Inculpé d’empoisonnement requalifié en pratiques de charlatanisme, le nommé Balérou Békourou est reconnu coupable et condamné à dix ans de réclusion criminelle par la Cour d’assises de Parakou. Son jugement est intervenu mardi 5 janvier dans le cadre de l’examen de la 12e affaire inscrite au rôle de la 2e session au titre de 2015 de la juridiction.
Il reconnaît avoir répandu une poudre magique dans un champ qui aurait occasionné des malaises à des individus dont deux en sont morts. Lui, c’est Balérou Békourou, 64 ans, père de six enfants, cultivateur à Kouandé, qui a été jugé coupable, mardi 5 janvier, de pratiques de charlatanisme et condamné à dix ans de réclusion criminelle. La cour qui a connu du dossier référencé n°012/PG-11 est composée du président Alexis A. Agboton, des assesseurs Séïdou Boni Kpégounou et Fortunato E. Kadjègbin et des jurés Orou Kénou Troukassa, Imorou Abdoulaye, Fabrice Ahanhanzo Glèlè et Dominique Dah Sougni. Le ministère public est représenté par Bernardin Hounyovi. Me Habiba Zato Bawa N’gobi était au greffe. L’accusé est défendu par Me Brice Ulrich A. Houssou.
Les faits
Courant septembre 2006 à Fô-Tancé dans la commune de Kouandé, les nommés Tikandé Séro, Kora Séro et Safoura Séro, tous de la même famille, se sont rendus dans leur champ d’ignames où ils ont eu des malaises. Celles-ci se sont accentuées par des maux de ventre atroces desquels Kora Séro et Safoura Séro en sont décédés. Le troisième, malade, ne s’en est sorti que grâce à l’intervention des vieux de la localité après une longue maladie.
Le nommé Balérou Békourou reconnaîtra publiquement devant le roi de Fô-Tancé être l’auteur des malaises ayant engendré les décès pour avoir répandu une poudre magique dans le champ des victimes. Il est interpellé et inculpé d’empoisonnement, chef de poursuite requalifié en pratiques de charlatanisme. Balérou Békourou a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure.
Le bulletin n°1 du casier judiciaire de l’accusé ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. Il jouissait pleinement de ses facultés mentales au moment des faits, selon le rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique réalisé sur lui. L’enquête de moralité est favorable à l’inculpé.
Les débats
A la barre, Balérou Békourou se présente très souffrant. Le sexagénaire s’affaisse et se tort régulièrement de douleurs atroces, en tenant le bas-ventre. Selon le rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique, il souffre d’une infection mal traitée mais aussi et surtout d’une hernie inguinale ainsi que d’une déficience intellectuelle légère.
Dans sa narration des faits, Balérou indique qu’il a agi sur instigation du sieur Kouagui Korossi qui lui aurait remis la poudre et l’aurait menacé de mort, s’il ne s’exécutait pas. Il dit ignorer les effets de la poudre mystique qu’il a éparpillée entre les sillons, mais estime que ce ne doit pas pour faire du bien. «Mais si je savais que c’est pour tuer, j’allais résister bien qu’il me menaçait», laisse entendre l’accusé. Il avance que l’instigateur aurait même donné 100 000 F CFA aux gendarmes pour se tirer d’affaire et le plonger, lui.
Le sieur Kouagui Korossi qui a toujours nié son implication, a bénéficié d’un non-lieu dans cette affaire. Il n’a pas été convoqué pour plancher, ne serait qu’à titre de sachant alors qu’il est cité régulièrement depuis le début de l’affaire, déplore l’avocat de la défense, Brice Houssou. Le seul témoin cité : Kora Gounou et le plaignant Yacoubou Mora, n’ont pas effectué le déplacement. C’est donc sur la base des seules déclarations du client de Brice Houssou que la Cour est appelée à fonder sa conviction et prononcer son jugement.
Un dossier de pratiques rétrogrades
Pour le ministère public, cette affaire fait référence aux pratiques rétrogrades qui arrièrent l’Afrique en général et le Bénin en particulier. Ces pratiques dites de charlatanisme constituent un crime prévu et puni par l’article 264 bis alinéa 2 du Code pénal modifié par la loi n°870011 du 21 septembre 1987 abrogeant l’article 264 (nouveau) du Code pénal et portant répression de certaines pratiques rétrogrades. Et c’est l’élément légal du crime, indique l’avocat général avant de s’atteler à en trouver deux autres : l’élément matériel et l’élément moral dans ce dossier. Alexis A. Agboton fait remarquer que l’accusé lui-même a reconnu s’être porté dans le champ et a répandu la poudre qui a ensuite causé la mort de deux personnes. L’élément moral, c’est l’intention coupable, la volonté de nuire aux victimes qui est manifeste, à l’en croire. Les trois éléments constitutifs étant « réunis » au dossier, Balérou Békourou sera reconnu coupable et condamné à dix ans de réclusion criminelle, requiert l’avocat général. Il n’a pas manqué de souligner que l’accusé bénéficie de circonstances atténuantes : il n’a pas d’antécédent judiciaire et l’enquête de moralité lui est favorable. Sinon, les dispositions légales punissent les pratiques rétrogrades d’une peine de 15 à
20 ans de prison.
La défense rejette l’intention criminelle
Me Brice Houssou estime quant à lui que l’élément intentionnel est absent au dossier et ainsi, le crime ne serait pas constitué. Il fait savoir que son client ne savait même pas à quoi est destinée exactement la poudre. De plus, c’est lui-même qui s’est dénoncé, précisant à toutes les étapes que c’est quelqu’un qui lui a remis la poudre. « Il est téléguidé. Un homme normal ne ferait pas ça », selon Me Houssou. L’avocat n’en veut pour preuve que l’enquête de moralité qui conclut que l’accusé avait un passé paisible et surtout qu’il aurait été « commis pour tuer».
Par ailleurs, la défense relève que son client présente un ralentissement psychomoteur. « C’est un esprit faible qui a été manipulé », croit-il savoir. L’instigateur devrait être convoqué ou tout au moins poursuivi pour menaces de mort sous condition, poursuit-il. C’est lui qui est devenu enquêteur, a mobilisé douze hommes pour aller arrêter l’accusé et a manigancé pour brouiller les pistes, fait-il remarquer. Au principal, Me Brice Houssou plaide la non constitution de l’infraction pour défaut d’élément moral. Au subsidiaire, il sollicite de la Cour le bénéfice de « larges circonstances atténuantes » en faveur de son client. Faute avouée est à moitié pardonnée ; son casier judiciaire est vierge ; il est de bonne moralité ; plusieurs demandes de mise en liberté provisoire lui ont été accordées mais non exécutées faute de caution, cite Me Houssou.
Verdict
Au délibéré, la Cour tranche et trouve qu’il y a bel et bien intention criminelle, puisqu’elle déclare Balérou Békourou coupable de s’être livré à des pratiques de charlatanisme qui ont consisté à répandre une poudre mystique dans un champ dans le but d’atteindre des humains, avec cette circonstance que lesdites pratiques ont occasionné la mort des victimes. Elle le condamne à dix ans de réclusion et aux frais envers l’Etat. Balérou Békourou passera encore plus de dix mois en prison ; il n’en sortira que le 16 novembre 2016, si rien d’autre ne lui est reproché. La Cour le dispense spécialement cependant de l’interdiction de séjour en République du Bénin.
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Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori