Paulin Davodoun, médecin de santé publique, coordonnateur de la zone sanitaire Covè-Zagnanado-Ouinhi définit les Organisations à base communautaire (OBC) comme des organisations animées par les masses, c’est-à-dire, par les populations. Elles sont d’abord des entités qui ont une certaine structuration à savoir un président, un secrétaire, des membres. Selon le type d’organisation communautaire de base, la structuration peut varier. Elles peuvent être un groupement féminin, un groupement mixte composé de femmes et des hommes, un groupement de production ou d’artisans. Tout compte fait, c’est un groupe d’individus structuré qui œuvre pour atteindre un objectif fixe qu’il s’est donné. Les OBC, étant une structure de base, peuvent contribuer à améliorer la qualité de la santé de leurs membres ou des populations qui les entourent. Donc la composante santé qui a été ajoutée à ses tâches est une œuvre sociale volontaire pour pouvoir accompagner le système de santé.
Paulin Davodoun explique que les maladies sont d’abord identifiées dans la communauté et qu’une prise en charge précoce rapide aide à les circonscrire mais aussi à atténuer leur gravité. Ceci permet de recevoir au niveau supérieur dans les centres de santé, les cas moins graves. On enregistre avec le concours des OBC, explique-t-il, moins de décès, de complications. C’est cette perception qui a guidé le Programme de renforcement de la performance du système de santé (PRPSS) à impliquer les OBC dans la prise en charge sanitaire, notamment à travers le volet appelé Financement basé sur les résultats (FBR).
Assurer la continuité
Les animateurs des OBC sont des points communautaires qui relaient ce que les agents de santé font. Ils assurent la continuité des soins dans la communauté. «C’est en ce sens qu’ils sont très appréciés», confirme-t-il. Le patient passe moins de temps avec l’agent qualifié de santé et moins de temps à l’hôpital. Le reste du temps il le passe dans la communauté où après sa convalescence, il reprend ses activités. Donc les OBC sont d’une importance capitale. Avec les relais communautaires appuyés par le FBR, déclare-t-il, il y a des enfants de 6 à 9 mois qui sont dépistés et référés pour la malnutrition sévère aigue. Le relais est formé pour pouvoir les dépister et les orienter pour une prise en charge rapide et de qualité. Il y a aussi des enfants de moins de 5 ans présentant des signes de danger ou des signes de gravité, c’est-à-dire présentant une forte fièvre ou une détresse respiratoire. Il y a aussi des femmes en âge de procréer entre 15 et 49 ans qui ne sont pas dans le besoin d’avoir une grossesse tout de suite et qui veulent adopter une méthode de planification familiale. Le relais qui entre en contact avec une femme comme celle-là, l’oriente vers la sage-femme ou l’infirmière de maternité pour sa prise en charge. Il existe des enfants qui, au cours des 11 premiers mois de vie, doivent être complètement vaccinés. Il y en a qui ne le sont pas. Le relais qui est formé et qui sait que l’enfant à 9 mois doit avoir fait sa vaccination contre la rougeole, est tenu de l’envoyer dans un centre de santé pour sa vaccination. Il en est de même pour les pinta 1, pinta 2 et pinta 3. Les femmes enceintes doivent faire leur première consultation prénatale dans les trois mois. Comment oublier les nouvelles accouchées au centre de santé pour les consultations post natales. Dans le deuxième ou douzième jour, après être rentré, il faut qu’elle fasse la première visite post-natale. On remarque, déplore Paulin Davodoun, que ces femmes n’arrivent plus. «On les perd de vue et on n’arrive pas à les suivre», confie-t-il. Il y a aussi les cas d’indigents, les malades qui n’ont rien. La politique actuelle permet de les prendre en charge. Les relais apportent leur appui, à ceux-là qui sont déjà identifiés et connus. Il y a aussi dans la communauté, une maladie chronique qui est la tuberculose. Lorsque quelqu’un fait une toux chronique de plus de trois semaines, cette toux ne doit plus être gardée à la maison. Le relais est donc chargé de l’aider pour l’orienter vers l’hôpital. Ce sont donc quelques cas pour lesquels les relais aident à orienter vers les centres de santé.
L’organisation des OBC
La zone sanitaire Covè-Zagnanado-Ouinhi (COZO) compte environ 170 000 habitants au 31 décembre 2015. En matière d’Organisation à base communautaire (OBC), elle compte, avec le concours de l’Unicef, 193 relais communautaires dont 48 à Covè, 79 à Zagnanado et 66 dans la commune de Ouinhi.
Ces relais communautaires sont identifiés pour la prise en charge des interventions à hauts impacts. Pour jouer leur rôle, le ministère de la Santé a mis des paquets d’intervention à hauts impacts.
