Après dix années de règne sans partage, le chef de l’Etat aurait tant voulu partir incognito. Il lui suffit de mettre quelqu’un à sa place, et puis c’est fait. Malheureusement, la classe politique en a décidé autrement.
Tous les ingrédients sont bons pour faire l’acte final de la prochaine élection présidentielle, un spectacle épique digne du 7ème art. Parce qu’à force de tirer trop sur la corde déjà bien raide, Yayi Boni a réussi à rassembler contre sa personne presque tout le monde. La chose serait risible si le drame qui couve et la pauvreté rampante qui secoue les ménages béninois, n’est pas un véritable danger. Même les anciens, presque retraités de la politique, viennent de donner un coup de pied dans la fourmilière. On a compris que les gens étaient plongés dans un sommeil, et ils se sont enfin réveillés. La cause semble commune. Et les uns et les autres veulent sauver la barque Bénin. Yayi Boni n’a pas réussi la prouesse de transformer la démocratie béninoise en démocratie « nescafé ». Ses couleurs ont peut-être été édulcorées, mais les piliers de la démocratie béninoise restent solides malgré les coups reçus. Les dissidents de son propre camp sont aujourd’hui les premiers à dénoncer sa gestion autocratique. Ils sont en train de lui tourner dos. Ceux qui joug restent avec lui le font soit par peur, ou par manque de courage. Certains n’attendent que les élections pour prendre la tangente et se libérer. Mais plus étonnant est le besoin ressenti par les anciens comme Albert Tévoèdjrè de le ramener à la raison. Très critique à l’égard de sa gestion et ses méthodes, le Professeur a utilisé la tribune de ses deux dernières sorties médiatiques pour faire le procès du « Yayisme ». Plus déconcertante, la réaction d’un fidèle des fidèles, le député Rachidi Gbadamassi, l’homme de main, est devenu, l’espace de quelques jours, un pourfendeur du régime et, du coup, un homme à abattre. Ses confidences sur les derniers agissements du pourvoir, les hommes du Renseignement qui le filent, font froid dans le dos. Mais, le « buffle » ne semble pas vouloir se laisser faire. Il est prêt à tout et défie le régime. C’est une véritable foire d’empoigne. D’autres langues vont peut-être se délier d’ici là. On apprendra des vertes et des pas mûres. Yayi Boni apporte du grain à moudre à ses détracteurs. Ce qui permet d’instruire le procès du règne avant la fin du régime. Cela promet.
AT