Gorobignon Mama Koéri est reconnu coupable de coups mortels et condamné à dix ans de réclusion criminelle dans le cadre du 11e dossier inscrit au rôle de la 2e session de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou au titre de 2015. L’audience s’est déroulée lundi 4 janvier.
Encore une affaire de coups mortels qui témoigne de la violence de la société de nos jours, était en examen lundi 4 janvier à la Cour d’assises de Parakou. Le sieur Gorobignon Mama Koéri, bouvier, 34 ans, est appelé à répondre des coups et blessures volontaires donnés à Oumarou Tchoumon et qui ont entraîné la mort de ce dernier. A la barre, le jeune Peulh ne nie pas les faits et se confond en excuses devant la juridiction présidée par Saturnin D. Afaton assisté de Hamza Sidi Sanni Gauthé et Lucien Djimènou et composée des jurés Jean-Eudes Gbaguidi, Lazare Innocent Ahouandogbo, Orou Kénou Troukassa et Simon D. Adoko. Le greffe de l’audience est tenu par Me Ambroise Alassane. Me Maxime Wilfried Codo a assuré la défense de l’accusé.
Les faits
Courant 2006, un sac contenant des perles appartenant au nommé Oumarou Tchoumon aurait été soustrait. Plus tard, il aperçut le sieur Gorobignon Mama Koéri dans le marché du village «Petit Paris» (Gogounou) avec des perles pareilles. Il interpelle le porteur des bijoux qui finit par les lui remettre. Depuis, Oumarou n’a de cesse de traiter Gorobignon de voleur et ce, en public. Les relations fraternelles entre les deux individus tournent au vinaigre. Fâché de l’humiliation répétée, Gorobignon Mama Koéri assène un coup de bâton à Oumarou Tchoumon au cours d’une altercation. Ce dernier reçoit le coup au front et s’écroule. Transporté à l’hôpital de Bembèrèkè, le blessé rendit l’âme quelques jours après. Gorobignon Mama Koéri prend la clé des champs et se réfugie à Oubérou (Bétérou, commune de Tchaourou) pour ne revenir à la maison que deux ans après les faits, soit en décembre 2008. Mais ce qu’il craignait, finit par le rattraper. Il est appréhendé et traduit devant la justice pour le chef de poursuite de coups mortels.
Comme à l’enquête préliminaire ou devant le magistrat instructeur, l’accusé n’a pas nié les faits. Il dit regretter son acte et souligne qu’il n’avait pas l’intention de donner la mort à la victime. Il explique qu’il a agi ainsi parce qu’il était embêté tout le temps et traité en public de voleur.
Le bulletin n°1 du casier judiciaire de l’accusé ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. Il était en possession de toutes ses facultés mentales, suivant le rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique établi le 5 avril 2015 sur lui.
L’enquête de moralité réalisée dans la maison d’arrêt de Kandi où l’accusé a séjourné, lui est favorable.
Aucun témoin, ni la partie civile, n’était présent à l’audience du jugement.
«Pas de clémence», selon l’avocat général
Le coup de bâton administré, la mort de la victime et le lien de causalité entre le coup porté et ce décès, sont constitutifs du crime de coups mortels imputés à Gorobignon Mama Koéri, indique Richard Limoan qui occupait le fauteuil du ministère public. Cependant, l’avocat général reconnaît l’absence au dossier d’un certificat médical et d’un acte de décès pouvant attester de la véracité de ses affirmations. « Oumarou Tchoumon est effectivement décédé des suites du coup porté par Gorobignon Mama Koéri», allègue-t-il, sans apporter d’autres précisions sur le lieu, la date, les causes et circonstances de sa mort. Il souligne que dans les villages, les gens n’ont pas le réflexe de se faire établir des actes de décès parce qu’ils n’en connaissent pas l’utilité et que des agents de santé exigent parfois de l’argent avant de faire des certificats médicaux.
Le ministère public note par contre qu’il n’y a pas de préméditation ni intention de donner la mort dans ce dossier parce que l’accusé n’a pas mûri un plan pour tuer Oumarou Tchoumon. Richard Limoan écarte également la thèse de la légitime défense ainsi que l’excuse de provocation que pourrait soulever l’avocat de la défense dans sa plaidoirie. Toutefois, il estime que l’accusé peut bénéficier de circonstances atténuantes du fait qu’il n’a jamais été condamné par le passé et qu’il est de bonne moralité.
Au bénéfice de toutes ses observations, le ministère public requiert la peine de 15 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Gorobignon Mama Koéri, en soutenant qu’une application clémente de la loi serait « antisociale et dangereuse » dans son cas.
Le doute de la défense occulté
La défense n’y est pas allée avec le dos de la cuillère pour balayer les affirmations du ministère public quant à la constitution du crime de coups mortels, comme l’on pouvait s’y attendre. Me Maxime W. Codo fonde son argumentaire sur l’absence « inconcevable » des pièces manquantes au dossier et reconnues par le représentant du Parquet lui-même. « On n’a pas les preuves que c’est le coup porté par mon client qui a occasionné la mort de la victime », avance l’avocat qui se dit « embarrassé et perplexe ». Du moins, il y a des doutes et le doute doit profiter à l’accusé, martèle-t-il. Fort de cela, l’avocat plaide l’acquittement de son client, au principal. Mais au subsidiaire, au cas où la Cour déciderait d’aller en condamnation contre Gorobignon Mama Koéri, la défense demande une application bienveillante et clémente de la loi qui ne serait « nullement dangereuse » selon lui. Pour Me Codo, le jury doit tenir compte de la confession faite par l’accusé, ses remords après les faits et son engagement à ne plus recommencer.
Par ailleurs, Me Maxime W. Codo dénonce une violation de l’article 147 alinéa 7 du Code de procédure pénale : « Les autorités judiciaires sont tenues de présenter l’inculpé aux juridictions de jugement dans un délai de cinq ans en matière criminelle et trois ans en matière correctionnelle ». La Cour doit en tirer les conséquences de droit, invite-t-il, faisant remarquer que son client est en détention préventive depuis sept ans. A l’entame du procès, il avait soulevé ce manquement et sollicité la mise en liberté d’office de son client avant d’être éconduit par le président de la Cour qui lui a demandé de laisser l’audience aller à son terme.
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la Cour déclare Gorobignon Mama Koéri coupable d’avoir volontairement porté des coups et fait des blessures au nommé Oumarou Tchoumon, avec cette circonstance que les coups portés et les blessures faites sans intention de donner la mort, l’ont pourtant occasionnée. Elle le condamne à dix ans de réclusion criminelle et aux dépens. Ecroué le 30 décembre 2008, le condamné est retourné en prison pour y passer encore près de trois ans afin de purger sa peine.
Ce mardi, la Cour connaît d’un dossier d’empoissonnement imputé à Balérou Békourou mis sous mandat de dépôt depuis le 16 novembre 2006¦