L’identification des interventions à hauts impacts rentrent dans une stratégie nationale de développement du secteur santé. Ces interventions concernent la lutte contre le paludisme, la prise en charge et l’utilisation des moustiquaires imprégnées. On peut aussi citer la vaccination, la consultation prénatale, l’accouchement dont on a les références qu’il faut pour sauver des vies. Il y a aussi la malnutrition. Les 193 OBC aident les agents de santé pour la prise en charge de la fièvre, le corps chaud, la malnutrition, la diarrhée et aussi la vaccination. Pour mieux accomplir leur mission, ils disposent aussi de kits qui leur sont alloués par l’Unicef. Donc, ils ont des kits qui sont composés très souvent du sachet de sel de réhydratation orale, c’est les TBR pour voir s’il y a le paludisme dans le sang de l’enfant. Les relais savent aujourd’hui faire le test de dépistage pour le paludisme. Ils sont des combinaisons thérapeutiques à base d’athésinine, des médicaments que nous appelons CTA pour la prise en charge également avec de l’eau. Ils ont aussi le CTM bactrim avec de l’amocxiciline, des brassards tricolores qui permettent de dire que l’enfant est dans le vert, le jaune, le rouge. C’est selon la couleur du brassard que l’on saura si l’enfant est portant, nourri, modérément nourri ou bien s’il fait une malnutrition sévère.
Ainsi, ils circulent dans les communautés, les villages où ils sont sollicités.
Ils sont aussi bien connus des chefs de villages, des sages, des conseillers et même des élus de leur localité de qui ils reçoivent des visas. Ils sont ainsi autorisés à faire des soins et se substituent aux agents de santé dans la communauté. Dans leurs aides à prendre en charge ces affections, ils sont motivés par le Financement basé sur les résultats. Leur travail est motivé quand ils ont des performances à travers des critères bien précis, s’ils ont bien identifié les cas, bien fait à temps les références. Ces diverses motivations permettent aux OBC de couvrir les frais de déplacements et les petites dépenses.
Moyens insuffisants mais…
«Le travail des OBC est un travail de volontariat. Ce n’est pas un travail salarial avec un contrat et une rétribution scellée», a expliqué Bienvenu Tchokpon, un des relais communautaire rencontré à Lanta. «C’est un volontariat motivé», précise Vincent Sèdjro, chef du village de Zoundji. Ces agents des OBC accordent beaucoup de temps pour ce travail-là. Socialement, a indiqué Paulin Davodoun, ils ont une certaine reconnaissance de la société en se sacrifant pour le bien des autres. Avant d’être relais, on leur explique qu’il ne s’agit pas d’une activité génératrice de motivation pécuniaire, mais avant tout une reconnaissance sociale, une participation sociale qui nécessite des accompagnements de moyens mis à leur disposition outre les kits de travail. «On leur fait savoir que ce n’est pas ce travail qu’ils font qui va faire d’eux des riches», complète Paulin Davodoun. Car, poursuit-il, l’agent de santé n’est pas quelqu’un qui doit rêver de devenir riche, mais avoir une satisfaction et pour travail qu’il fait pour les autres. Selon l’organisation, on peut distinguer plusieurs types d’OBC. Certaines qui travaillent par exemple pour la lutte contre la cécité, d’autres pour les maladies causées par l’onchocercose. Ces agents des OBC ont une motivation selon le programme qui les utilise. Care international et Bornfonden par exemple aident les groupes de relais qui contribuent essentiellement à transférer les cas graves dans les villages vers les centres de santé.
A cet effet, Care International a acheté 22 motocycles qui servent d’ambulance pour transporter les cas graves que les relais identifient et qu’on ne peut pas mettre sur une moto simple mais dans des motocycles équipées, brancardées pour les amener au centre de santé. Donc, il y a ces moyens de déplacement qui, avant, étaient des vélos simples qu’on accordait aux relais. Aujourd’hui et selon l’importance de l’activité et des implications par endroits, il y a des barques motorisées sous le contrôle de la communauté?
Rôle des collectivités locales dans la motivation des OBC
Si l’Unicef et des programmes s’efforcent dans la structuration et la motivation des OBC, les collectivités locales peuvent aussi de par leurs moyens, contribuer à la motivation des OBC dans leurs sacrifices pour le bien-être des communautés locales.
Selon Paulin Davodoun, la gestion selon l’approche projet n’a jamais été un facteur de développement durable pour la société. Il faut toujours une continuité dans l’attribution, maintenir les acquis et les entretenir.
Etant donné que les relais sont là et déjà organisés, connus et structurés, les collectivités locales ont un grand rôle à jouer pour le maintien de cette file d’assistance de base. La déconcentration ou la décentralisation des activités dans les zones communautaires, les communes, les arrondissements et villages doit faire l’affaire des élus locaux. Les budgets communaux dans la mesure du possible et pouvoir mettre des lignes de prise en charge d’activités communautaires pour les soutenir. Cela préviendrait le néant dans lequel on pourrait se retrouver quand l’appui de l’Unicef viendrait à terme. «Il faut qu’il y ait une continuité sinon nous allons rompre la chaîne et tout de suite, nous allons encore basculer dans le néant», prévient-il. Il en veut pour preuve le dilemme dans lequel se retrouve aujourd’hui la commune de Ouinhi après le retrait de Care International financé par Sanofi. «Ce problème se pose avec acuité aujourd’hui à Ouinhi où toutes les activités sont arrêtées», souligne-t-il.
Il n’y a plus de possibilité, ni pour la maintenance de ces motos, ni pour l’entretien des relais communautaires. Les cas qui doivent être référés sont faits de manière très difficile ou selon la bonne volonté des personnes. Paulin Davodoun lance un appel aux maires, aux élus locaux et à toutes les bonnes volontés de la Société civile pour qu’ils appuient les OBC dans l’accomplissement de leurs tâches?
DG
Lu 50 fois