En décembre 2013, Lionel Zinsou, Hubert Védrine et Tidiane Thiam ont rendu public un rapport dont le titre évocateur est celui-ci : « Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France ». Pour ceux qui ne connaissent pas Hubert Védrine, je rappelle que c’est l’ancien ministre français des Affaires étrangères sous Lionel Jospin de 1997 à 2002. Tidiane Thiam est un économiste franco-ivoirien, actuellement directeur général de Crédit Suisse, un établissement financier de renommée mondiale. Ce sont ces trois personnalités de haut vol qui ont pensé pour le compte du Ministère français de l’économie et des finances le rapport portant sur les 15 propositions destinées à relancer l’influence française en Afrique. C’est un document de 170 pages qui analyse avec soin les leviers économiques sur lesquels la France devrait agir aujourd’hui en Afrique. Il apparait dans un contexte marqué par la fulgurante poussée de la Chine en Afrique et le recul incontestable des puissances occidentales sur le continent, notamment sur le plan économique et commercial. Cette situation constitue une menace pour l’économie française et l’influence de l’hexagone dans son ancien pré-carré.
Que disent alors ces 15 propositions ?
Non, on ne reviendra pas sur tous ces points. Proposition numéro 10 : « renforcer l’influence de la France en Afrique ». Proposition 11 « Réinvestir au plus vite la présence économique extérieure française en Afrique ». Proposition 12 – intensifier le dialogue économique entre l’Afrique et la France ; Proposition 13 – favoriser l’investissement des entreprises françaises en Afrique ; Proposition 14 – faire de la France un espace d’accueil favorable aux investissements financiers, industriels, commerciaux et culturels africains ; et proposition 15 – créer une fondation publique-privée franco-africaine qui sera le catalyseur du renouveau des relations économiques entre la France et l’Afrique. Tous ceux qui nous suivent depuis savent que toutes ces propositions ont commencé à être mises en œuvre de façon minutieuse. Je vous donne un exemple très simple. Pour ce qui est de la proposition 15, la dernière, la fondation proposée a déjà été mise en place en février 2015. C’est bien la fondation AfricaFrance dirigée par notre compatriote et premier ministre Lionel Zinsou.
Est-ce à dire que notre premier ministre est en mission pour la France ?
Je ne veux pas répondre à cette question, par respect pour l’intelligence de chacun de vous tous. Je veux juste attirer votre attention sur les dernières phrases du rapport dont je viens de parler : « Ce rapport invite la France à prendre la mesure du nouveau contexte africain, caractérisé par une croissance soutenue depuis une dizaine d’années et la montée en puissance des pays émergents – Chine en tête, et de la bataille économique qu’elle doit y livrer si elle veut bénéficier de la croissance africaine. Il se veut porteur de nouvelles relations économiques entre la France et l’Afrique, en particulier avec l’Afrique située au Sud du Sahara. Plus de 200 000 emplois pourraient être ainsi gagnés en France dans les cinq prochaines années. »
Le mot est lâché : on parle bien de « bataille économique »
Oui, effectivement. Au moment où ce rapport avait été publié en décembre 2013, l’hebdomadaire Jeune Afrique avait écrit un article dont le titre ne laisse aucune zone d’ombre : « la guerre économique a commencé ». Ce titre a été repris intégralement par un quotidien béninois ce lundi 04 janvier 2016, en faisant référence à la présence de Lionel Zinsou au gouvernement et à sa candidature pour les présidentielles prochaines. Ce que je veux que l’on sache, c’est que les Etats qui se sont développés l’ont été, non pas en attendant que l’on vienne les y aider, mais en menant des actions hardies et osées pour y arriver, y compris même en livrant des guerres féroces qui ont déchiré l’histoire. Lorsque la France agit pour asseoir son influence en Afrique afin d’endiguer celle de la Chine ou celle du Nigeria dans la région, la question qui se pose c’est : que faisons-nous nous-mêmes pour ne pas servir simplement d’échelle pour les autres ? Que faisons-nous pour que nos industriels à nous, pour que nos entreprises à nous gagnent de l’argent chez nous ou nos voisins ? Que faisons-nous nous-mêmes pour que notre pays gagne de l’argent pour faire face à ses défis de développement et ne pas se faire écraser par des puissances occidentales qui n’ont ni morale ni éthique ? Voilà la question.
Par Olivier ALLOCHEME