Après une série de suspensions pour exception d’inconstitutionnalité, les assises spéciales connaissant de l’affaire Dangnivo ont repris hier à la Cour d’Appel de Cotonou. Au menu de la journée, les dépositions du Chef d’escadron Firmin Boco, du frère du présumé complice Donatien Amoussou, et d’un représentant du Ministère des finances.
Quelques minutes après 10 heures, le maillet de Félix Dossa résonne à nouveau dans la salle où se tient le procès de l’affaire Dangnivo depuis novembre 2015. Déjà 13 jours que cette salle n’a plus d’intérêt pour l’opinion nationale. Ceci, depuis l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 302 alinéa 1er du code de procédure pénale soulevée par la partie civile et la défense lors du procès du 13 janvier 2016.Suite à la décision Dcc 16-020 du 21 janvier 2016, jugeant irrecevable ladite exception, le procès a alors repris, et comme l’on pouvait s’y attendre par une appréciation de la défense et de la partie civile de la décision de la Cour.
En effet, les conseils estiment que l’article 302 du code de procédure pénale est une disposition applicable à l’affaire en cours en ce sens qu’il est non seulement visé par l’arrêt de renvoi, mais également constitue, entres autres, l’élément légal de l’infraction d’assassinat. Cet article punit alors de la peine de mort le crime d’assassinat, alors même que des dispositions combinées des articles 8 et 15 de la Constitution, il ressort que la personne humaine est inviolable et que tout individu a droit à la vie. Ainsi, considérant entre autres que déjà à travers sa décision Dcc 12-153 du 4 août 2012, « qu’aucune disposition légale ne doit plus faire état de la peine de mort », la cour a alors jugé irrecevable la requête. Me OlgaAnassidé de la défensepartage sa compréhension des choses avec les jurés puisque la peine de mort est abolie au Bénin. C’est alors que son confrèreThéodore Zinflouréagit sur le fait qu’il n’ait pas été informé de la reprise du procès au même moment que le Ministère public. Il appelle au respect du droit d’équité. Néanmoins, les remous relevant de sa frustrationne feront pas obstacle à la poursuite du procès. Sa demande de report a été rejetée pour insuffisance d’éléments par Félix Dossa, Président de la Cour.
Dans le vif du procès
Les choses iront plus vite cette fois-ci, dans un procès devenu lent. Après la déposition de la Direction des Ressources Humaines du Ministère des Finances, c’est plutôt celle du Chef d’escadron, Firmin Boco, quiintéressera plus d’un, au regard de son implication dans les enquêtes ayant conduit à la poursuite des sieurs CodjoAlofa et Donatien Amoussou.Le temps de la déposition n’a pas été du tout repos pour les conseils qui attendaient beaucoup de lui. D’où la chaude discussion observée pour quelques minutes. L’on retient que la date de décès serait entre le 17 et le 18 août 2010, celle de l’exhumation le 27 août 2010.
Un guérisseur traditionnel de plus
Un autre guérisseur traditionnel entre en jeu, mais pas au même titre que CodjoAlofa. ZossouTiogbéexplique ne rien comprendre de l’affaire. Ce qui l’amène à insister sur le fait qu’il ne connaissait pas Alofa et n’aurait donc pas pactisé avec lui dans cette affaire. « en venant chez moi, ils ont dû demander à plusieurs personnes dans le quartier…, je ne pouvais pas identifier qui sont ceux qui étaient dans le véhicule blanc…une fois appréhendé et conduit à la brigade de Gbéto, j’ai été maltraité et torturé en présence de Firmin Boco et de Prince Allédji », a-t-il déclaré. Il ajoute quelques précisions selon lesquelles, il a été arrêté une à deux semaines après les funérailles d’un parent (8 août 2010) et n’est sorti de prison que le 25 avril 2013 sous caution de 100.000 F. Alors qu’il aurait été arrêté le 4 septembre 2010 et relâché le 22 septembre de la même année.Il n’a pas été observé de divergences absolues entre le déposant et l’accusé Alofa. Par ailleurs, Me Houngbédji de la partie civile demande à obtenir la déposition d’un certain Richard Degbey, voisin de Alofa.
La déception…
Le frère aînédu présumé complice a fait sa déposition dans l’après-midi. Il fait le récitde comment le Camerounaisa élu domicile chez eux, des relations de ce dernier avec Donatien Amoussou, et comment il s’est retrouvé en contact avec SévérinKoumassegbo par l’intermédiaire de Julien Akpaki, alors Directeur de l’Ortb. Il s’étonne de ce que son frère soit gardé alors que celui qui a apporté l’information est libre. A la suite de sa déposition, Me Baparapé et Me Anassidé arrivent à prendre acte de quelques précisions qui leur sont importantes. Il s’agit du fait que Koumassegbo ne serait pas membre de la commission d’enquête judiciaire mais se serait retrouvé de plain-pied dans la procédure au point de détenir selon le déposant un compte rendu des enquêtes sur son ordinateur portatif. Mention a été aussi faite de ce que le déposant a changé son numéro moov puisque faisant l’objet de menaces. Il en est de même de Sévérin Koumassegbo qui aurait changé son numéro aussi quelque temps après. Me Théodore Zinflou demande à avoir dans ce cas des précisions sur les numéros ayant appeléAlofa et celui deDangnivo.
Les conseils frustrés à nouveau
Alors que Clément Padonou, médecin légiste ayant procédé à l’expertise médico-légale a été appelé pour sa déposition, Me Zinflou formule la requête de ce que les assises soient reportées à ce jour. Il sera suivi de Me Houngbédji, qui insiste à être écouté par le Président Félix Dossa. Le Président de la Cour n’accède pas à ces requêtes, ce qui pour un quart d’heure, suscitera à nouveau la frustration des avocats de la partie civile et de la défense. Ces derniers dénoncent un « mépris » à leur endroit et portent à l’attention de la cour la nécessité d’être traité comme cela se droit. « Je ne veux pas une vérité mais la vérité, pas un procès mais le procès », souligne Me Houngbédji. Le Président Félix Dossa finira par suspendre le procès afin que les conseils aient le temps de porter leurs interrogations de cet acteur clé qu’est Clément Padonou.
Fulbert ADJIMEHOSSOU (Coll.)
La rédaction