Aboudou Idé, un revendeur nigérien accusé de meurtre sur son cousin, est jugé coupable et condamné à 10 ans de réclusion criminelle, mardi 29 décembre par la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. C’est à l’issue de l’examen de la 7e affaire inscrite au rôle de la 2e session de ladite juridiction au titre de 2015.
La vie paisible de deux cousins nigériens en aventure au Bénin tourne au drame à Garou dans la commune de Malanville. Aboudou Idé et Assane Amadou, revendeurs ambulants d’articles divers, en arrivent aux mains dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 février 2013, suite à une mésintelligence. Alors que le premier dormait, le second de retour d’une promenade aux environs de 0h s’est mis à le secouer. Perturbé par les bruits de l’altercation éclatée, le propriétaire de la maison Séidou Hanki dut intervenir pour les calmer, mais en vain. Aboudou Idé réussit à arracher le couteau que brandissait Assane Amadou et n’hésite pas à lui enfoncer sous le mamelon du côté gauche de la poitrine. Atteint en plein cœur, Assane Amadou succombe de ses blessures quelques instants plus tard sur le chemin de l’hôpital.
C’est donc pour ces faits que le sieur Aboudou Idé est appréhendé et poursuivi pour meurtre, infraction punie par les articles 295 et 304 du Code pénal. Au terme de l’audience, l’accusé est condamné à 10 ans de réclusion criminelle par le jury présidé par Saturnin D. Afaton, assisté de Fortunato E. Kadjègbin et Gabriel Taurin Affognon, et composé également des jurés Dévi Djibril Domanou, Roméo Assa Yaya, Lazare Innocent Ahouandogbo et Yolande V. Guèdègbé. Le greffe est tenu à l’occasion par Me Ambroise Alassane. Les intérêts de l’accusé sont défendus par Me Elie Mahoussi Dovonou.
L’accusé se confond en excuses
Le casier judiciaire de l’accusé était encore vierge. Le rapport d’expertise médico-psychiatrique et psychologique présente Aboudou Idé comme étant en possession de toutes ses facultés mentales au moment des faits.
Au procès, comme à toutes les autres étapes précédentes de la procédure, Aboudou Idé reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Il se confond en excuses et implore la clémence de la Cour. « Si je reste encore en prison, ça fait deux fils que notre famille perd ainsi », se lamente-t-il. Il soutient qu’il n’a pas eu l’intention de donner la mort à celui qu’il appelle « son frère, son cousin », et qu’il n’a pas visé particulièrement la poitrine de celui-ci en envoyant le coup de couteau. Il fait savoir qu’Assane Amadou l’avait déjà provoqué le matin-même du drame en dispersant son étalage de chaussures, alors qu’il n’y avait aucun différend entre eux à sa connaissance. Aboudou Idé laisse entendre que son cousin est d’habitude nerveux avant d’ajouter que c’est Dieu qui a voulu ce qui est arrivé. Est-ce Dieu qui lui a dit de tuer son cousin? lui demande le président de la Cour. L’accusé baisse la tête, se relève puis répond: «C’est plutôt l’œuvre de Satan».
A la lecture des pièces, l’enquête de moralité lui est très favorable. Jovial, calme, gentil, patient, courtois, effacé, sont autant de qualificatifs énoncés à son profit dans l’entourage et dans le milieu carcéral où il vit depuis près de trois ans. Beaucoup de personnes estiment que son acte est « involontaire » et fait suite à la provocation de la victime.
15 ans de réclusion criminelle, requiert le ministère public
Le procureur Jules Chabi Mouka démontre que le crime de meurtre est constitué, après avoir fait un détour dans les Saintes Ecritures pour citer Exode 20 verset 13 : «Tu ne tueras point». L’élément légal, ce sont les articles 295 et 304 du Code pénal qui constituent le siège de l’infraction. L’élément matériel est l’acte positif à travers lequel l’accusé a porté le coup de couteau qu’il dit avoir arraché à la victime. A l’en croire, le lien de causalité entre l’acte matériel et la mort de la victime constatée par le médecin ne souffre d’aucune ambigüité. Le certificat de décès indique « une mort subite par plaie cardiaque à l’arme blanche ». L’élément intentionnel se manifeste par la volonté d’Aboudou Idé d’en finir avec son vis-à-vis. Le fait d’avoir visé la poitrine du défunt, n’est pas du hasard, estime l’avocat général. Au regard de tous ses éléments, Jules Chabi Mouka prie la Cour de répondre par l’affirmative à la question de savoir si l’accusé est coupable ou non de meurtre. Si oui, il requiert qu’il plaise à la Cour de le condamner à 15 ans de réclusion criminelle. Etant lucide au moment de l’action selon le rapport d’examen psychiatrique et médico-psychologique, Aboudou Idé est accessible à la sanction pénale aux termes de l’article 64 du Code pénal.
Si les éléments matériel et légal sont sans équivoque, « L’intention criminelle est par contre absente dans ce dossier», selon la défense.
La défense sollicite une requalification des faits mais en vain
Me Elie Mahoussi Dovonou soutient que son client n’espérait pas le décès de la victime en donnant le coup. Il penche plutôt pour un « homicide involontaire », ce qui amènerait la Cour à appliquer les dispositions de l’article 319 alinéa 1 du Code pénal en lieu et place de l’article 295 du même code. A noter que l’homicide involontaire résulte d’une maladresse, d’une imprudence, d’une négligence, etc. L’avocat de l’accusé plaide une disqualification des faits de meurtre et une requalification du crime. Au principal, il maintient que c’est un homicide involontaire. Au subsidiaire, Me Dovonou suggère à la Cour de considérer à l’encontre de son client une infraction de coups mortels, crime puni par l’article 309 alinéa 4, mais avec le fait d’excuse que c’est la victime qui a agressé l’inculpé avec un couteau et des propos menaçants. Et lorsque le fait d’excuse est prouvé, la peine est réduite à un emprisonnement de six mois à deux ans, fait-il savoir, en évoquant les articles 321 et 326 du Code pénal.
Le représentant du Parquet n’est pas de cet avis et insiste qu’il s’agit bel et bien d’un homicide volontaire. C’est dans ce sens que la Cour abonde au délibéré. La juridiction siégeant en matière criminelle retient l’infraction de meurtre et prononce à l’encontre du sieur Aboudou Idé un emprisonnement de 10 ans et le paiement des frais envers l’Etat. Elle ordonne la confiscation et la destruction du couteau mis sous scellé et reconnu par l’accusé à la barre. La cour dispense le condamné de l’interdiction de séjour en République du Bénin. Incarcéré le 19 février 2013, Aboudou Idé séjournera encore en prison pendant plus de sept ans