Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aCotonou.com NEWS
Comment

Accueil
News
Faits Divers
Article
Faits Divers

Parricide (21e dossier): Adam Ibrahim relaxé après huit ans de prison
Publié le lundi 18 janvier 2016  |  La Nation
Prestation
© aCotonou.com par TOP
Prestation de serments de 14 nouveaux avocats
Jeudi 21 Novembre 2013, Palais de Justice, Cotonou : 14 nouveaux avocats prêtent serment dans le cadre de la rentrée solennelle du Barreau Béninois






Il a tué sa propre mère qu’il accuse de sorcellerie mais il est déjà libre de ses mouvements. Lui, c’est Adam Ibrahim, 52 ans, conducteur de taxi-moto, accusé de parricide et jugé, vendredi 15 janvier dernier, dans le cadre du 21e dossier inscrit au rôle de la 2e session de 2015 de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. Il a été condamné à huit ans de réclusion criminelle alors qu’il en a déjà fait un peu plus en tôle.

Dans la nuit du 30 mars 2007 à Wètèrou, commune de Banikoara, Adam Ibrahim s’en prend violemment à sa mère Aïssatou, sous prétexte qu’elle serait une sorcière et aurait occasionné la mort de plusieurs de ses frères et sœurs. Il lui aurait porté des coups de poing et aurait cogné à plusieurs reprises sa tête contre le plancher de la chambre. Décédée des suites de lésions graves, la dépouille mortelle de la sexagénaire a été emballée dans un sac de jute retrouvé au bord de l’axe Banikoara-Arbanga.

Tels sont les faits qui ont fondé le renvoi devant la Cour d’assises du sieur Adam Ibrahim en détention provisoire depuis le 3 avril 2007, pour être jugé pour parricide, dans le cadre du dossier n°003/PG-12, le 21e inscrit au rôle de la 2e Session de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou au titre de l’année 2015. Le parricide est prévu et puni par les articles 295, 299 et 302 du Code pénal. L’article 295 dispose : « L’homicide commis volontairement est qualifié meurtre» et l’article 299, «Est qualifié parricide le meurtre des pères ou mères légitimes, naturels ou adoptifs, ou de tout ascendant légitime». «Tout coupable d’assassinat, de parricide et d’empoisonnement sera puni de mort...», stipule l’article 302 alinéa 1er.
Le bulletin n°1 du casier judiciaire du prévenu ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. L’enquête de moralité réalisée sur lui en milieu carcéral à Kandi lui est favorable. Au terme du rapport de l’examen psychiatrique et médico-psychologique réalisé par Dr Anselme Djidonou, il n’était pas en état de démence au moment des faits au terme de l’article 64 du Code pénal.

De la constitution du jury

A l’appel des jurés titulaires, trois sont absents et l’un des trois suppléants n’a pas fait le déplacement. Il manque alors un pour faire le nombre total avant le tirage au sort. Le président de céans demande qu’une personne soit retenue dans l’assistance, après que le ministère public ait assuré que les diligences ont été faites et que les absents ont sollicité régulièrement une permission. L’avocat de la défense s’insurge contre cet état de chose et met le Parquet devant ses responsabilités. «Ce n’est pas ce matin qu’il faut commencer à chercher un remplaçant. Nous ne sommes pas venus faire de l’amusement ici», fustige Me Mamadou Samari Moussa. Après une suspension, la Cour tranche et ordonne la poursuite du procès, en application de l’article 297 du Code de procédure pénale. Il dispose : «Les jurés absents ou radiés sont remplacés par les jurés suppléants suivant l’ordre de leur inscription. Si les jurés suppléants sont en nombre insuffisant pour remplacer les jurés titulaires absents ou radiés, et qu’il reste au total moins de douze sur la liste, ce nombre est complété par un tirage au sort immédiatement en audience publique, parmi les jurés inscrits sur la liste annuelle du tribunal de première instance où siège la cour d’assises ».
C’est après cela que les nommés Clarisse P. Mandopa Dogo, Dévi Djibril Domanou, Alimatou Labouda et Jocelyne Paulette Ahoton ont été tirés pour constituer le jury aux côtés du président Claude D. Montcho et de ses assesseurs Maximilien Claude Olympio et Mathieu Cakpo Assogba. Le ministère public est représenté par Francis Bodjrènou. Me François Nougbodohoué est le greffier de l’audience. Me Mamadou Samari Moussa a été commis d’office pour défendre l’accusé.

Un drame familial sur fond de sorcellerie

Comme à l’enquête préliminaire et devant le magistrat instructeur, l’accusé ne nie pas les faits qui lui sont reprochés à la barre vendredi 15 janvier dernier. Son récit des faits est plutôt saisissant. «Nous sommes dix enfants de notre mère. Une fois devenue vieille, quand elle tombe malade, c’est celui qui la garde qui meurt à sa place et elle guérit. Six sont morts et il ne restait que quatre. Notre papa, ayant constaté, a fait un médicament pour anéantir le pouvoir de notre mère ; mais après la mort de notre père, elle a repris de nous tuer. Nous sommes devenus sa viande», raconte Adam Ibrahim. Il poursuit : «Un jour, elle a déclaré qu’elle est malade. Ayant compris son jeu, j’ai fui pour aller me réfugier au Nigeria où j’ai eu dix enfants. On en était là lorsqu’un jour, elle est venue au Nigeria pour rester chez moi et je l’ai refoulée. Elle s’est rendue à N’dali où se trouvait mon grand-frère. Notre mère est restée auprès de lui pendant une semaine et mon frère aussi est mort». Ce n’est pas fini. L’accusé ajoute que des trois qui restaient, deux sont également décédés et il restait au finish que lui seul. «C’est pourquoi j’ai décidé d’en finir avec elle», finit par admettre Adam Ibrahim qui se permet de lancer à la cour : «Si vous étiez à ma place, qu’allez-vous faire ?». Il fait savoir que le drame est survenu une nuit suite à une discussion au cours de laquelle sa mère lui a dit qu’il va faire un accident et qu’elle finira par enterrer tous ses enfants avant de mourir. «C’est alors que je l’ai poussée violemment (une seule fois) et elle est tombée», laisse-t-il entendre au prétoire. «Je ne lui ai pas porté des coups», soutient Adam Ibrahim. Pourtant, à l’instruction, il avait déclaré : «C’est suite à cette déclaration que je l’ai étouffée puis vers la fin, j’ai cogné son visage contre le plancher. Elle a rendu l’âme sur le champ». Ce qui paraît d’ailleurs plus plausible au regard du procès-verbal de constat de décès établi le 3 avril 2007 et qui conclut que la vieille Aïssatou est décédée d’une mort provoquée par un traumatisme crânien suite à des coups et blessures. La tête volumineuse du cadavre avec des lésions traumatiques au visage et sur le pariétal gauche, le traumatisme à l’épaule, les plaies au niveau du bras et au coude, témoignent de la violence subie par la victime.
Aussi, Adam Ibrahim finit-il aussi par accepter qu’il avait tenté d’empoisonner sa mère défunte et celle-ci a évité de manger la nourriture intoxiquée.

De la sanction

Pour le ministère public, tous les éléments du crime de parricide sont réunis. L’homicide volontaire est établi même s’il n’y a pas dans ce dossier un certificat de décès, à en croire Francis Bodjrènou. «C’est un acte administratif mais lorsque le décès peut être justifié par autre moyen, on peut s’en tenir à ça», se défend-t-il, en s’appuyant sur le procès-verbal de constat de décès de la victime. Le lien de filiation entre la victime et l’accusé n’est pas à démontrer : ce dernier lui-même a clairement souligné que la victime est sa mère biologique.
Quid de l’intention criminelle ? «C’est un homme déterminé qui était dans une logique d’éliminer sa mère qu’il accuse de sorcellerie et qui est parvenu à cette fin», relève l’avocat général. Au regard de ce développement, il prie la Cour de déclarer l’accusé coupable d’avoir volontairement ôté la vie à sa propre mère. En ce qui concerne la peine, le représentant du parquet trouve des circonstances atténuantes, notamment le casier judiciaire de l’accusé, sa bonne moralité en milieu pénitentiaire, tout en évoquant l’article 463 du Code pénal qui parle de la réduction de la peine en fonction de ces circonstances. Pour finir, il requiert qu’il plaise à la Cour de condamner Adam Ibrahim à neuf ans de réclusion criminelle pour son acte.
«Les faits sont gravissimes parce qu’un individu ne peut pas se permettre d’ôter la vie à celle qui lui a donné la vie», se désole Me Mamadou Samari Moussa à l’entame de sa plaidoirie. «La mère, c’est l’être le plus cher. On peut ne pas être sûr d’être de son père mais pas de sa mère», affirme-t-il. Toutefois, il y a des situations qui poussent à bout, surtout quand on est faible d’esprit et on a peur d’être tué par sa propre mère, une réalité du phénomène de la sorcellerie sous nos cieux, nuance l’avocat. Dans le cas d’Adam Ibrahim, Me Samari Moussa fait savoir que son client est un « homme mal socialisé», parce que renfermé sur lui-même et n’ayant aucun ami à qui se confier. Il fustige la manière presque éhontée à travers laquelle l’accusé assume le parricide à la barre. «Nous avons collectivement fauté. La société a sa part de responsabilité dans ce drame», accuse l’avocat. Il estime «légitimes» les réquisitions du ministère public, en réaffirmant que le crime de parricide n’est pas excusable. Cependant, il trouve à la décharge de son client qu’il craignait pour lui-même et ses enfants. Le conseil plaide que la Cour se contente de le condamner au temps déjà passé en prison afin d’aller s’occuper de ses dix enfants abandonnés dont personne ne sait ce qu’ils deviennent. C’est dans ce sens qu’abondera la Cour à travers sa décision en condamnant Adam Ibrahim à huit ans de réclusion criminelle. Une sentence que bien de personnes estimeraient trop clémente pour un crime de sang et surtout un parricide.

Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori
Commentaires