Ancien ministre du commerce et de l’industrie du Bénin, Mudjaidou Soumanou fut l’un des trois proches du président béninois Boni Yayi, arrêtés aux premières heures pour «Association de malfaiteurs et tentative d’empoisonnement et d’assassinat». Ce dossier avait fait couler beaucoup d’encre et de salive dans les milieux sociopolitiques du pays. Libéré en mai 2014, après une saga-judiciaire, Moudjaïdou Soumanou affirme dans une interview exclusive à l’Agence Savoir News, avoir «complètement tourné» cette page.
Savoir News : Moudjaïdou Soumanou, comment vous vous portez?
Merci pour l’intérêt que vous accordez à ma modeste personne. Par rapport à votre question, disons que, moi je suis un musulman, je suis croyant, j’ai la foi. Et pour moi, je dis toujours que ce n’est pas le président Yayi Boni qui m’a arrêté, qui m’a amené en prison. C’est dans mon destin, parce qu’avant ce fameux évènement, j’en ai connu pire. On a tenté ici en janvier 2011 de m’assassiner. Ils ont dissimulé ça en braquage. C’est Dieu qui m’a sauvé. Un mois plus tard, ils ont encore tenté la même chose. Ils se sont attaqués à ma famille. On a voulu me coller des crimes que je n’ai pas commis, des crimes économiques. Ça n’a pas marché et puis par la force des choses, je me suis retrouvé pendant environ vingt mois quelques jours, prisonnier. Et comme je le dis, c’est dans mon destin et forcément il faut des mains humaines pour que le destin s’accomplisse et Dieu a voulu que je passe par là, pour que le destin soit accompli. C’est comme ça que j’ai découvert le milieu carcéral. Vraiment, j’ai beaucoup appris, j’ai beaucoup appris de ce dossier.
Alors, que retenez-vous de ce dossier ?
Ce que la justice a retenu. C’est une pure invention à des fins que les auteurs, les co-auteurs connaissent certainement et que moi, j’ignore.
Actuellement, quelles sont vos relations avec le Chef de l’Etat ? Avez-vous cherché à le rencontrer après votre libération ?
Je n’ai pas cherché à le rencontrer. Pourquoi ? Je n’ai pas un dossier particulier avec lui. Donc, je n’ai pas cherché à le rencontrer.
Avez-vous complètement tourné cette page ?
Bien sûr. Pour moi, c’est du passé. D’abord, je laisse tout par rapport à ma foi et aussi c’est du passé pour moi pour citer le célèbre homme politique mondialement connu, Nelson Mandela. Il a dit : «Si vous ne faites pas l’effort d’oublier que vous êtes prisonnier ou que vous avez été prisonnier, vous demeurez prisonnier toute votre vie». Pour ce qui me concerne, je suis en train d’oublier et j’ai déjà tourné cette page-là.
Alors, quelles activités menez-vous maintenant ?
Depuis ma libération le 21 mai 2014, après quelques semaines de repos, de récupération, j’ai continué mes activités politiques par rapport aux élections présidentielles de 2016. Et il est important de souligner que j’ai pris la décision d’aller aux élections présidentielles en 2016 après l’avoir sérieusement mûri.
Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. Mais de façon fondamentale, je fais partie de ceux qui avaient œuvré à l’avènement du Président Yayi Boni parce qu’à l’époque, on cherchait un développeur, quelqu’un qui prendrait la relève après le président Kérékou et qui mettrait le pays vraiment sur la voie du développement, celui qui ferait moins de politique politicienne mais beaucoup plus de politique de développement économique et social. Et compte tenu des performances du président d’alors de la BAOD, les gens l’ont porté. Mais très tôt, j’ai été déçu. Il faut être honnête pour reconnaître que les quinze premiers mois du premier quinquennat du président Yayi Boni avaient donné de l’espoir à tous les béninois. Il avait effectivement de l’engouement pour le changement. Mais très vite, vers le second semestre de l’année 2007, il a commencé par montrer son vrai visage à travers un certain nombre de comportements et d’options par rapport à certains dossiers. Je me suis rendu compte que je me suis trompé sur la personne du Président ou du moins, il a trompé le peuple béninois sur sa personne. Il faut bien préciser que le fait que je sois passé par la prison n’a pas déterminé ma décision d’être candidat. Mais, peut être que ceux qui m’ont envoyé en prison ont tenu compte de cela pour m’y envoyer. Il fallait me condamner pour que je sois inéligible parce qu’on aurait déjà touché à mon casier judiciaire. Ils ont tout fait, mais Dieu merci, j’en suis sorti idem.
Mais d’aucuns disent que vous avez renoncé à votre candidature à la présidentielles de 2016. Qu’en dites-vous ?
Vous savez au Bénin, il y en a qui parlent trop. Il y en a qui pensent que c’est l’argent qui fait qu’on est élu Président. Et comme je n’ai pas l’argent, je fais partie des rares cadres béninois qui osent sortir la tête. Je ne me reproche rien durant mes trente ans de carrière en tant qu’agent de l’Etat, en tant que Directeur Général d’une société mixte appartenant au privé et à l’Etat béninois, et gérée selon les règles d’une entreprise privée. Je ne me reproche rien du tout par rapport aux efforts que j’ai toujours mis dans l’accomplissement efficient des missions qui me sont confiées. Pour certains, je ne pourrais aller nulle part, parce que je n’ai pas l’argent. Ceux sur qui moi-même je comptais, sont eux aussi candidats. Je les comprends bien, ils ne vont pas financer un adversaire. Je suis bel et bien candidat et par la grâce de Dieu, je ferai mes dossiers dans le délai requis.
Propos recueillis par Olphyz KOUNDE (Savoir News)