Il a pour lui la majesté des ans, l’expérience de la gestion des tournants décisifs. Albert Tévoédjrè, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a généralement, indiqué la voix à suivre. Notamment lors des présidentielles de 1996 et de 2006. Médiateur de la République, il s’était retiré des affaires un an avant la fin de son mandat. Depuis, il s’est détourné de la politique active. Le voilà qui revient au devant de la scène. En sage de service, le presque nonagénaire a tenu à exprimer ses appréhensions à l’atmosphère sociopolitique qui prévaut au Bénin, et à suggérer, en cette veille de présidentielle, ce qui lui semble être le choix idéal pour garantir la paix au Bénin et lui donner enfin une réelle chance de décoller. C’était mardi dernier à Cotonou.
« Il va falloir… enfin choisir », c’est sous cette exhortation que le professeur Albert Tévoédjrè plus spirituel que politique désormais, a placé sa déclaration solennelle. A la lisière de ladite déclaration l’ancien médiateur de la République, introduit par son compagnon Albert Agossou, dit d’entrée et citant Martin Luther King, pour justifier sa prise de parole que: «Nos vies commencent à prendre fin le jour où nous devenons silencieux à propos de choses qui comptent ».
Se considérant comme en sursis après son récent accident, il estime que son silence serait un péché de non assistance à patrie en danger. Se remémorant son professeur Alfred Sauvy, pour qui « l’opinion publique est une force politique, et cette force n’est prévue par aucune Constitution », il fait de cette formule un viatique dont doit s’inspirer le peuple béninois. Puis, il se propose de livrer les conclusions de ses réflexions personnelles qui, tempère-t-il lui-même, ne sont pas immuables mais ouvertes à d’autres opinions.
Ainsi, Albert Tévoédjrè rappelle qu’en 2011, lui et ses amis n’étaient pas d’accord avec tout et avaient subordonné leur soutien au président Boni Yayi à un certain nombre de recentrages, au nombre desquels l’organisation d’un forum national de vérité et de sursaut patriotique. Qui sera, hélas ! reporté sine die en catastrophe pour des raisons non élucidées à ce jour.
Or, indique l’orateur, cette rencontre se proposait d’inventorier et d’analyser les dysfonctionnements de gouvernance, d’inventorier et d’analyser les manquements à l’éthique et au comportement des citoyens et des responsables à divers niveaux, de répertorier les acquis à sauvegarder et à améliorer, d’arrêter les mesures correctives appropriées… Cinq ans après, il dit constater avec amertume, que ces préoccupations sont toujours d’actualité.
Pis, l’imbroglio se profile à l’horizon, avertit-il, rappellant avoir, en conséquence, lancé le concept de la «conscience en action» qui devrait nous permettre de voir en nous-mêmes, ce qui fait que depuis 1960, notre pays ne décolle pas vraiment. Et c’est dans ce sens qu’il dit avoir notamment réfléchi à «la nouvelle logique électorale» qui devra marquer une rupture radicale avec les pratiques actuelles liées à la prédominance d’un grégarisme régional irréfléchi et à l’asservissement par l’argent dont on ne se préoccupe jamais de l’origine. Une nouvelle logique électorale dont la finalité est d’«obtenir ensemble la grâce d’un gouvernement avant tout préoccupé du bien commun et du salut public, dirigé par un président préparé pour cette fonction, répondant aux nécessités du moment et ayant la crainte de Dieu».
Le choix de la raison nationale
Révélant avoir eu le privilège d’accueillir et d’échanger avec plusieurs candidats annoncés à la présidentielle de février prochain, et celui de lire quelques projets de société soumis à son attention, Albert Tévoédjrè indique que tous ont manifesté une certaine fibre patriotique visant à sortir le pays de l’ornière. Mais à l’analyse, il considère que le contenu du projet de la Nouvelle conscience est celui qui répond le mieux à ses attentes et analyses. Aussi le recommande-t-il comme base de discussion et de convergence, en y trouvant une heureuse similarité avec certaines des propositions avancées par Abdoulaye Bio Tchané.
Le document proposé par Pascal I. Koupaki a un caractère pédagogique efficace tant il entend d’abord camper l’action publique dans son fondement éthique, et le mal dont souffre la démocratie béninoise réside là. Mieux, les grands problèmes de société qui agitent le monde n’y sont pas occultés… Aussi Albert Tévoédjrè se dit-il convaincu qu’Abdoulaye Bio Tchané et d’autres candidats, qui se sentent proches de cette vision, chercheront à se retrouver pour fédérer leurs énergies dans un programme consensuel enrichi des apports des uns et des autres. Pour initier un attelage de gouvernance concertée pour gérer efficacement une transition de redressement national. Plus encore, partageant la réflexion qu’il tient d’un ambassadeur européen en fin de mission dans notre pays et selon laquelle, on a du mal à faire confiance à quelqu’un qui n’est pas ponctuel, Albert Tévoédjrè souligne que Pascal Irénée Koupaki est précisément un homme toujours ponctuel, pour inviter à entrer avec lui dans la culture de la ponctualité.
Par ailleurs, Albert Tévoèdjrè déplore les excès de langage à l’égard de certains candidats. Il fait remarquer que les Béninois ne veulent plus qu’on exploite leur misère, que la Cour constitutionnelle éclaire la nation en prescrivant aux hommes de l’Economie, la juste orientation de leur implication dans la gestion des affaires du pays, afin qu’ils refusent la perfide confusion des rôles et intérêts.
Au total, invoquant son âge respectable, Albert Tévoédjrè en appelle aux principaux acteurs sociopolitiques du Bénin afin qu’ils évitent au pays une situation invivable. Comme thérapie, il prescrit un véritable sursaut patriotique et la convergence autour d’un projet de société garantissant le respect de nos valeurs communes et l’assurance de notre développement solidaire, fondé sur le travail et l’engagement citoyen¦