsieur Akibou Ibrahim G. Membre
Madame Lamatou Nassirou Membre.
Cell/Com