La Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou a connu samedi 2 janvier dernier de la 10e affaire inscrite au rôle de sa 2e session au titre de 2015, relative à des coups mortels imputés au sieur Inoussa Arouna. Au terme de l’audience, il écope de vingt-quatre mois d’emprisonnement et est libéré.
Le sieur Inoussa Arouna, cultivateur, 30 ans, est désormais libre de ses mouvements après son jugement dans l’affaire de coups mortels sur le bouvier peulh Amadou Bouraïma. Ce crime est prévu et puni de la peine de travaux forcés à temps conformément à l’article 309 alinéa 4 du Code pénal. L’inculpé est condamné à vingt-quatre mois d’emprisonnement ferme par la Cour d’assises, alors qu’il avait déjà passé quatre ans et demi en tôle, pour avoir été mis sous mandat de dépôt depuis le 15 juin 2011.
L’audience pour son jugement est présidée par Aboudou Ramanou Ali avec pour assesseurs: Malick Nourou-Dine Bakary et Pascal A. Agboton. La Cour était également composée des jurés Fabrice Ahanhanzo Glèlè, Djibril Dévi Domanou, Jean Amoussou Alonouémon et Clarisse Mandopa P. Dogo. Le greffier de l’audience a nom : François Nougbodohoué. L’accusé est défendu par Me Enosch Chadaré.
Les faits
Les faits remontent au 11 juin 2011 à Torozougou, arrondissement de Guéné, commune de Malanville. Ce jour-là vers 14 h, les frères Bachirou et Inoussa Arouna qui sarclaient leur champ de sorgho, ont observé une pause pour se reposer à l’ombre d’un arbre. Alors que Bachirou dormait, Inoussa constate que des bœufs conduits par le peulh Amadou Bouraïma dévastaient la glèbe. De l’élan d’Inoussa à repousser les bêtes, naît une altercation entre le bouvier et lui. Inoussa se saisit d’une hache à sa portée qu’il lance à l’endroit de l’éleveur. Celui-ci reçoit le coup à la tête et s’écroule aussitôt. Inoussa réveille son frère Bachirou qui fait transporter au centre de santé de Guéné le blessé tout ensanglanté qui sera référé plus tard à l’hôpital de zone de Malanville. Amadou Bouraïma rend l’âme, après les premiers soins à lui prodigués.
Voilà les faits qui ont fondé le renvoi du sieur Inoussa Arouna devant la Cour d’assises par arrêt n°136/15 en date du 26 octobre 2015 de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Parakou, pour y être jugé conformément à la loi.
Comme à l’enquête préliminaire ou devant le magistrat instructeur, l’accusé n’a pas nié les faits samedi dernier devant la Cour. Il dit regretter son acte et souligne qu’il n’avait pas l’intention de donner la mort au bouvier. Il explique que les Peulhs de la région sont très violents et que c’est après avoir esquivé un coup de bâton de l’éleveur, qu’il lui a lancé la hache.
Le bulletin n°1 du casier judiciaire de l’accusé ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. Il était lucide au moment des faits, selon le rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique réalisé quatre ans après les faits par Francis Tchégnonsi Tchégnon. L’enquête de moralité est largement favorable à l’inculpé. Les témoignages recueillis en milieu carcéral sur lui sont édifiants : il serait courtois, calme, honnête, effacé, exemplaire.
En qualité de sachant, le frère de l’accusé, Bachirou Arouna, a déposé à la barre. La partie civile n’était pas présente au procès.
L’excuse de la provocation
Pour Jacques Fiacre Azalou, représentant le ministère public, les éléments de coups mortels sont réunis, en ce sens que le prévenu a porté des coups à la victime et l’a reconnu et il a agi volontairement, donc en toute connaissance de cause. Sa responsabilité ne souffre d’aucune ambiguïté, en déduit-il. Mais, relativise l’avocat général, l’accusé a l’excuse de la provocation puisqu’il se reposait après un dur labeur quand le bouvier a débarqué dans son champ avec ses bœufs qui ont dévasté précisément 125 m2 (5m x 25m) de jeunes pousses de sorgho. Cette provocation est excessive car le Peulh n’a eu autre réflexe que de lui lancer un bâton quand l’agriculteur lui a demandé de se retirer avec ses bêtes. C’est en cela que le représentant du Parquet trouve de larges circonstances atténuantes pour l’accusé, outre le fait qu’il n’a pas d’antécédent judiciaire et qu’il est un homme sociable et non violent par nature. De plus, l’accusé est allé chercher secours pour sauver la victime. Au bénéfice de toutes ses observations, Jacques Fiacre T. Azalou requiert que la Cour déclare Inoussa Arouna coupable de coups mortels mais de le condamner à 54 mois d’emprisonnement, soit le temps déjà passé par l’inculpé en prison.
Me Enosch Chadaré assurant la défense de l’accusé, se réjouit de la « clarté » de la démonstration de l’avocat général. Cependant, il se demande si les faits reprochés à son client constituent vraiment l’infraction de coups mortels. «J’avais espéré une requalification des faits », laisse-t-il entendre, en relevant l’absence de l’acte de décès au dossier. L’avocat se permet aussi d’opiner sur le rapport psychiatrique et médico-psychologique établi plus de quatre ans après les faits et qui conclut que son client ne souffrait d’aucune maladie mentale au moment des faits et pouvant abolir son acte. «Ce rapport n’est d’aucune utilité», rejette-t-il. Puis, revenant sur les faits, Me Chadaré souligne que si son client n’avait pas réagi face à l’agressivité du Peulh, c’est certainement la victime qui allait se retrouver à la place de l’accusé aujourd’hui. « Le Peulh a agressé mon client qui a esquivé le coup de bâton à lui lancé », insiste-t-il. Pour cela, l’avocat estime que la Cour doit faire application de l’article 321 du Code pénal qui stipule: «Le meurtre ainsi que les blessures et les coups sont excusables, s’ils ont été provoqués par des coups ou violences graves envers les personnes ». Il évoque aussi les dispositions de l’article 326, notamment en son alinéa 3: «Lorsque le fait d’excuse est prouvé, s’il s’agit d’un crime emportant la peine de mort, ou celle des travaux forcés à perpétuité, ou celle de la déportation, la peine sera réduite à un emprisonnement d’un an à cinq ans ; s’il s’agit de tout autre crime, elle sera réduite à un emprisonnement de six mois à deux ans...»
La Cour donne raison à l’avocat
Au délibéré, la Cour donne raison à l’avocat. Elle déclare Inoussa Arouna coupable d’avoir volontairement porté des coups et fait des blessures au nommé Amadou Bouraïma, avec cette circonstance que les coups portés et les blessures faites sans intention de donner la mort, l’ont pourtant occasionnée. Elle le condamne à deux ans d’emprisonnement ferme et aux frais envers l’Etat et ordonne la confiscation et la destruction de la hache mise sous scellée et reconnue formellement par l’accusé à la barre. Ayant déjà passé en prison au-delà du temps de la condamnation, Inoussa Arouna recouvre sa liberté au grand bonheur de sa famille et de son enfant¦
Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori