Inculpé de coups mortels, le nommé Goudarou Tchagourou, bouvier, 23 ans, a été jugé coupable, lundi 18 janvier dernier. Cinq ans de réclusion criminelle, c’est la sentence retenue à son encontre, après examen de la 23e affaire inscrite au rôle de la 2e session ordinaire de la Cour d’assises de Parakou au titre de 2015.
Pour une affaire de téléphone portable disparu, Goudarou Tchagourou assène des coups de bâton à son frère germain Ada qui en meurt. Inculpé pour le chef de poursuite de coups mortels, il s’est expliqué devant la Cour d’assises composée à l’occasion du président Saturnin D. Afaton, des assesseurs Ferdinand M. Dégbèlo et Mathieu Assogba Kakpo et des jurés : Clarisse Mandopa Dogo, Jean A. Alonouémon, Simon Adoko et Fabrice Ahanhanzo Glèlè. Le ministère public est représenté par Jules Chabi Mouka. Le greffe de l’audience est tenu par Me François Nougbodohoué. Me Iréné H. Gassi a assuré la défense de l’accusé.
Les faits
Les faits remontent au 15 novembre 2013 à Wara, commune de Gogounou. «Quelques jours plus tôt, le nommé Goudarou Tchagourou constata la disparition de son téléphone portable. Ses soupçons portèrent sur son grand-frère Ada Tchagourou qui nia. Il se mit alors à espionner ce dernier. C’est ainsi qu’il réalisa que ledit portable a été vendu à un certain Souaïbou, vendeur de divers au marché de Wara. Lorsqu’il interpella son frère à ce sujet, une bagarre éclata. Goudarou porta des coups de bâton à Ada qui s’écroula, puis il prit la fuite. Mortellement atteint, Ada Tchagourou passa de vie à trépas».
Trois personnes à savoir Goudarou Tchagourou, Issa Matchou Amadou et Somou Bani Yakassou, tous des éleveurs peulhs du village de Wara, ont été appréhendées pour cette affaire. Les deux derniers bénéficieront plus tard, en décembre 2014, d’un non-lieu ; mais Goudarou Tchagourou, lui, sera retenu dans les liens de la détention. Il a reconnu les faits mis à sa charge à toutes les étapes de la procédure et a été renvoyé devant la Cour d’assises par arrêt n°148/15 du 16 novembre 2015.
A la barre lundi 18 janvier, l’inculpé plaide coupable mais tente de faire croire que c’est en voulant parer au coup de la victime que le bâton l’a atteinte à la tête. Il finit par reconnaître qu’il a riposté violemment, mais insiste qu’il ne lui a donné qu’un coup, un seul. «Il est tombé et j’ai aussitôt pris la fuite», raconte-t-il.
L’accusé dit avoir informé, après coup, sa mère. Il ressort du dossier que le cadavre a été découvert le lendemain par des paysans qui ont alerté les parents. Pas de témoins ni de partie civile à l’audience. Mais devant le juge d’instruction, l’oncle, tuteur des deux frères, laisse entendre dans sa déposition devant le juge que le climat s’est dégradé entre Goudarou et Ada, depuis que ce dernier a volé un taureau de l’accusé qu’il est allé vendre. Ada, contrairement à l’accusé Goudarou, serait un homme violent, paresseux et voleur. L’enquête de moralité est très favorable à l’inculpé. Courtois, respectueux, laborieux, il jouit de l’estime de son entourage. Aussi, n’a-t-il pas d’antécédent judiciaire.
De la sanction
Goudarou Tchagourou mérite dix ans de réclusion criminelle, requiert le représentant du ministère public, Jules Chabi Mouka. Il est accessible à la sanction pénale, parce qu’il n’était pas en état de démence au moment des faits, selon l’expertise psychiatrique et médico-psychologique, souligne-t-il. A en croire l’avocat général, le seul coup que reconnaît l’accusé suffit pour retenir le crime de coups mortels. Le lien entre le coup fatal porté et la mort imprévue de la victime qui était bien portante, l’intention de Goudarou de porter atteinte à l’intégrité physique en portant volontairement le coup, ne souffrent d’aucun doute, assure-t-il. S’il trouve des circonstances atténuantes compte tenu de la personnalité exemplaire de l’accusé et de son casier judiciaire vierge, Jules Chabi Mouka balaie cependant toute excuse de provocation ou de légitime défense.
Mais c’est bien sur ce terrain que Me Iréné H. Gassi a assis sa plaidoirie pour tenter de tirer son client d’affaire. Au principal, il plaide l’acquittement pur et simple, en évoquant l’article 328 du Code pénal : «Il n’y a ni crime ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui». Pour lui, son client n’avait pas autre solution que de se défendre «Si Goudarou n’avait pas réagi, c’est peut-être lui qui serait mort et Ada, un habitué de la violence et de la soustraction d’objets d’autrui, allait se retrouver à la barre», développe-t-il.
Au subsidiaire, Me Gassi suggère que la cour remarque que son client «a répondu spontanément à une agression injuste de la part de la victime».
Au cas où la cour ne serait convaincue ni de la légitime défense ni de l’excuse de provocation, l’avocat de Goudarou Tchagourou implore l’indulgence de la juridiction pour qu’il réintègre au plus tôt la société qui a besoin de lui.
En réaction, le ministère public maintient qu’il n’y a aucun élément pouvant justifier la légitime défense ou l’excuse de la provocation. Non seulement, il dit avoir paré le coup qu’il n’a donc pas reçu, mais sa réplique a été très violente. Or, l’excuse ne peut être acceptée que lorsque les coups provoqués sont graves.
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour déclare le nommé Goudarou Tchagourou coupable d’avoir volontairement porté des coups et fait des blessures à Ada Tchagourou, avec cette circonstance que les coups portés et les blessures faites sans intention de donner la mort, l’ont pourtant occasionnée. Condamné à cinq ans de réclusion criminelle et aux dépens, Goudarou Tchagourou retourne en prison pour y rester jusqu’en novembre 2018.