La nommée Faouziath B. Bio, revendeuse, 27 ans, a comparu pour infanticide vendredi 8 janvier dernier devant la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. Déclarée non coupable et acquittée au bénéfice du doute, elle recouvre sa liberté après quatre ans et cinq mois passés en détention préventive. Telle est la sentence à l’issue de l’examen de la 15e affaire inscrite au rôle de la 2e session ordinaire de la juridiction au titre de 2015.
«Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2011 à Kandi, la nommée Faouziath B. Bio a accouché d’une fille. Après le premier cri du nouveau-né, elle l’emmaillota dans un sachet puis le jeta dans une brousse près d’un puits. Quelques jours plus tard, alors qu’elle sortait pour acheter des serpentines anti-moustiques (mosquitos), les assistantes sociales qui l’avaient suivie eu égard à son état d’indigence, la retrouvèrent sans la grossesse et sans le nouveau-né. Le bébé sera retrouvé plus tard sans vie, dans un état de décomposition avancé. Faouziath fut interpellée et conduite à la police ».
C’est ainsi que Faouziath B. Bio est inculpée pour infanticide, crime prévu et puni par les articles 300 et 302 du Code pénal, puis renvoyée devant la Cour d’assises afin de répondre de son acte et être jugée conformément à la loi.
Infanticide, crime puni
L’article 300 du Code pénal stipule : « L’infanticide est le meurtre ou l’assassinat d’un enfant nouveau-né ». L’article 302 en ses alinéas 1 et 2 dispose : «Tout coupable d’assassinat, de parricide et d’empoisonnement sera puni de mort, sans préjudice de la disposition particulière contenue en l’article 13, relativement au parricide. Toutefois, la mère, auteur principal ou complice de l’assassinat ou de meurtre de son enfant nouveau-né, sera punie, dans le premier cas, des travaux forcés à perpétuité, et dans le second cas, à des travaux forcés à temps, mais sans que cette disposition puisse s’appliquer à ses co-auteurs ou à ses complices ».
L’instance de jugement pour l’examen de ce dossier référencé n°050/PG-12 est composée du président Epiphane Yéyé, des assesseurs Ferdinand M. Dégbèlo et Arlen A. Dossa-Avocè, et des jurés Clarisse P. Mandopa Dogo, Arzouma J. Alognon, Séïdou Amadou Baparapé et Imorou Abdoulaye.
Le greffier Me Ambroise Alassane a tenu la mémoire de la Cour pour l’audience. Me Mohamed Orou Barè est le conseil commis d’office pour défendre les intérêts de l’accusé.
Le bulletin n°1 du casier judiciaire de la prévenue ne porte mention d’aucune condamnation antérieure : elle est à sa première incarcération.
Un acte de «désespoir»
Le rapport d’examen psychiatrique et médico-psychologique établi par l’expert Anselme Djidonou mentionne que l’examen de l’inculpée Faouziath B. Bio révèle « une humeur dysphorique chez elle ». Le psychiatre poursuit : «La survenue de son acte baroque posé à l’encontre de son bébé procéderait d’un état de discordance idéo-affective de fin de grossesse chez une parturiente déprimée non assistée». Parvenue au terme de sa grossesse dans un état dépressif (refus de paternité, manque de soutien matériel et affectif, solitude), elle a dû souffrir de cette discordance au cours de l’accouchement et du post-partum immédiat avec un sentiment ambivalent par rapport au bébé accouché, renchérit-il.
A la barre, Faouziath Bio ne reconnaît pas les faits d’infanticide à elle reprochés, soulignant que le bébé est décédé de lui-même. «Juste après son premier cri après l’accouchement à 3h, je suis tombée. Une heure de temps après, je me suis retrouvée. J’ai constaté que l’enfant (une fillette) a commencé à prendre du poids. J’ai commencé à couler les larmes parce qu’il ne vivait plus. Je suis allée le déposer en brousse dans mon quartier. C’est dans un pagne et non dans un sachet que je l’ai mise avec le placenta... Moi-même, c’est Dieu qui m’a sauvée », raconte l’accusée non sans émotion. Puis, elle reconnaît avoir mal agi et s’empresse de demander pardon et clémence à la Cour. Alors que se reproche-t-elle au juste, lui demande le président de la Cour ? «Au lieu de la déposer en brousse, je devrais la laisser et on va la prendre pour l’enterrer», regrette-t-elle. Faouziath précise que la grossesse appartient à un certain Fataou, un apprenti chauffeur, qui n’aurait pas reconnu la paternité et ne l’a pas assistée jusqu’à l’accouchement. «Walaï, je voulais de cet enfant sinon je ne vais pas garder la grossesse», jure-t-elle.
