Depuis l’avènement de la Conférence Nationale des Forces Vives de Février 1990 qui a instauré un État de droit et une démocratie à multipartisme intégral ainsi que le libéralisme économique, la volonté d’assurer une gouvernance publique qui conduit au progrès économique, social, culturel et environnemental dans notre pays est demeurée au cœur des mandats présidentiels et législatifs qui se sont succédés.
Elle s’est manifestée par des avancées louables notamment :
• L’adoption d’une Charte nationale pour la gouvernance du développement du Bénin ayant pour objectif de réhabiliter les valeurs morales et républicaines indispensables au développement humain durable du Bénin ;
• L’instauration de mécanismes de gouvernance concertée sous l’égide d’un Haut Commissariat à la Gouvernance Concertée qui joue le rôle d’interface entre les populations, le secteur privé, la société civile et les autorités administratives et politiques ;
• La mise en place d’un cadre de dotation des hauts emplois techniques visant à dépolitiser et à rendre plus performante et plus moderne l’administration publique béninoise ;
• La mise en vigueur d’une loi portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes, dotée d’une institution chargée d’instaurer un environnement anti-corruption et une société fondée sur les valeurs citoyennes et éthiques pour un développement durable, et d’un cadre de concertation pour des actions pertinentes pouvant à terme inverser la courbe exponentielle de la corruption au Bénin.
Mais force est de constater que les dividendes escomptés de la démocratie béninoise ne sont pas au rendez-vous, que la gouvernance publique est devenue un frein pour l’épanouissement des enfants du Bénin :
• d’abord parce qu’elle ne concourt pas à la préservation de l’intégrité de la chose publique,
• ensuite, parce qu’elle ne procède ni ne se nourrit des principes de transparence, de responsabilité et d’imputabilité,
• enfin, parce qu’elle ne génère pas la confiance et le travail collaboratif nécessaires à un progrès continu et soutenu.
Elle entretient plutôt des contre-valeurs qui se cristallisent dans une corruption devenue systémique, constituant ainsi une menace majeure pour notre pays et son système démocratique.
Il devient alors urgent d’écouter et de répondre à l’exaspération ambiante, bien illustrée par la plus Récente enquête d’Afro baromètre réalisée au Bénin et publiée en mars 2015 qui indique qu’environ 8 béninois sur 10 désapprouvent la performance du gouvernement dans la lutte contre la corruption au sein de l’administration publique, et que la proportion de citoyens qui disent que la performance du gouvernement béninois est « plutôt mal » ou « très mal » dans la lutte contre la corruption au sein de l’administration est passée du simple au double entre 2008 (38%) et 2014 (79%)1.
L’élection présidentielle de 2016 est l’occasion à saisir pour répondre à cette crise multi dimensionnelle et entreprendre la transformation nécessaire vers une gouvernance publique capable d’accélérer notre marche vers la réalisation à l’horizon 2025 (dans dix ans !) de la vision ALAFIA du Bénin comme « un pays phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien ; être social ». L’exemplarité du leadership au sommet de l’État sera cruciale pour réussir cette transformation.
C’est pourquoi, le « PACTE ALAFIA » est proposé en tant qu’outil d’engagement pour une telle transformation, une alliance citoyenne par la quelle les signataires s’engagent à placer, au cœur des débats de cette élection présidentielle les enjeux liés à la transparence et la performance de la gouvernance publique pour le développement durable de notre pays et à être exemplaire pour la mise en œuvre diligente des sept(7) engagements qu’il comporte.
Un pacte pour quelle gouvernance publique ?
Une gouvernance publique qui s’entend d’un « système de relations de pouvoir entre les autorités publiques, la société civile et le secteur privé »2 dans le but de transformer positivement les aptitudes des communautés politiques à se diriger légitimement et à agir efficacement.
Un pacte entre qui et qui ?
Un pacte qui engage prioritairement les candidats à l’élection présidentielle de 2016, en tant que potentiels dépositaires de la puissance publique, vis-à-vis des autres acteurs de la gouvernance publique que sont la société civile et le secteur privé, et dans l’intérêt général et supérieur du peuple béninois ;
Un pacte qui induit également en retour un engagement des deux autres acteurs de la gouvernance publique à l’endroit du peuple ; Un pacte dont l’adhésion restera en définitive ouverte à toutes les béninoises et tous les béninois qui sont convaincus de ce qu’une gouvernance publique ne peut générer le progrès et le développement véritable et durable que si chacun de ces trois pôles (autorité publique, société civile et secteur privé) est en capacité d’agir positivement, légitimement et efficacement.
Un pacte pour quels résultats ?
Un pacte pour une gouvernance publique transformatrice qui trouve au préalable son ancrage dans l’assainissement de l’environnement politique et la réalisation de réformes institutionnelles spécifiques, afin de garantir une gestion des biens et services publics fondée sur l’exercice réel et contrôlé :
1. De la responsabilité, de la transparence, de l’obligation redditionnelle ;
2. De l’accessibilité de l’information publique ;
3. De la prévisibilité dans la prise de décision ;
4. De la stabilité dans l’application des normes établies et du suivi des réformes y relatives ;
5. De la garantie de l’indépendance des institutions et organisations de contre-pouvoir ;
6. De l’instauration de la confiance au profit de la promotion du travail collaboratif.
C’est pourquoi, dans un élan citoyen et patriotique, nous :
• Governance & Policies for Sustainable Development (GPSN-Dev Benin) ;
• Association Béninoise de Droit constitutionnel (ABDC) ;
• Women In Law and Development in Africa (WILDAF-Bénin) ;
• Social Watch Bénin ;
• West Africa Network for Peace Building (WANEP-Bénin) ;
• Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA-Bénin) ;
• Coalition Nationale pour la Paix (CNP-Bénin) ;
• Association de Lutte Contre le Racisme l’Ethnocentrisme et le Régionalisme (ALCRER) ;
Initiateurs de ce pacte, avec le soutien de plusieurs autres organisations de la société civile, invitons tous les candidats à l’élection présidentielle à s’engager par la signature de ce pacte à adhérer aux engagements ci-après :
Réformer les institutions de l’État en équilibrant les pouvoirs, de manière à :
1.1 Respecter la séparation des pouvoirs en évitant toute intrusion de l’Exécutif dans la nomination des responsables ou dans le fonctionnement des institutions de contre poids ou de contre-pouvoir ;
1.2 Assurer aux institutions de contre-pouvoir une véritable indépendance ainsi qu’une Autonomie administrative et financière effective ;
1.3 Inscrire dans les normes de gestion des affaires publiques les principes de transparence et de performance de la gouvernance publique, du droit d’accès des citoyens à toute information relative à la gestion de la chose publique ;
1.4 Encadrer par une loi organique la structure du gouvernement et des ministères et inscrire le principe de subsidiarité par la décentralisation et ou la déconcentration effective de la gouvernance publique.
2. Réformer le système partisan de façon à :
2.1. Renforcer les conditions de création et de fonctionnement des partis politiques pour éviter des formations sans envergure nationale et pour lutter contre le régionalisme, l’ethnocentrisme et la transhumance politique ;
2.2. Améliorer la démocratie dans le fonctionnement interne des partis politiques en
Equilibrant les pouvoirs du président et des autres organes du parti ;
2.3. Mettre les règles (notamment les critères et conditions) de financement des partis
Politiques à profit pour régler les problèmes liés à la consistance du financement, à son contrôle public, à une meilleure participation des femmes et des jeunes aux activités des partis politiques, notamment leur présence en position éligible sur les listes de candidature.
3. Réformer l’Administration Publique pour :
3.1. Assurer à tous les niveaux son intégrité, la transparence et l’efficacité de son management, la réduction permanente de la vulnérabilité ou de la permissivité à la corruption de ses procédures ;
3.2. Instaurer la culture de la ponctualité et de l’exécution à bonne date de tout acte public et généraliser les contrats d’objectifs et de résultats ;
3.3. Systématiser la réédition de compte, les contrôles de gestion et les audits indépendants, en publier les résultats et initier les diligences qu’induisent leurs conclusions et recommandations ;
3.4. Renforcer et respecter les cadres et mécanismes de dotation des hauts emplois
Techniques de la fonction publique ;
3.5. Assurer un dialogue social effectif, fécond et responsable.
4. Faciliter effectivement la décentralisation de la gouvernance publique pour :
4.1. Rendre effective la déconcentration et/ou la décentralisation de la gestion de l’administration publique, de ses ressources humaines, de l’élaboration et de l’exécution de son budget ;
4.2. Assurer une déconcentration qui facilite l’efficacité de la décentralisation ;
4.3. Corriger les inégalités territoriales et valoriser les potentialités respectives de chaque territoire, commune et communauté.
5. Créer un environnement incitatif qui facilite la libération et la convergence des énergies des enfants du Bénin vers un développement durable de façon à :
5.1. Instaurer la crédibilité de la parole de l’autorité, le respect des engagements pris et la gouvernance par l’exemple ;
5.2. Promouvoir le secteur privé comme principal créateur de richesse et d’emplois ainsi que les investisseurs nationaux ;
5.3. Dynamiser les opportunités de partenariats public-privé populations (4P) ;
5.4. Promouvoir l’excellence, la créativité, l’innovation, le travail collaboratif et la saine émulation en particulier pour l’entreprenariat des jeunes.
6. Garantir le droit d’accès du citoyen à toute information relative à la gestion de la chose publique de façon à :
6.1. Assurer l’élaboration participative puis l’adoption à brève échéance d’une loi spécifique, dotée d’un mécanisme autonome et efficace pour garantir l’accès du citoyen à l’information relative à la gestion de la chose publique ;
6.2. Rendre disponibles et faciles d’accès les informations détaillées et régulièrement mises à jour sur les budgets des institutions publiques et les modalités de leur exécution ;
6.3. Respecter les dispositions de la Constitution autorisant la désobéissance à des instructions illégales en protégeant les dénonciateurs des actes de corruption ou d’incitation à la corruption dont se rendent coupables les autorités, et en protégeant par la loi le devoir de conscience.
7. Assurer la participation effective des citoyens à l’élaboration, à l’évaluation et à l’audit publics des politiques, programmes et projets de l’État pour :
7.1. Systématiser la démarche participative et inclusive ;
7.2. Garantir l’accès des organisations de la société civile (OSC) exerçant le contrôle de l’action publique aux résultats des audits des politiques, programmes et projets publics ;
7.3. Susciter l’attachement des jeunes aux valeurs de l’éthique républicaine et de l’accomplissement de soi à travers le service à la communauté et à son pays, ainsi qu’aux principes de transparence, de responsabilité, de réédition de compte dans la gestion publique.
Formule d’engagement pour les candidats à l’élection présidentielle de 2016
Je signe le Pacte ALAFIA en tant que candidat à l’élection présidentielle de 2016 comme preuve de mon engagement :
- à placer, au cœur des débats, les enjeux liés à la transparence et la performance de la Gouvernance publique pour le développement durable de notre pays ;
- à respecter et à mettre en œuvre effectivement et diligemment les principes et dispositions du Pacte ALAFIA si je suis élu.
La rédaction