Marie Élise GBEDO, femme de droit et plusieurs fois candidate aux élections présidentielles depuis 2001, sera encore de la course. Dès lundi 11 janvier, la "dame de fer" se soumettra aux formalités devant la CENA avant de déployer sa machine de campagne pour la bataille électorale. C’est du moins ce qu’elle vient de confier aux journalistes du site d’information "toutlebenin.info" à qui elle a donné l’exclusivité de l’annonce de sa candidature pour la succession de Thomas Boni Yayi.
Marie Élise GBEDO revient dans cette interview, sur les raisons qui ont toujours empêché sa victoire aux élections passées et dit être désormais préparée à remporter la victoire au soir du 28 février 2016. "Je veux rassurer tout le peuple béninois, tous les citoyens béninois que Marie Élise GBEDO est encore une fois partante pour la course à l’élection présidentielle 2016 du 28 février prochain au Bénin et elle sait que ce sera le bon", a-t-elle laissé entendre avec beaucoup de confiance et plein de détermination.
Voici l’intégralité de l’entretien.
Bonjour Madame Marie Élise GBEDO : Vous avez été par quatre fois déjà à une élection présidentielle au Bénin. Est-ce que la candidate Marie Élise GBEDO sera encore de la course présidentielle cette fois-ci ?
Marie Élise GBEDO : Je sais que mes fans, mes partisans et sympathisants habituels sont inquiets puisque je ne fais pas de tapages. Je ne fais pas de tapages parce que moi je respecte la loi, étant déjà femme de loi, ancien Garde des Sceaux, je ne peux pas me permettre de faire ce que tous ces candidats font. Ils se déclarent eux-mêmes candidats pour eux-mêmes, c’est ce qu’on doit dire, mais ils ne sont pas encore candidats. Moi je n’ai encore rien dit mais je fais quand même mes actions comme les textes me le permettent, je fais des actions sur le terrain, je me fais voir et je dis quels sont mes rêves, ma vision pour le pays mais en respectant les normes. Je veux donc rassurer tout le peuple béninois, tous les citoyens béninois que Marie Élise GBEDO est encore une fois partante pour la course à l’élection présidentielle 2016 et elle sait que ce sera le bon.
Vous dites que vous savez que cette fois-ci, ce sera le bon…Savez-vous ce qui n’avait pas marché les fois précédentes?
Quand je fais le point de mes participations aux différentes élections et je cherche ce qui n’avait pas marché et pourquoi ça n’a pas marché, il y a un point qui m’inquiète toujours parce que ce point revient tout le temps. Je rencontre des gens, des femmes qui me disent toujours : « maman, nos maris nous interdisent de voter pour vous. On peut passer outre mais on a tellement peur que lorsque nous rentrons dans les urnes, nous votons pour les candidats pour qui ils nous demandent de voter ».
Les hommes disent qu’une femme ne peut pas être chef. Tous les jours on nous dit ça et quand nous leur rétorquons que dans d’autres pays cela a été possible ils nous disent en langue Fon que : « la femme ne peut jamais être chef de collectivité ici au Bénin, donc pas question de prétendre à la fonction présidentielle ». Cela revient à chaque fois et je ne sais pas comment combattre ça. Je prêche mais les femmes ne veulent pas comprendre qu’elles sont seules dans l’urne et que personne ne peut les obliger à voter pour X ou Y. Tout dernièrement j’étais à Parakou, une ville du Nord Bénin située à 400km environs de Cotonou et j’étais avec les femmes et certains hommes. J’ai demandé aux femmes si l’influence des hommes se poursuivait, elles m’ont répondu que oui. J’ai parlé aux hommes qui étaient présents à la rencontre et je leur ai demandé pourquoi ils faisaient ça, pourquoi ils influencent le vote de leurs épouses ?
Les hommes ont l’habitude de dire que chez nous au Bénin, il n’est pas question qu’une femme soit présidente mais là où ça fait encore mal, c’est que ceux qui sont soit disant de « Grands électeurs », qui sont de grands intellectuels, qui ont fait des études et qui voient le monde évoluer, me disent eux aussi la même chose. Ils me disent : « GBEDO, laisse ça tomber, le Bénin n’est pas encore prêt pour prendre une femme comme Présidente ». C’est pour cela que vous ne me verrez plus dans des réunions avec eux.
Je dis que s’ils le veulent vraiment, ça se produira. Il y a des candidats qui, comme par hasard le peuple les suscite. Je ne veux pas critiquer les nouveaux candidats qui sont aujourd’hui sur la scène. Celui qui a été suscité par Yayi Boni, il est connu de qui ? Mais quand on a voulu le faire connaître, on l’a fait connaître. Donc si les gens disent aujourd’hui que c’est GBEDO que nous soutenons, c’est elle que nous voulons comme Présidente pour nous, les gens vont voter pour moi le 28 février prochain.
Il y a donc cette volonté des hommes, ce refus de la classe politique et de notre société de voir une femme diriger ce pays, qui explique aussi mes difficultés. C’est d’ailleurs pour cela que je suis déterminée moi aussi à ne pas me décourager. Je refuse de me décourager, je me dis toujours qu’il faut continuer la lutte parce que ce serait grave si j’abandonne.
Je perds effectivement des plumes dans cette affaire. D’abord tu déposes quinze millions (15 000 000) F CFA que tu ne récupères plus. Mais je me dis est-ce que je dois comptabiliser tout ça ? C’est un idéal que j’ai. Je dis toujours c’est tant mieux pour moi. Je me rappelle encore lorsque nous avons commencé à nous battre pour les droits de la femme et le Code des personnes et de la famille, j’ai pris des coups pas possibles, mais aujourd’hui nous avons le Codes des personnes et de la famille et nous le pratiquons au tribunal et tout le monde en parle. Cependant les gens ont oublié les blessures que nous avons subies. Moi-même, j’ai oublié tout ça parce que je suis satisfaite de voir que j’ai été dans un combat qui a donné des fruits, je continuerai ce combat et je suis convaincue qu’au Bénin, une femme dirigera ce pays.
C’est aussi peut-être que les gens doutent de la capacité d’une femme d’assumer une charge aussi lourde !
Je vous dis que ce n’est pas parce que Marie Élise GBEDO n’a pas les moyens de diriger ce pays, mais c’est parce que Marie Élise GBEDO est une femme et ça, ça revient à chaque fois quand on fait l’évaluation de nos difficultés, c’est l’élément qui vient à plus de 80%. Ça fait que les femmes elles-mêmes, elles n’y croient plus. Elles doutent d’elles-mêmes et elles reportent sur moi, leurs propres doutes parce qu’elles se demandent si ça va marcher. Elles se disent que ce sont les hommes qui ont le pouvoir, ce sont les hommes qui dirigent et elles ne me suivent pas, elles votent pour les hommes.
Ce qui me fait rire, c’est qu’on dit que depuis 1960, les femmes souffrent trop, que ça doit changer et nous les femmes nous disons qu’il nous faut un sauveur et les sauveurs que nous trouvons , c’est toujours un homme. Vous voyez le paradoxe ? Mais moi, la femme qui était à leurs côtés, à les aider devant la loi, elles ne se décident pas à me soutenir.
Propos recueillis par Olivier A.