Il n’y a ni témoin ni partie civile à la barre. L’avocat de la défense a sollicité des experts pour éclairer la religion de la cour : un gynécologue, une sage-femme, un psychologue, un psychanalyste. Seul le gynécologue Dr Achille Obossou qui avait examiné Faouziath et le médecin Dr Soumanou Bio Moussa qui a reçu le cadavre du bébé, ont répondu présents. Le premier indique que l’enfant peut bien crier et mourir par la suite, faute de soins complémentaires juste après la naissance. Le second dit avoir examiné le cadavre du bébé retrouvé par la police et qui était dans un état méconnaissable de putréfaction avancé et couvert d’asticots. Sous réserve d’expertise d’un médecin légiste, Dr Soumanou Bio Moussa avait conclu que l’enfant serait décédé par noyade et par asphyxie, parce que les policiers lui auraient dit que le corps a été repêché d’un puits.
L’avocat de la défense fera observer que le colis n’a pas été retrouvé dans un puits mais plutôt dans une brousse, à côté d’un puits, suivant le procès-verbal de transport établi par l’officier de police judiciaire.
Faouziath a-t-elle tué sa fille ou non ?
L’avocat général Jacob Fidégnon soutient d’emblée que l’infraction d’infanticide est établie dans ce dossier. La volonté de tuer de la mère, la preuve de vie de l’enfant à travers le cri poussé à l’accouchement, la mort constatée du nouveau-né plus tard sont les conditions requises pour parler d’infanticide, indique le ministère public. Il estime que le fait d’avoir emmailloté le bébé et la responsabilité morale de l’accusée qui a mûri son acte en ne faisant appel à personne dans son entourage pour l’assister et a jeté le bébé, sont manifestes et constituent les éléments de la commission de l’infraction.
L’avocat général note cependant de larges circonstances atténuantes, à savoir l’état d’indigence de l’accusé, son repenti, son jeune âge, son casier judiciaire vierge, toutes choses qui militent en sa faveur. Il requiert que la Cour déclare Faouziath B. Bio coupable et puisqu’elle est pénalement responsable, de la condamner à six ans de réclusion criminelle.
Me Mohamed Orou Barè, avocat de la défense, rejette en bloc la démonstration du ministère public qui, fait-il observer, n’a pas tenu compte des déclarations des experts à la barre. La peine proposée est à mille lieux en déphasage avec les débats qui ont eu lieu à l’audience, avance-t-il. «Pourquoi refuser de comprendre l’acte posé par une gamine sans père ni mère et de famille pauvre, qui rencontre un salopard qui ne veut pas assumer sa responsabilité ?», lâche l’avocat tout dépité. «Elle s’est fait accouchée toute seule comme un vulgaire animal et par l’intensité de la douleur, elle est tombée dans les pommes avant de se réveiller une heure plus tard. Prise de raptus, comme le souligne le psychiatre, elle est allée déposer le bébé dans la brousse», explique Me Barè. Y a-t-il infanticide ? Est-ce que l’enfant vivait quand elle l’a emballé ? «Non. Elle n’a pas donné la mort à ce bébé qu’elle désirait et qu’elle voulait garder en préparant même son trousseau, malgré ses maigres moyens. Du moins, il y a doute et le doute doit profiter à ma cliente», développe l’avocat de la défense. «Elle est fautive, admet-il, pour avoir refusé une sépulture à l’enfant en le déposant en brousse. Et je crois qu’elle a assez payé pour cela pour avoir fait déjà quatre ans cinq mois et dix-sept jours en prison.» Au regard de ces observations, Me Mohamed O. Barè plaide l’acquittement de sa cliente au bénéfice du doute.
Acquittée au bénéfice du doute
Au verdict, la Cour donne raison au conseil en déclarant que Faouziath B. Bio n’est pas coupable d’homicide volontaire sur la personne de son nouveau-né. Elle l’acquitte effectivement au bénéfice du doute, ordonne qu’elle soit immédiatement mise en liberté si d’autres charges ne sont pas retenues contre elle et met les frais de justice à la charge du trésor public.
«Merci monsieur le président», s’empresse de témoigner Me Orou Barè après le prononcé. L’accusée innocentée se fond en larmes - des pleurs de joie - et s’accroche presqu’à genou à la robe de l’avocat pour lui dire toute sa gratitude. Le sourire en coin du conseil trahit ses sentiments de satisfaction et de devoir accompli. De sa poche, il gratifiera sa cliente d’un geste pécuniaire avant de prendre congé d’elle après des conseils et des encouragements.?
Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori